PERSONNEL D’ADF
Cette province rétive du Nord-Est du Mozambique déborde d’activité.
Malgré des défaites récentes, les insurgés violents continuent à attaquer les villages et les habitants alors que des milliers de membres des forces de sécurité luttent pour protéger les municipalités afin d’accueillir les citoyens déplacés qui reviennent et de restaurer les espoirs naissants de normalité.
En même temps, le gouvernement, les organismes internationaux, les pays donateurs et un block régional œuvrant pour stabiliser l’Afrique australe discutent et créent des plans pour reconstruire la province.
Le nombre de paramètres, tout comme le défi de la reconstruction, est paralysant.
Jasmine Opperman, experte indépendante du terrorisme basée en Afrique du Sud, a déclaré à ADF : « Dans une ruche, il y a 40.000 abeilles et chaque abeille sait exactement ce qu’elle fait. Au Cabo Delgado, nous avons une multitude d’acteurs mais ce n’est pas bien coordonné. Ce n’est pas intégré. »
« Les abeilles volettent donc, chacune avec son petit objectif, mais comment cela est-il lié à une stratégie nationale qui est nécessitée désespérément au Cabo Delgado ? »
La mission militaire au Mozambique (SAMIM) de la Communauté de développement de l’Afrique australe (CDAA), qui a des milliers de soldats déployés dans la province, a annoncé le 24 juin qu’elle avait commencé à mettre en œuvre le programme de soutien au développement de la paix de la CDAA.
Les États-Unis ont promis le 14 juin « d’affecter près de quatorze millions de dollars par an pendant 10 ans pour aider la reconstruction, la formation professionnelle et le développement des capacités de justice » au Cabo Delgado.
La Banque mondiale a promis 300 millions de dollars pour des opportunités économiques et une infrastructure de santé et d’éducation. Elle a distribué la première tranche de 100 millions en janvier 2022.
Les ministres ont approuvé le plan de reconstruction du gouvernement mozambicain pour la province en septembre 2021. Ses trois piliers sont l’assistance humanitaire, la remise en état de l’infrastructure et l’activité économique et financière. Il coûtera 300 millions de dollars.
Lors d’un briefing, la CDAA a déclaré que son programme « vise à améliorer les mécanismes de protection sociale, l’état de droit, l’assistance humanitaire et les initiatives de développement des capacités ».
Plus de 4.000 personnes ont trouvé la mort au Cabo Delgado et plus de 800.000 ont été déplacées par le soulèvement violent qui a débuté en 2017.
Jasmine Opperman avertit que la situation sur le terrain n’est pas encore stabilisée.
Cabo Ligado, observatoire de conflit en ligne qui suit l’insurrection dans le Nord du Mozambique, écrit dans son rapport du 20 au 26 juin :
« Le modèle d’activité des insurgés est de plus en plus caractérisé par des raids éclair contre des cibles éloignées et vulnérables dans des districts multiples, très probablement dans l’intention de faire pression sur les ressources des forces de sécurité. Néanmoins, ils ne recherchent pas la confrontation directe avec ces forces. »
Un renouveau de violence au mois de juin a provoqué 53 morts dans les districts d’Ancuabe, Chiure, Mecufi, Meluco, Metuge et Nampula. Plus de 60.000 personnes, y compris près de 33.000 enfants, se sont enfuis de leur foyer, selon l’organisme caritatif Save the Children.
En signalant que les cellules terroristes ont refait surface dans des zones que l’on pensait être contrôlées, Jasmine Opperman recommande la prudence dans les efforts de reconstruction.
« Le programme de la CDAA peut avoir de bonnes intentions mais l’environnement n’est pas favorable à de telles interventions, dit-elle. Tout d’abord, nous devrons geler cette insurrection. Deuxièmement, un programme de développement de la confiance dans les communautés dépendra des interventions de Maputo ; c’est seulement ensuite que nous pourrons parler de la CDAA et de son programme de développement de la paix. »
« Pour le moment, cela semble une promesse en l’air. »
D’autres comme le professeur Armindo Ngunga, président de l’Agence intégrée de développement pour le Nord à Pemba, déclarent que la situation sécuritaire s’améliore et pensent que le moment est venu pour entreprendre la reconstruction.
Lors d’un panel de discussion le 21 avril organisé par l’Institut pour les études de sécurité, il a déclaré : « Je ne pense pas qu’il soit avisé d’attendre que tous les terroristes soient tués. Le terrorisme est quelque chose de difficile à gérer parce que ce n’est pas une guerre conventionnelle qui aboutit à un accord signé. »
« Dans ce cas particulier, les terroristes sont anonymes en termes de leadership. Nous ne savons pas qui est derrière eux, avec qui nous pourrions négocier. »
Joseph Hanlon, expert du Mozambique à l’université ouverte d’Angleterre et autre panéliste, convient que la reconstruction devrait commencer maintenant.
« Si vous avez des centaines de jeunes qui travaillent sur des projets sérieux avec une formation sérieuse, ils vont le dire à leurs amis, déclare-t-il. Ces propos vont atteindre ceux qui sont avec les insurgés, ceux qui y sont seulement à cause d’un emploi. Toutes les recherches suggèrent que la plupart des insurgés le sont pour l’argent ou pour le travail, et non pas pour certaines raisons religieuses. »
« Si nous commençons par les endroits que nous contrôlons, nous pourrions lancer ces projets. C’est vrai, nous avons besoin de sécurité, mais pas le type de sécurité prédatrice qui provient surtout de l’armée du Mozambique. Ceci dirait aux jeunes du Cabo Delgado qu’il existe une alternative, ce qu’aucun d’eux ne croit pour le moment. »
« Nous devons donc lancer la reconstruction pendant la guerre. »