Le centre commercial Westgate était le symbole de l’explosion de la classe moyenne kenyane : un vaste supermarché, rempli de télévisions à écran plat, de vins importés et de rayons garnis de fromages et charcuteries.
Mais lorsque, sous une explosion de grenades et une rafale de tirs, en septembre 2013, des hommes armés se sont mis à arpenter les rayons en exécutant au moins 67 personnes de sang-froid, le supermarché Nakumatt est devenu l’épicentre d’un horrible massacre.
L’attaque, revendiquée par le mouvement somalien Al-Shebab, lié à Al-Qaida, marqua le début d’une année difficile pour l’économie kenyane. Mais il y a des signes de rebond.
« Trois jours après l’attaque terroriste, il n’y avait plus de Nakumatt ; nous avions tout perdu », confie Atul Shah, directeur de Nakumatt Holdings, la plus grande chaîne de supermarchés d’Afrique de l’Est, en termes de magasins. Le Nakumatt Westgate était le magasin-phare du groupe. Les pertes ont été évaluées à 6,7 millions de dollars.
« Les affaires ont ralenti pendant quelques mois, tout le monde évitait les centres commerciaux ou les lieux publics », a poursuivi M. Shah qui a aussi indiqué que l’entreprise commençait à se remettre et qu’elle ouvrait de nouveaux magasins.
« Plus que tout, l’attaque du Westgate a affaibli le discours sur l’essor de l’Afrique et l’émergence d’une classe moyenne – les meneurs de l’économie », a estimé Aly-Khan Satchu, analyste financier basé à Nairobi. « Cette classe moyenne est passée d’une attitude offensive à une attitude plus défensive ».
Des attaques ultérieures, notamment sur la côte, ont porté un grave préjudice au tourisme – important générateur de devises et gros employeur.
« Les répercussions négatives se sont fait sentir surtout sur le tourisme côtier, qui est à genoux, et qui a peu de chance de rebondir significativement dans les 12 prochains mois », a déclaré M. Satchu en septembre 2014.
Le Bureau du tourisme affirme que les arrivées de visiteurs n’ont baissé que de 5 pour cent dans les quatre premiers mois de 2014. Mais les acteurs du tourisme assurent que les taux ont plongé. « Nous avons pratiquement fermé boutique, a déclaré Mohamed Hersi, président de l’association des professionnels du tourisme de la côte kényane. Nous avons eu une baisse de près de 40 pour cent ».
Mais le Kenya s’est déjà remis de coups durs, comme après l’attaque d’Al-Qaida contre l’ambassade américaine de Nairobi en 1998 ou les violences meurtrières qui ont suivi l’élection présidentielle de fin 2007. On s’est arraché les actions à la Bourse des valeurs de Nairobi, dès qu’elles ont été mises sur le marché en septembre 2014.
« L’économie kenyane a fait preuve d’une faculté de résilience exceptionnelle, depuis l’attaque du Westgate », a déclaré M. Satchu, en septembre 2014. « La Bourse de Nairobi a progressé de plus de 30 pour cent depuis le Westgate et cela est un signal majeur ».
Un an après l’attaque d’Al-Shebab, le Westgate n’a pas rouvert ses portes. On peut encore voir les impacts de balles sur les palissades qui en condamnent l’accès. Le magasin s’est en partie effondré pendant le siège, à la suite d’une explosion et d’un incendie. Des plantes ornementales prolifèrent autour des terrasses de café où se retrouvaient naguère Kenyans et étrangers pour y déguster du vin ou du café haut de gamme.
M. Shah indique que la reconstruction se poursuit. Il reste confiant pour le Kenya. « Nous nous en remettrons un jour et nous prions pour que rien de tel ne se reproduise. »