Une université sud-africaine a lancé une campagne anti-braconnage pour injecter des isotopes radioactifs inoffensifs dans les cornes de rhinocéros afin que les agents de douane les détectent.
Dans un projet de collaboration avec l’université du Witwatersrand, des responsables de l’énergie nucléaire et des écologistes, cinq animaux d’un orphelinat de rhinocéros ont reçu une injection. L’université espère que ce sera le début d’un traitement de masse pour la population de rhinocéros en déclin, selon le reportage de l’Associated Press.
Le programme a commencé en 2024 lorsque les chercheurs ont injecté des isotopes dans environ 20 rhinocéros d’une réserve naturelle, pour conduire des essais cliniques. Les détecteurs de radiation peuvent déceler les isotopes aux aéroports et aux frontières, même à de faibles niveaux. Les chercheurs déclarent que les essais ont confirmé que l’agent radioactif n’est pas dangereux pour les animaux.
« Même une seule corne avec des niveaux de radioactivité bien moindres que ceux qui seront utilisés en pratique a réussi à déclencher les alarmes des détecteurs de radiation », dit James Larkin, directeur scientifique de ce qu’on appelle Projet Rhizotope.
Les essais ont aussi montré que les cornes pouvaient être détectées à l’intérieur d’un conteneur d’expédition pleine taille de 40 pieds, selon l’AP.
Les rhinocéros vivent à l’orphelinat de Mokopane (Afrique du Sud), parce que les braconniers ont tué les mères.
Le journaliste John Yang de PBS déclare : « Maintenant avec le projet Rhizotope, vous ne pouvez emmener cette corne nulle part. Elle est radioactive. Vous ne pouvez pas lui faire traverser un aéroport quelconque, un bureau de douane. Les sirènes sont déclenchées. C’est magnifique. Je vous le dis, cela pourrait être la solution définitive pour sauver l’espèce. »
L’Agence internationale de l’énergie atomique soutient cet effort. Les chercheurs œuvrent pour déterminer si l’idée peut être utilisée pour les autres espèces recherchées par les braconniers. Ils recommandent aussi vivement aux propriétaires des parcs et aux autorités écologiques nationales de s’assurer que leurs rhinocéros soient injectés.
La technologie existe déjà pour détecter les cornes radioactives. Dans le monde entier, les équipes de sécurité dépistent les substances radioactives en déplacement, selon le magazine Wired. « Cette surveillance prend plusieurs formes, notamment des détecteurs cachés secrètement dans les murs des aéroports qui scannent silencieusement les passagers », déclare le magazine. Les responsables des douanes sont souvent équipés d’appareils à main pour détecter la radiation, alors que les drones équipés de capteurs « peuvent survoler de vastes zones pour chercher les articles radioactifs perdus ».
Les cornes de rhinocéros sont appréciées depuis des siècles au Moyen-Orient et en Asie pour les sculptures. Mais à l’époque moderne, elles sont utilisées dans la médecine asiatique, en particulier la médecine traditionnelle chinoise (MTC).
Pour la MTC, les cornes sont meulées afin de former une poudre et employées dans le traitement de la fièvre, des rhumatismes, de la goutte et autres pathologies. Un pharmacien chinois du 16ème siècle a dit qu’elles pouvaient être utilisées pour traiter les maux de tête, l’empoisonnement et la typhoïde, et ses prescriptions persistent aujourd’hui. Mais les cornes sont en kératine, tout comme les ongles des humains, et elles n’ont aucune valeur médicale.
Les rhinocéros rapportent beaucoup aux braconniers. Au début du 20ème siècle, on estime que le nombre de rhinocéros dans le monde était d’environ 500.000, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature. La population actuelle de rhinocéros est d’environ 27.000, à cause de la demande continuelle pour les cornes de rhinocéros sur le marché noir.
On estime que l’Afrique du Sud a 16.000 rhinocéros, le plus grande troupeau mondial de ces animaux, mais le pays a constaté des niveaux élevés de braconnage : environ 500 rhinocéros sont tués chaque année pour recueillir leurs cornes, selon l’AP.
Pour protéger les rhinocéros contre le braconnage, une stratégie consiste à ôter avec soin leur corne. Les écologistes ont lancé ce processus en Namibie en 1989, selon le groupe écologiste Save the Rhino. Au cours de la décennie suivante, l’écornage accompagné des améliorations de sécurité et du financement de la protection des rhinocéros semble avoir bien fonctionné : aucun rhinocéros écorné n’a été braconné en Namibie. Au cours de la même période, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe ont signalé une réduction du braconnage des rhinocéros grâce à ce processus.
Mais l’écornage n’a pas eu un succès complet. Dans la zone de conservation Save Valley Conservancy du Zimbabwe, six rhinocéros récemment écornés ont été braconnés sur une période de huit mois en 2022, y compris deux qui ont été tués quelques jours après leur écornage. La demande des cornes de rhinocéros signifie que, malgré l’ablation de 90 % des cornes, les braconniers tuent les rhinocéros pour recueillir les 10 % restants, selon Save the Rhino.
On signale aussi que certaines bandes de braconniers massacrent les rhinocéros pour se venger, pour éviter que les animaux écornés ne soient traqués et pour montrer aux autorités qu’ils ne s’arrêteront pas.
L’organisation sans but lucratif Helping Rhinos déclare qu’il existe des mesures établies pour protéger les rhinocéros à long terme et pour leur permettre de se reproduire en toute sécurité, notamment :
- Accroître la zone d’habitat de la faune sauvage
- Éliminer les clôtures pour encourager les comportements migratoires naturels
- Restaurer et « ré-ensauvager » les habitats de faune sauvage dégradés
- Relocaliser les rhinocéros pour établir de nouvelles populations
- Réunir les experts régionaux sur les meilleures pratiques d’expansion des habitats
Helping Rhinos recommande aussi de créer des « bastions de rhinocéros », zones qui fourniront la meilleure sécurité possible pour réduire les risques de braconnage, et qui seront suffisamment vastes pour permettre aux rhinocéros de se comporter naturellement, « y compris pour les migrations entre territoires et la reproduction génétiquement diversifiée, sans besoin d’intervention pratique de la part des êtres humains ».