PERSONNEL D’ADF
Restaurer la sécurité : c’était la justification principale des leaders du coup d’état au Burkina Faso et au Mali lorsqu’ils ont pris le pouvoir. De nouvelles informations indiquent qu’ils ne tiennent pas leurs promesses.
En fait, ces deux pays étaient en milieu d’année sur le point d’éprouver l’année la plus meurtrière depuis le début du conflit sahélien il y a dix ans, selon l’Armed Conflict Location and Event Data Project (Projet de données des lieux et des événements de conflit armé, ACLED).
Au Mali, la violence commise par les groupes extrémistes est sur le point d’augmenter de 70 % en 2022 et les décès civils dus à la violence extrémiste au cours du premier trimestre de l’année étaient plus nombreux que pendant toute année précédente, selon le Centre d’études stratégiques de l’Afrique.
Le Burkina Faso est aussi sur le point d’excéder la violence enregistrée l’an dernier. Depuis juillet, la violence a déplacé environ 6.700 personnes dans la région Boucle du Mouhoun, selon Médecins sans frontières.
Le Mali a subi trois coups d’état militaires depuis 2021, y compris deux depuis 2020. La présence des mercenaires russes du groupe Wagner provoque une hausse de l’instabilité après l’arrivée d’un nombre de combattants de Wagner estimé à 1.000 l’an dernier dans le pays.
Alors que la Russie s’engage de plus en plus, les autres troupes étrangères s’en vont.
Le dernier contingent de l’armée française a quitté le Mali le 15 août après une mission de neuf ans visant à combattre l’extrémisme dans le Nord et le centre du pays. Quelques semaines auparavant, l’armée allemande avait suspendu ses opérations de reconnaissance et de transport au Mali lorsque la junte avait interdit la rotation des troupes allemandes qui contribuaient à une force de sécurité multinationale.
La ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock a déclaré aux journalistes le 25 août : « Il faut craindre que la situation là-bas s’intensifiera davantage dans les prochains mois. C’est pourquoi il est très important de contrer le récit russe et de tout faire ensemble pour minimiser les effets terribles de cette guerre, là où nous le pouvons. »
Un « climat toxique »
L’arrestation en juillet dernier de près de cinquante soldats de Côte d’Ivoire au Mali a souligné l’isolement de la junte avec les pays voisins. Les soldats ivoiriens ont été qualifiés de « mercenaires » par les autorités maliennes. La Côte d’Ivoire dit qu’ils faisaient partie d’une équipe de soutien logistique.
Face à la réaction, le Mali a suspendu temporairement la rotation des troupes de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). La mission des Nations unies au Mali comporte 12.000 soldats et 1.700 policiers qui essaient de stabiliser le pays depuis 2013. Une rotation simplifiée des soldats de l’ONU au Mali a repris le 15 août.
Alioune Tine, expert onusien indépendant des droits de l’homme au Mali, a noté une recrudescence de la violence extrémiste et des attaques dans les régions du Nord et du centre du pays et près de la capitale de Bamako, après une visite de dix jours à la mi-août.
« Il y a un climat toxique marqué par la méfiance et le manque de confiance, avec un rétrécissement continuel de l’espace civique, un durcissement des autorités transitionnelles maliennes et un malaise qui n’épargne pas les partenaires internationaux », déclare-t-il sur le site web de l’ONU.
Un « mépris profond » de la vie
Les groupes extrémistes du Burkina Faso intensifient les massacres, les exécutions, les viols et les pillages depuis le coup d’état de janvier 2022, selon un reportage de Human Rights Watch. Les groupes militants augmentent aussi leurs attaques contre les enseignants, les élèves et les écoles.
Corinne Dufka, directrice de Human Rights Watch au Sahel, a déclaré sur le site web de l’organisation : « Les groupes islamistes armés démontrent jour après jour leur mépris profond de la vie et des moyens de subsistance des civils. Les forces du gouvernement et les milices associées doivent scrupuleusement soutenir les droits humains internationaux et le droit humanitaire et cesser de tuer au nom de la sécurité. »
Le groupe terroriste Jamaat Nosrat al-Islam wal-Mouslimin (JNIM), affilié à al-Qaïda, a conduit plus de 400 attaques dans dix des treize régions du Burkina Faso au premier semestre 2022. Le groupe est impliqué dans près de 70 % des évènements violents signalés dans le pays et a effectué cinq fois plus d’attaques contre les civils que l’État islamique dans le Grand Sahara, selon ACLED.
Le 27 août, des centaines de civils ont manifesté dans les rues de Dori contre l’insécurité. Plusieurs manifestants ont brandi une bannière indiquant : « Le Sahel est délaissé, il agonise. »
« Le Sahel est uni pour dire “Non” à l’incompétence des autorités. Les populations veulent dormir et se réveiller dans la quiétude », a déclaré Yaya Dicko, coordonnateur du mouvement, à Radio France Internationale.