PERSONNEL D’ADF
Au Burkina Faso, les civils déjà pris dans les feux croisés de plusieurs organisations extrémistes violentes disent qu’ils ont besoin d’être protégés par les forces de sécurité, au lieu d’être ciblés par ces dernières.
Depuis 2016, les groupes terroristes islamistes rivaux affiliés avec l’État islamique et al-Qaïda se sont répandus dans le pays à partir du Nord, avec des conséquences létales.
Toutefois, les récents efforts anti-terroristes du gouvernement ont aussi fait l’objet d’accusations d’assassinat et d’abus des civils.
En avril dernier, une coalition de dix-sept organisations burkinabés de la société civile a publié une déclaration exprimant le « besoin de faire des droits de l’homme un sujet central dans la lutte contre la violence armée ».
La coalition a indiqué que deux enfants et un homme âgé de 100 ans étaient parmi les quelque 80 civils ou plus tués par balle lors des opérations militaires gouvernementales des 10 et 11 avril dans des villages d’Oudalan, province la plus au Nord du Burkina Faso.
Selon la déclaration, « les violations des droits de l’homme pendant les opérations militaires sapent la sécurité et encouragent l’extrémisme violent. Seules des politiques de sécurité focalisées sur la protection et le respect des droits humains mettront fin aux cycles de violence armée et les empêcheront à long terme. »
L’appel de la coalition est adressé au gouvernement de transition formé par une junte militaire qui a renversé le président du Burkina Faso le 24 janvier, en déclarant que l’insécurité était sa motivation principale.
Toutefois, depuis le coup d’État, les incidents violents ont quadruplé et les décès ont triplé, comparé à la même période de 2021, selon les données du Projet de données des lieux et des événements de conflit armé.
La violence a déplacé plus de 1,7 million de personnes. C’est la plus grande crise de réfugiés du Sahel selon le Conseil national pour le secours d’urgence et la réhabilitation.
Près d’une personne sur quatre au Burkina Faso, pays de 20 millions d’habitants, nécessite de toute urgence une assistance humanitaire, d’après les Nations unies.
La récente réponse antiterroriste du pays s’est traduite par une augmentation des abus, des enlèvements et des assassinats de civils par les forces de sécurité du gouvernement et les milices progouvernementales de volontaires.
Dans un rapport du 16 mai, l’organisme international sans but lucratif Human Rights Watch (HRW) a documenté la souffrance des Burkinabés pris entre deux feux.
Corinne Dufka, directrice de HRW pour l’Afrique de l’Ouest, a déclaré : « Les groupes islamistes armés démontrent jour après jour leur mépris profond de la vie et des moyens de subsistance des civils. Les forces du gouvernement et les milices associées doivent scrupuleusement soutenir les droits humains internationaux et le droit humanitaire et cesser de tuer au nom de la sécurité. »
Elle a aussi averti que de nouveaux problèmes se manifestaient au milieu du carnage continuel.
Les terroristes islamistes ont ciblé des villages avec des mortiers et ont enterré des engins explosifs improvisés sur les routes principales, en tuant des douzaines de personnes au cours des dernières semaines tout en entravant l’assistance humanitaire.
La violence incontrôlée provoque aussi le recrutement des enfants soldats. Les femmes et les jeunes filles sont victimes d’abus sexuels.
« J’ai documenté des douzaines de cas de jeunes filles et de femmes qui ont fait l’objet d’abus sexuels et qui ont été battues alors qu’elles cherchaient du bois, alors qu’elles allaient au marché et y revenaient, alors qu’elles fuyaient les combats dans leur village », a-t-elle dit.
Le rapport de HRW exhorte le gouvernement du Burkina Faso à révoquer un décret de 2021 qui donne aux membres d’une force spéciale antiterroriste une immunité aux poursuites pour les actes commis « dans l’exercice de leurs fonctions ».
Il suggère aussi que le gouvernement devrait augmenter le soutien médical et mental des victimes des abus.
« Il y a eu très peu d’investigations, et encore moins de poursuites, pour les atrocités qui ont ponctué le conflit au Burkina Faso, déclare Mme Dufka. Le gouvernement devrait assurer la présence de prévôts responsables pour la discipline des troupes et les droits des détenus dans toutes les opérations militaires et adopter des mesures pour que les tribunaux civils et militaires conduisent des procès équitables des suspects. »