PERSONNEL D’ADF
Les sociétés technologiques chinoises colportent depuis des années des ensembles technologiques de « ville sûre » et de « ville smart » en Afrique. Les séries de produits et de services interconnectés incluent l’équipement de surveillance, les outils de communication et les systèmes numériques de gestion municipale.
Annoncés comme des outils de sécurité publique, les programmes sont de plus en plus utilisés pour contrôler la population et réprimer les protestations.
« Cela peut être dangereux entre les mains de quelqu’un d’irresponsable, et cela peut être facilement abusé », déclare Zlatko Petrović, responsable public serbe qui se spécialise dans la protection des données personnelles, au Financial Times.
En Chine, des millions de caméras vidéo sont installées dans les villes. Alors qu’elles observent tout ce qu’elles peuvent, elles sont connectées à un logiciel de reconnaissance faciale, à une intelligence artificielle et à toute une série d’autres outils.
La technologie fait partie du projet chinois Bouclier doré, un réseau numérique national de surveillance. L’un de ses systèmes clés est le Grand Firewall de Chine, système gouvernemental pour filtrer et contrôler l’accès à l’Internet.
Les critiques tels que Xiao Qiang, fondateur du site web China Digital Times, sonnent l’alarme sur les risques encourus par la sécurité et les droits humains qui accompagnent la technologie chinoise de surveillance.
« Ceci représente l’expansion mondiale du système chinois d’autoritarisme numérique, déclare-t-il au Financial Times. Lorsque je parle d’autoritarisme numérique, je veux dire la capacité de contrôler, surveiller et forcer les sociétés à utiliser ce type de technologie de la ville sûre et la ville smart. »
« Beaucoup de pays, mais pas tous, installent ces ensembles de ville sûre et smart car ils ont des régimes peu libéraux qui décident de compter sur ces sociétés chinoises pour gérer leur infrastructure en leur nom. »
Les experts avertissent que la technologie de surveillance chinoise peut permettre aux gouvernements autoritaires de surveiller les personnes ou les groupes spécifiques. Ils avertissent aussi les acheteurs de cette technologie que les données privées peuvent probablement être transmises au service de sécurité de l’État chinois sans qu’un relevé n’apparaisse dans le logiciel.
Une expansion en Afrique
Bien que de nombreux pays aient exclu le géant chinois des télécommunications Huawei à cause des problèmes de sécurité, la société continue à se développer en Afrique.
Ses centres de données, son infrastructure en nuage et ses services de l’e-gouvernement gèrent des données sensibles telles que les impôts, les antécédents de santé et les dossiers juridiques.
À la fin juin 2021, le Sénégal est devenu le plus récent pays africain à annoncer des plans de transfert de toutes les données et toutes les plateformes numériques du gouvernement vers un centre de données financé par la Chine et construit par Huawei.
Trois pays africains jugés « non libres » par l’organisation non gouvernementale Freedom House (Algérie, Cameroun et Égypte) ont des accords avec les sociétés technologiques chinoises de surveillance. Plusieurs autres pays jugés « partiellement libres », notamment la Côte d’Ivoire, le Kenya, Madagascar, le Maroc et le Mozambique, ont aussi fait des achats.
Le Zimbabwe a consolidé sa relation avec les sociétés technologiques chinoises depuis la mi-2018 lorsqu’il avait acheté un logiciel de reconnaissance faciale pour la sécurité des frontières auprès de Hikvision, société de surveillance contrôlée par le gouvernement chinois. Hikvision pilote aussi actuellement un projet ambitieux de ville smart à Mutare, la quatrième ville du Zimbabwe.
Au début 2019, CloudWalk Technology a fait don de terminaux de reconnaissance faciale qui nécessitaient que les images soient envoyées depuis le Zimbabwe à des bureaux en Chine. Les experts déclarent que CloudWalk les a utilisées pour améliorer la capacité du logiciel pour identifier les visages à la peau foncée, technologie qui lui faisait défaut.
Ces deux sociétés chinoises ont été sanctionnées par les gouvernements occidentaux pour des abus des droits humains contre la communauté minoritaire des Ouïghours musulmans.
Alors que les critiques augmentent dans le monde entier, les sociétés technologiques chinoises font l’objet d’un examen plus détaillé et, dans certains cas, de restrictions et du retrait de leurs produits par des gouvernements préoccupés.
Xiao déclare sur Public Radio International : « Si vous utilisez la technologie chinoise, vos données ne restent pas seulement entre les mains de ces sociétés privées, comme Google ou Apple. Vos données tombent essentiellement entre les mains du Parti communiste chinois. »