QUE CE SOIT LE LABOURAGE DES CHAMPS OU LA RÉPARATION DES USINES DE TRAITEMENT DES EAUX USÉES, LES SOLDATS REDÉFINISSENT LEUR RÔLE
Dans la région centrale d’Afrique du Sud, le Vaal est une catastrophe écologique qui menace la santé des 19 millions de résidents qui vivent en aval. Son destin est entre les mains d’improbables guerriers écologiques : la Force nationale de défense d’Afrique du Sud (SANDF).
En Septembre 2018, la commission des droits humains d’Afrique du Sud a inspecté cette rivière à la suite d’allégations selon lesquelles 150 millions de litres d’eaux usées non traitées y étaient déversés quotidiennement. Selon un reportage de TimesLIVE, la commission a déclaré : « L’inspection du site a révélé une violation ‘prima facie’ [apparente] des droits d’accès à l’eau propre et à l’environnement propre, et de la dignité humaine. » La possibilité d’une épidémie de choléra est une préoccupation particulière, selon les responsables.
Le major-général TT Xundu de la SANDF déclara que l’évaluation conduite par son équipe indiquait que les usines de traitement des eaux usées et les sous-stations ne fonctionnaient pas correctement.
« Il y a des fuites et des ruptures de canalisation, et tout cela menace le bien-être des résidents », a déclaré le général Xundu à TimesLIVE. « Nous allons examiner nos capacités techniques limitées et déterminer ce que nous pouvons faire pour porter assistance, notamment au niveau des sous-stations et des usines de traitement. »
Les soldats avaient un avantage sur les ingénieurs civils : ils pouvaient se défendre contre les voleurs. « L’ensemble de la région sera déclaré zone militaire pour que les forces armées puissent pénétrer dans la zone et la sécuriser, en s’assurant que l’équipement qui y sera utilisé ne sera ni volé ni vandalisé », a déclaré le général Xundu.
Les responsables avaient espéré résoudre le problème dans un délai d’un an. En date d’avril 2019, les ingénieurs ont découvert de nouvelles sources de pollution dans la rivière, en plus des usines de traitement endommagées.
DES SPÉCIALISTES DU SAUVETAGE
La SANDF a des années d’expérience dans la gestion des problèmes écologiques, mais elle a surtout été un acteur clé dans les catastrophes d’origine climatique. Les inondations étant devenues un problème quasi-annuel en Afrique australe, la SANDF possède quelques-unes des équipes de sauvetage les plus expérimentées du continent.
La réponse aux inondations du Mozambique en 2013 caractérise typiquement sa façon d’affronter les crises. L’armée de l’air d’Afrique du Sud a d’abord fourni une capacité de pont aérien à Gift of the Givers, groupe d’aide aux sinistrés. Les avions de transport C-130 de la SANDF ont expédié plus de 136 tonnes de nourriture. Le site defenceWeb déclare que le déploiement de la SANDF incluait des plongeurs de la marine, des hélicoptères Oryx avec leur équipage et des infirmiers de soins de santé primaires, des diététiciens et des responsables de la santé environnementale du service de santé des forces armées d’Afrique du Sud. Après avoir achevé les opérations de recherche et de sauvetage des victimes des inondations, l’armée de l’air commença à distribuer la nourriture par voie aérienne.
Le colonel Andre Pieterse déclare au journal sud-africain Beeld qu’au cours d’une seule opération la SANDF a secouru au moins 500 personnes des eaux déchaînées du fleuve Limpopo au Mozambique. Cette action a nécessité l’utilisation de treuils pour lever les gens qui étaient montés sur les toits et dans les arbres.
Un officier de la SANDF déclare à ADF que dans les pays voisins de l’Afrique du Sud, les civils en sont venus à considérer le personnel de la SANDF comme des secouristes plutôt que des soldats traditionnels.
DES SOLDATS ÉCOLOGIQUES
L’Afrique du Sud n’est pas le seul pays à utiliser ses forces armées de façon innovante. Au 21ème siècle, les soldats commencent à découvrir que la protection et la restauration de l’environnement sont des éléments clés du maintien de la paix, de la prévention de la guerre et de la protection des civils.
En 2019, la secrétaire kényane à la Défense Raychelle Omamo déclare que les Forces de défense du Kenya (KDF) utiliseront la protection de l’environnement comme première ligne de défense pour résoudre les conflits axés sur les ressources, tels que ceux entre les agriculteurs et les bergers.
Auparavant, déclare Mme Omamo, les soldats étaient déployés dans certaines régions du pays pour rétablir l’ordre et la stabilité entre ces deux groupes en conflit pendant les époques de sécheresse.
« La dégradation de l’environnement et les effets destructeurs du changement climatique jouent le rôle de multiplicateurs de l’insécurité et du conflit et rendent plus crédibles les liens durables entre la paix, la bonne gouvernance et la protection de l’environnement », déclare-t-elle selon un reportage du site News Ghana.
Mme Omamo déclare que les Forces armées du Kenya ne sont pas limitées à la protection du pays contre les agressions externes. Elle dit que leur rôle peut aussi être interprété pour inclure la protection contre les menaces cycliques de la famine, des maladies et de la perturbation des moyens de subsistance due aux conditions climatiques extrêmes. Le général Samson Mwathethe, chef des forces de défense du Kenya, déclare que cette approche continue à porter ses fruits, mais qu’il faut faire plus.
« Les KDF tendent le bras aujourd’hui pour tenter d’établir des partenariats afin d’améliorer la sécurité et la santé du monde pour les générations présentes et futures », déclare-t-il selon un reportage de News Ghana.
Le Nigeria prend aussi des mesures pour faire face aux défis écologiques. Le pays est réputé avoir les pires problèmes de déforestation de la planète. La Nigerian Conservation Foundation déclare que le Nigeria a perdu 96 % de sa couverture forestière naturelle. Une cause importante en est l’abattage illégal des arbres de bois précieux utilisé pour fabriquer les meubles destinés au marché chinois.
Les responsables des Forces armées du Nigeria déclarent qu’ils font face à un problème additionnel : essayer de protéger l’environnement des plantes et des animaux tout en empêchant ledit environnement de devenir un sanctuaire pour les criminels, les kidnappeurs et les terroristes.
En mars 2019, l’armée nigériane annonce une mesure radicale pour aider à préserver la faune sauvage du pays. Les responsables militaires annoncent qu’ils prévoient de créer des « mini-zoos » et parcs de faune sauvage dans tous les camps militaires pour protéger les plantes et les animaux menacés.
Le major-général Adekunle Shodunke déclare que ces zoos et ces parcs serviront aussi d’espaces récréatifs pour le personnel militaire. Il demande aux responsables du service des parcs nationaux du Nigeria d’aider à développer « l’écotourisme dans les zoos et les parcs et à assurer leur conformité aux normes internationales », selon un reportage de Vanguard Media. Le service des parcs s’est engagé à soutenir ces zoos de base.
LE MANDAT DU RWANDA
Les Forces rwandaises de défense (RDF) déclarent que l’engagement civique est une pierre angulaire de ses activités. « Les RDF ont le mandat de soutenir et de seconder les efforts du gouvernement visant à la réduction de la pauvreté, au développement de l’infrastructure, à la fourniture des soins de santé, à l’éducation et autres activités destinées à affronter les défis affectant la sécurité humaine », déclarent les RDF dans une annonce de presse de 2019. Vers la mi-avril 2019, les RDF lancent leur programme d’attention civile de 2019, selon lequel l’équipement médical et agricole et l’outillage technique sont envoyés dans les régions pauvres du pays. Le personnel médical rwandais offre aux malades un traitement gratuit alors que d’autres labourent des champs et construisent des maisons. Ce programme annuel dure environ six semaines.
L’agence de presse rwandaise Taarifa déclare qu’on estime que le programme traiterait 138.000 patients tout en améliorant aussi le système sanitaire. L’agence déclare que le personnel militaire prévoyait de construire 1.141 maisons pour « les citoyens les plus vulnérables du pays ». Les soldats prévoyaient aussi de cultiver 11.139 hectares de terre arable tout en réservant 45.300 hectares pour contrôler l’érosion du sol et protéger l’environnement.
LES LEÇONS DE L’AMISOM
Certaines des tâches civiques entreprises par les groupes militaires proviennent des efforts de maintien de la paix. La mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), qui en est à sa 12ème année d’existence, en offre un exemple concret. Il s’agit de l’opération de soutien de la paix la plus longue et la plus vaste de l’Union africaine et ses résultats ont été très étudiés. Des articles de recherche ont documenté les leçons tirées de cette opération, et la façon dont elles peuvent être employées dans l’ensemble du continent.
L’AMISOM avait pour mandat d’aider et de protéger les dirigeants politiques de la Somalie, de restaurer les forces de sécurité du pays, de soutenir les élections et de fournir une assistance humanitaire. Ces efforts humanitaires ont évolué dans le sens d’une communication avec les groupes civils et gouvernementaux pour qu’ils cherchent des moyens de s’entraider.
En avril 2019, l’AMISOM et les groupes civils de Somalie décident de créer des programmes qui responsabiliseront les citoyens afin qu’ils participent à la vie publique du pays.
L’AMISOM signale qu’elle travaille étroitement avec les principaux acteurs somaliens pour assurer que le transfert de la responsabilité sécuritaire aux forces nationales somaliennes s’effectue sans difficulté et que les gains déjà acquis du processus de stabilisation soient préservés.
« Nous voulons que vous preniez le relais, et l’AMISOM est prête à aider le peuple somalien à améliorer la qualité de vie du pays », déclare Francisco Madeira, chef de l’AMISOM.
LES NEUF JOURS D’UNE MISSION DE SAUVETAGE
En mars 2019, le cyclone tropical Idai frappe l’Afrique australe, en traversant lentement le Mozambique, le Zimbabwe et le Malawi pendant 5 jours. Idai, qui est l’un des cyclones les plus meurtriers de l’histoire, cause la mort de plus de 1.000 personnes, avec des milliers d’autres portées disparues. Le bilan des victimes pourrait ne jamais être connu.
Après la tempête, la Force nationale de défense d’Afrique du Sud (SANDF) participe aux efforts de sauvetage au Malawi et au Mozambique. Voici le rapport de la SANDF selon defenceWeb :
Vendredi 15 mars : La SANDF amène par avion une équipe de spécialistes dans les zones inondées pour évaluer le type d’assistance humanitaire qui est nécessaire.
Samedi 16 mars : Suite au succès de l’évaluation dans les deux pays, la SANDF déploie une équipe de 10 militaires spécialistes de la santé avec les forces aériennes de recherche et de sauvetage du Malawi. Le même jour, un hélicoptère moyen de manœuvre Oryx et un avion de transport léger CASA-212 sont aussi envoyés au Malawi.
Dimanche 17 mars : Malgré la persistance des pluies et du vent au Mozambique, la SANDF réussit à transporter une première équipe pour préparer l’arrivée des secouristes humanitaires. Les responsables déploient deux hélicoptères Oryx en service continu. Ils déploient un hélicoptère léger A109 pour la recherche et le sauvetage, un C-212 pour le transport du personnel et de l’équipement et un aéronef PC-12 pour les missions de reconnaissance.
Lundi 18 mars à samedi 23 mars : La SANDF envoie dans la région 82 personnes, notamment des spécialistes médicaux, des transporteurs de cargaison et des équipages. Ce personnel inclut aussi des psychologues et des écologistes. La SANDF envoie deux avions cargo lourds dans les deux pays pour livrer les fournitures médicales, la nourriture et l’équipement. Pendant ces six jours, la SANDF sauve 417 personnes, fournit une assistance à 11 personnes souffrant d’une condition médicale critique et transporte par avion 30 personnes vers des installations médicales.