PERSONNEL D’ADF
Quelques mois après le vote du Conseil de sécurité des Nations unies pour lever l’embargo sur les armes en Somalie, les experts évaluent l’impact de cette décision.
Pendant plus de trente ans, la Somalie était sujette à l’embargo établi pour empêcher les seigneurs de la guerre et les milices de s’armer pendant la guerre civile désastreuse du pays. Il a été modifié plusieurs fois au cours des années en réponse à l’aggravation de la crise des chebabs.
Pendant les dix dernières années de l’embargo, la Somalie nécessitait l’autorisation du Conseil de sécurité pour acheter ou réceptionner des armes de haut calibre, des équipements et des véhicules. Les responsables se plaignaient d’être désavantagés par rapport aux groupes terroristes lourdement armés. Une étude de 2022 conduite par l’Institut Hiraal, centre de recherche somalien, a découvert que les chebabs dépensaient 24 millions de dollars par an pour acquérir des armes.
Samira Gaid, directrice exécutive de l’Institut Hiraal, déclare à Voice of America : « Vous avez les chebabs qui sont capables d’acheter sur les marchés locaux et de passer ces armes en contrebande, par exemple depuis le Yémen ou ailleurs. Donc pour eux, ils ont accès à tout sans aucune contrainte. Mais d’un autre côté, le gouvernement est limité. »
Les responsables gouvernementaux et militaires déclarent que l’embargo les rend incapables d’armer correctement les forces de sécurité pour défendre le pays, au moment où l’Union africaine se prépare à mettre fin à sa mission en Somalie et à remettre le contrôle complet de la sécurité entre les mains des forces locales. En décembre 2023, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté presque unanimement pour lever entièrement l’embargo.
Abukar Dahir Osman, ambassadeur de Somalie à l’ONU, déclare : « La levée de l’embargo sur les armes nous permet de confronter les menaces graves. Il nous permet aussi de renforcer la capacité des forces de sécurité somaliennes en ayant accès à des armes léthales et des équipements afin de protéger adéquatement nos citoyens et notre nation. »
Mais les observateurs et les pays voisins se préoccupent de cette décision. L’Institut Hiraal déclare que si des protections ne sont pas mises en place la levée de l’embargo risque d’aggraver la violence entre les clans. Il exhorte le pays à démontrer un meilleur contrôle de ses ports pour arrêter le flux des armes illégales et fait appel à la Marine nationale somalienne pour mieux protéger ses dépôts d’armes.
« L’évidence suggère que la levée prématurée de l’embargo sur les armes pourrait précipiter une série de résultats négatifs, depuis l’intensification des conflits entre les clans et des flux d’armes illicites jusqu’à la création de menaces plus graves contre la stabilité régionale et globale », écrit l’institut dans un article publié par The East African.
La plupart des observateurs conviennent que l’embargo a été inefficace pour stopper l’entrée des armes illégales en Somalie.
Une étude de 2022 conduite par la Global Initiative Against Transnational Organized Crime a découvert que les marchés d’armes illicites prospéraient en Somalie. L’étude intitulée « Le prix de la guerre civile : une enquête sur les marchés d’armes en Somalie » a estimé que près de 95 % des armes illégales de petit calibre sur le marché étaient des fusils d’assaut et que leur grande majorité, soit 81 %, était fabriquée en Russie ou en Chine. Les chercheurs ont aussi découvert que les armes provenant des dépôts des forces de sécurité étaient vendues sur le marché noir, malgré un système de gestion des armes et des munitions établi par l’état.
« Dans plusieurs cas, les armes du gouvernement somalien ont été déployées par les chebabs durant leurs attaques », selon le rapport.
Aujourd’hui, alors que l’embargo est complètement levé, les observateurs déclarent qu’il incombe aux responsables somaliens d’améliorer la surveillance et d’assurer l’emploi correct de toutes les armes. Roble Idle, écrivant pour la Somali News Agency, fait appel à « des mécanismes robustes de contrôle des armes, y compris la gestion des inventaires, le suivi et la surveillance ».
« Le succès de cette opportunité dépend de l’engagement du gouvernement somalien envers la transparence, la responsabilisation et le suivi des normes des droits de l’homme. Il est crucial d’assurer que ces armes soient utilisées à des fins de sécurité légitimes et ne soient pas détournées à des fins de répression intérieure ou d’activités illégales, pour gagner la confiance de la communauté internationale. »