Les sociétés de sécurité privées chinoises sont actives dans au moins quatorze pays africains, y compris Djibouti, l’Égypte, l’Éthiopie, le Kenya et la Somalie, où les activités de Pékin dans les eaux du littoral est-africain font l’objet d’un examen accru.
Depuis des années, les critiques condamnent les tactiques chinoises agressives de « zone grise », en accusant le gouvernement d’employer des sociétés de sécurité privées (SSP) pour conduire en secret des affaires d’état, y compris des actions de coercition très proches de la guerre ouverte. De telles tactiques sont maintenant utilisées dans les eaux africaines de l’océan Indien, que la Chine cherche à contrôler.
Aritra Banerjee, journaliste des affaires de défense et de stratégie qui a co-écrit un livre sur la Marine indienne, déclare que ces sociétés de sécurité maritime privées ne sont pas simplement des entités commerciales, mais des extensions de la stratégie nationale chinoise.
Il a écrit dans un article du 18 novembre publié dans le journal indien The Sunday Guardian : « Les sociétés de sécurité privées peuvent être actives dans des zones grises légales, en particulier dans les eaux sujettes à des juridictions fragmentées. Leur présence complique la gouvernance maritime, estompe les lignes de démarcation entre les activités commerciales et militaires, et introduit un nouvel acteur qui n’est pas limité par les anticipations de transparence des marines. »
« Cet arrangement s’accorde parfaitement avec la doctrine chinoise de “fusion civilo-militaire”, où les entités étatiques et commerciales soutiennent conjointement les objectifs de la sécurité nationale. »
Les chercheurs déclarent que la plupart des SSP chinoises ont été créées par des ex-militaires ou policiers et sont contrôlées par des agences gouvernementales. Leurs clients principaux sont les grosses entreprises d’état.
Elles offrent des services de défense tels que la sécurité des sites, la protection du personnel et les évaluations des risques, comparé aux sociétés militaires privées (SMP) qui conduisent des opérations offensives et offrent un soutien aux combats. Cette distinction permet à Pékin de contourner sa doctrine de non-interférence, puisque le gouvernement chinois interdit explicitement les SMP tout en permettant les SSP.
Le chercheur Paul Nantulya a écrit en 2021 pour le Centre d’études stratégiques de l’Afrique : « L’expression “société de sécurité privée” est trompeuse et inexacte dans le contexte chinois. En tant qu’État à parti unique, la Chine exige que toutes les entreprises obéissent aux directives du parti. C’est de là que provient la devise : “Lorsque l’État avance, le secteur privé bat en retraite”. »
La Chine est propriétaire d’au moins 51 % de ses SSP. L’une de ces sociétés s’appelle Hua Xin Zhong An (HXZA), une des seules qui détiennent une autorisation gouvernementale pour des escortes maritimes armées. Ceci a conduit à un quasi-monopole de la sécurité pour les plus grosses sociétés internationales de transports maritimes et de conteneurs du pays. HXZA détient aussi une autre autorisation gouvernementale rarement accordée : ses prévôts marins peuvent utiliser la force létale aux fins d’autodéfense.
Sur son site web, HXZA mentionne le « développement du parti » et possède une section dédiée aux « travaux politiques », déclarant que « la société a créé le poste de commissaire politique général, les postes d’instructeurs des travaux politiques et idéologiques dans chaque division du Service de gestion de la sécurité, et l’ossature des travaux idéologiques dans les escouades (équipes) populaires ».
La base de soutien de l’Armée populaire de libération (APL) de Chine établie à Djibouti en juillet 2017 abrite entre 1.000 et 2.000 personnes et assure la logistique pour les opérations maritimes des SSP dans les eaux d’Afrique de l’Est, les plateformes de collecte du renseignement et la coordination avec les missions anti-piraterie de la Marine de l’APL.
Banerjee, continuant à être préoccupé par l’identité des organismes desservis par ces SSP chinoises, exhorte les gouvernements africains à considérer les conséquences à long terme de leur emploi ou la collaboration avec elles.
« La sécurité maritime privée est utile, mais pas pour servir d’entrée clandestine à l’influence étrangère, écrit-il. La transparence, les licences et les structures de surveillance doivent évoluer pour empêcher les abus. »
« Les nouveaux corsaires chinois ne sont pas des pirates mais ils naviguent dans les mêmes eaux avec un but stratégique beaucoup plus prononcé. Leur ascendance suggère une nouvelle phase dans le panorama de sécurité de l’océan Indien : une phase dans laquelle l’influence est masquée par les activités commerciales et le pouvoir bat un pavillon différent. »
