Entre les algorithmes utilisés pour pister les navires « noirs » qui passent en contrebande le pétrole brut volé, et un système d’autorisation en ligne pour réduire la corruption, le service des ressources pétrolières (DPR) du Nigeria espère utiliser la nouvelle technologie pour combattre le vol, qui coûte au pays des milliards de dollars.
Dans la région du delta du Niger riche en pétrole, les voleurs perforent les pipelines et siphonnent le pétrole brut dans des tonneaux à bord de petites embarcations. Celles-ci s’approchent ensuite des navires plus grands, ce qui permet de pomper le produit de contrebande dans des pétroliers pour son exportation, habituellement vers l’Asie. Jusqu’à 10 % de pétrole brut volé est mélangé au produit légitime.
Le premier pays africain exportateur de pétrole s’est adressé à la société informatique française Kpler pour l’aider à identifier les contrebandiers parmi les milliers de navires qui sillonnent les eaux du Nigeria. Le DPR a commencé à travailler avec Kpler en décembre 2018 et a révélé cette collaboration en avril 2019. Kpler et le DPR ne souhaitent pas discuter du prix de leur contrat.
Dans les bureaux partagés de Kpler à Londres, Antoine Pillet, chef du partenariat avec le Nigeria, fait un zoom sur un seul navire dans le système d’eaux fluviales reculées du delta à l’aide des données satellitaires et du logiciel exclusif de la société.
Arrêté au-dessus du pipeline de pétrole brut Forcados, loin des chenaux principaux de navigation, le navire est au milieu de marécages souillés de noir par les déversements, et de forêts dont les arbres ont été abattus par la construction sauvage, signes indicateurs du vol et du raffinage.
« À certains égards, nous sommes la [télévision en circuit fermé] de ce qui se passe dans les eaux nigérianes, déclare M. Pillet. Nous fournissons les données mais nous ne fournissons pas vraiment d’opinion sur ce qui pourrait se passer. »
La plateforme de Kpler est aux aguets 24 h/24 et observe les mouvements inhabituels comme celui-ci et les changements de tirant d’eau des navires indiquant un chargement ou un déchargement de cargaison. Elle saisit les données dans un algorithme qu’elle enseigne au DPR à interpréter.
Le Conseil de sécurité des Nations unies estime que le Nigeria a perdu 2,8 milliards de dollars de revenus en 2017 à cause du vol du pétrole, mais Kpler révèle qu’une meilleure approximation des pertes actuelles serait au moins de 100.000 barils par jour, soit entre 3 et 8 milliards de dollars par an selon un rapport de Chatham House publié en 2013.
Le DPR déploie aussi d’autres méthodes pour enregistrer les débits de pétrole et de gaz dans une base de données centrale en temps réel.