L’Afrique est aujourd’hui le continent le plus affecté par le terrorisme. Chaque jour en moyenne, huit attaques terroristes provoquent 44 morts. Dans certaines régions du Sahel, dans le bassin du lac Tchad, dans la Corne de l’Afrique et au Mozambique, la violence meurtrière est une horreur presque permanente.
Le Sahel en particulier est devenu l’épicentre mondial du terrorisme, représentant 47 % de tous les décès dus à l’extrémisme violent. Les groupes terroristes ont tiré profit de la mauvaise gouvernance, des divisions ethniques, des coup d’État et des partenariats de sécurité fracturés de la région. Les ripostes à la main lourde menées par les gouvernements militaires et une dépendance envers des mercenaires irresponsables n’ont pas fait beaucoup pour contrôler le problème et pourraient bien l’avoir empiré. Au cours des 15 dernières années, les attaques terroristes au Sahel ont augmenté de 1.266 % et les décès dus au terrorisme ont augmenté de 2.860 %. Le Burkina Faso est le pays le plus affecté, avec le nombre de morts atteignant 1.907 en 2023, soit le quart de tous les décès mondiaux dus au terrorisme.
Alors que les responsables cherchent des réponses, on reconnaît de plus en plus qu’il faudra un effort pansociétal qui traite les causes fondamentales et les facteurs de l’extrémisme. Ceux-ci incluent la pauvreté, les droits fonciers, les doléances ethniques et la mauvaise gouvernance.
Dans un discours à la la réunion africaine de contre-terrorisme de haut niveau d’Abuja (Nigeria), Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine, a fait appel à une nouvelle approche pour traiter le « phénomène destructif [qui] ravage les vies humaines, l’infrastructure et les institutions ».
Il a déclaré aux participants : « Une approche innovante est cruciale. Elle devrait inclure un nouveau modèle pour financer la lutte contre le terrorisme, une plus grande participation des institutions africaines et des acteurs de la société civile. Ces institutions nationales et la société civile, les jeunes et les femmes en particulier, devraient être soutenus par tous les moyens pour jouer leur rôle irremplaçable dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. »
M. Faki a dit que la lutte doit être menée et financée par les pays africains. Il a déclaré à l’auditoire qu’il n’y avait pas de temps à perdre : « Le moment pour agir concrètement est venu. Le moment pour obtenir des résultats est venu. Le moment des discours est passé. »
Les graphiques et les cartes des pages suivantes fournissent une visualisation de l’ampleur du terrorisme en Afrique, des tendances associées et des efforts pour l’arrêter.
La propagation vers le littoral
Les terroristes basés au Sahel, qui recherchent de nouvelles sources de revenu, des recrues et des territoires, s’efforcent d’élargir leur opérations vers le littoral d’Afrique de l’Ouest. Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, un groupe terroriste, pense qu’il peut gagner des adeptes parmi les communautés désaffectées du Bénin, du Nord de la Côte d’Ivoire, du Ghana et du Togo.
Le nombre d’événements violents liés aux groupes militants sahéliens dans les pays côtiers d’Afrique de l’Ouest et à moins de 50 km de leurs frontières a augmenté de plus de 250 % au cours des deux dernières années, pour atteindre plus de 450 incidents.
Le Bénin est l’un des pays du littoral qui sont les plus affectés par la violence ; son parc national du W est devenu un refuge pour les groupes terroristes. Le nombre de décès liés à la violence islamiste au Bénin a doublé pour atteindre 173 l’an dernier, selon un rapport du Centre d’études stratégiques de l’Afrique. Au Togo, le pourcentage d’augmentation des décès est similaire : 69 décès y ont été enregistrés.
Les responsables des nations du littoral font appel à l’unité et cherchent une assistance étrangère face à cette menace croissante.
Le vice-président ivoirien Tiémoko Meyliet Koné a déclaré dans un discours devant l’Assemblée générale des Nations unies : « Ces conflits détruisent graduellement des années de progrès et de développement pour les populations. Au-delà du Sahel, l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest est aujourd’hui menacé d’effondrement. Cette évolution pourrait se propager au-delà du continent africain si aucune mesure efficace n’est prise. »
L’État islamique plante son drapeau
Alors que Daech a perdu du territoire au Moyen-Orient au cours des dernières années, il s’est tourné vers l’Afrique. Il possède maintenant des affiliés au Mozambique, dans la région des Grands Lacs, en Somalie, au Sahel et au Nigeria. Au cours du premier semestre 2024, Daech a revendiqué la responsabilité de 788 attaques dans le monde. Plus de la moitié, soit 536, ont eu lieu en Afrique et ont tué 2.142 personnes.
Les experts croient que Daech considère l’Afrique comme la région du monde ayant le meilleur potentiel pour occuper des territoires et lancer des attaques destructrices. On pense que le quartier général de Daech est régulièrement en contact avec ses affiliés, envoie des conseillers et partage des renseignements. En 2024, des rapports ont indiqué que le commandant de Daech-Somalie avait été nommé chef mondial de Daech. Il a été plus tard pris pour cible dans une frappe aérienne mais sa localisation est inconnue.
Vincent Foucher, expert de l’extrémisme au Centre national pour la recherche scientifique de France, a déclaré : « Pour une organisation telle que Daech, l’Afrique subsaharienne est l’endroit où vous pouvez avoir beaucoup d’impact avec un [investissement] minime en ressources. C’est l’un des rares endroits du monde où Daech contrôle actuellement un territoire de plusieurs milliers de kilomètres carrés. C’est une frontière pour eux. »

Le bilan humain
Inévitablement, ce sont les plus vulnérables qui paient le prix le plus élevé pour les attaques terroristes qui perturbent tout, depuis les écoles jusqu’à l’énergie et les services de santé. Voici un aperçu du bilan humain dévastateur causé par le terrorisme en Afrique.
- En Afrique de l’Ouest, près de 25.000 civils ont été tués par le terrorisme et la violence politique entre le quatrième trimestre 2021 et le deuxième trimestre 2024. Les civils ont représenté 37 % de toutes les victimes.
- Le terrorisme et la violence politique ont déplacé 6,1 millions de personnes en Afrique de l’Ouest en 2023.
- Les réponses au terrorisme menées par les juntes militaires ont tendance à provoquer plus de décès civils que celles conduites par les gouvernements civils. Dans l’année suivant leur coup d’État de juillet 2023, les forces de défense et de sécurité nigériennes ont tué trois fois plus de civils que pendant l’année précédente, selon le projet ACLED (Armed Conflict Location & Event Data).
- Les groupes terroristes tels que Boko Haram attaquent spécifiquement les installations de soins de santé. Depuis le début de l’insurrection, environ le tiers des 700 installations de soins de santé de l’État nigérian de Borno ont été détruites, et un autre tiers ont dû fermer leurs portes. Ce manque de soins a conduit à des hausses de mortalité infantile et à une recrudescence des maladies traitables telles que le choléra, la rougeole et l’hépatite E.
- Il y a eu plus de 270 attaques d’école au Burkina Faso en 2022 et 2023. Ces attaques ont inclus des enlèvements, la destruction des bâtiments et des menaces contre les parents et les enseignants. En date du printemps 2023, 6.100 écoles avaient fermé leurs portes dans le pays à cause de l’insécurité.
Des réponses régionales
Les forces armées ont lancé un certain nombre de missions militaires pour riposter aux menaces terroristes en Afrique. Elles agissent sous la bannière des Nations unies, de l’Union africaine, des communautés économiques régionales ou en tant qu’alliances ponctuelles de forces armées nationales. À mesure que la menace évolue et les missions de haut profil se terminent, les responsables africains et leurs partenaires internationaux parlent du futur des interventions. Les sujets de discussion incluent la conception et le financement des interventions multinationales, et le type de mandat en vertu duquel elles devraient agir.