PERSONNEL D’ADF
La pêche illégale, non déclarée et non réglementée (IUU) a devancé la piraterie comme menace principale pesant sur la sécurité maritime dans les eaux africaines. L’an dernier, les chalutiers industriels peu scrupuleux ont continué à employer une série de tactiques pour attraper beaucoup plus de poissons qu’ils n’étaient autorisés à le faire, en réduisant sérieusement les stocks de poissons.
La pêche IUU conduit souvent à d’autres crimes tels que la contrebande de stupéfiants et d’armes, la traite humaine et la piraterie. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) espère limiter la pêche IUU en 2022 lorsqu’elle s’efforcera de mettre fin aux subsides nuisibles de carburant que les pays fournissent pour financer leur flotte de pêche en eaux distantes.
Mais ce n’est pas aussi simple. Les négociations de l’OMC se poursuivent depuis vingt ans, et la Chine et l’Inde se sont opposées à mettre fin aux subsides.
Daniel Voces de Onaíndi, directeur général d’Europêche (organisme représentant les pêches européennes), a déclaré à SeafoodSource qu’il pense que ce sera « vraiment difficile » pour l’OMC de conclure un accord sur les subsides de pêche avant la fin février. On pensait avoir un consensus lors d’une conférence fin 2021 mais l’événement a été reporté à cause du Covid-19.
« De nombreuses questions fondamentales restent ouvertes, telles que les subsides de carburant, la détermination de la pêche [IUU] et les latitudes accordées aux pays en voie de développement », a dit Daniel Voces à SeafoodSource.
Isabel Jarrett, qui gère une campagne pour réduire les subsides de pêche nuisibles chez Pew Charitable Trusts, se demande s’il existe une « volonté politique » suffisante pour que l’OMC atteigne un consensus sur les subsides et autres questions liées à la pêche IUU.
Mme Jarrett a déclaré à Mongabay, plateforme sans but lucratif d’actualités sur les sciences environnementales et la conservation : « Le soutien remboursant les dépenses de carburant doit rester sur la liste des subsides interdits. Sans ces subsides nuisibles, 54 % de la pêche en haute mer et dans les eaux territoriales des autres pays ne serait pas rentable. »
La Chine, d’où provient la plus grande flotte de pêche en eaux distantes du monde, est aussi le pire contrevenant IUU mondial, selon l’Index de pêche IUU.
La capacité que possède la Chine pour avoir une portée de pêche mondiale dépend en grande partie des subsides de son gouvernement. Aucune autre nation ne verse davantage de subsides de pêche que la Chine, qui a payé 7,2 milliards de dollars, soit 21 % environ du total mondial, en 2018, selon un rapport de ScienceDirect.com.
La Chine cible depuis des dizaines d’années les eaux d’Afrique de l’Ouest, avec des effets dévastateurs.
La pêche IUU fait perdre à la Gambie, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Mauritanie, le Sénégal et la Sierra Leone 2,3 milliards de dollars par an. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture estime que plus de 300.000 emplois ont disparus dans la région à cause de la pêche illégale.
Au Ghana, les stocks de petits poissons pélagiques tels que la sardinelle ont baissé de 80 % au cours des vingt dernières années, à cause de la surexploitation. L’une de ces espèces appelée sardinella aurita a aujourd’hui entièrement disparu. Sans intervention gouvernementale, l’effondrement complet des pêches du Ghana se produira probablement en moins de dix ans, selon Max Schmid, chef de l’exploitation de l’Environmental Justice Foundation.
Les pêcheries marines du Ghana soutiennent les moyens de subsistance de plus de 2,7 millions de personnes, soit près de 10 % de la population. Plus de 100.000 pêcheurs et 11.000 pirogues sont actifs dans le pays, mais à cause de la surexploitation et des tactiques IUU, le revenu annuel moyen a baissé jusqu’à 40 % par pirogue artisanale au cours des quinze dernières années, selon la fondation.
Wisdom Akpalu, directeur de l’Initiative de l’environnement pour le développement basée au Ghana, a déclaré dans des documents de presse publiés par Pew Charitable Trusts que, si l’OMC peut conclure un accord significatif, « les stocks de poissons épuisés pourraient enregistrer une reprise, en renforçant les communautés du littoral et réduisant les migrations internationales sur le continent [africain] ».
Le Dr Akpalu évoquait les conséquences des migrations humaines lorsque les moyens de subsistance sont sérieusement menacés.