Surtout à cause de la baisse des décès dus aux chebabs en Somalie, 2024 a enregistré une baisse du nombre de victimes de la violence islamiste militante sur le continent.
On estime qu’il y a eu 18.900 victimes de ce type de violence en Afrique en 2024, comparé aux 23.000 l’année précédente. Ce chiffre représentait le nombre le plus élevé jamais enregistré, selon les données recueillies par le Centre d’études stratégiques de l’Afrique (CESA). Toutefois, le rapport déclare qu’il est probable que les chiffres réels soient beaucoup plus élevés car les juntes militaires du Sahel ont réprimé les journalistes et limité les reportages sur la violence islamiste militante. Le Sahel est le théâtre le plus meurtrier du continent pour la quatrième année consécutive.
On estime qu’il y a eu 10.400 décès liés à la violence islamiste militante au Sahel l’an dernier, ce qui représente 55 % de tous les décès de ce type sur le continent. Ceci était dû principalement aux attaques terroristes conduites par l’État islamique au Sahel (Daech-Sahel) et par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda.
Le Burkina Faso est depuis 2019 le focus de la violence islamiste militante au Sahel et a enregistré 6.389 décès liés à l’islamisme militant, soit 61 %, dans la région l’an dernier. En septembre dernier, le GSIM a revendiqué la responsabilité d’un massacre à hauteur de 400 personnes, surtout des civils, dans la localité burkinabé de Barsalogho.
Un homme de 39 ans qui a perdu cinq membres de sa famille lors de l’attaque déclare que les terroristes sont arrivés en moto vers 10h00 du matin. Ils se sont approchés des ouvriers qui creusaient une tranchée et ont commencé à faire feu.
Il a dit à Human Rights Watch : « Ils ont tiré sans cesse, comme s’ils avaient beaucoup de munitions. Les gens tombaient comme des mouches. J’ai réussi à sortir de la tranchée, je ne sais pas comment je l’ai fait, parce qu’ils tiraient sur tout le monde. … Ils sont venus nous exterminer. Ils n’ont épargné personne. »
Le Sahel a aussi enregistré le plus grand nombre d’épisodes de violence contre les civils. Ceci a été lié aux juntes du Burkina Faso, du Mali et du Niger, ainsi qu’aux mercenaires russes. On a signalé 356 incidents de ce type en 2024 ayant conduit à 2.109 décès, soit une augmentation de 36 % comparé à 2023.
« Plus de civils sont morts à cause de la violence des forces sahéliennes et russes qu’à cause des groupes islamistes militants », signale le CESA.
David Otto, analyste en matière de défense et de sécurité internationales, a déclaré à la BBC que les trois juntes ont été incapables de consolider leur pouvoir, ce qui ne leur permet pas facilement de se focaliser sur les menaces terroristes.
Les mercenaires russes, appelés aujourd’hui l’Africa Corps, ont été actifs en assurant la sécurité des régimes des juntes et du Tchad alors que les troupes françaises et autres troupes internationales quittaient la région.
Zineb Riboua, directeur de programme au centre pour la paix et la sécurité de l’Hudson Institute, déclare : « Comme compensation, la Russie gagne un accès aux ressources critiques. Par exemple, à la suite d’un coup d’État pro-russe au Niger, la junte a éliminé les droits d’extraction d’uranium de la société française Orano SA pour les offrir à Moscou. »
Au Mali, 76 % de tous les décès civils signalés du fait de la violence sont liés aux forces armées et à leurs milices alliées, selon le CESA.
La Somalie a enregistré 4.482 décès en 2024, soit 24 % du total sur le continent. Ce chiffre représente une diminution de 41 % par rapport à l’année précédente. Mais les statistiques de 2024 étaient plus élevées de 72 % comparé à celles de 2020, lorsque le gouvernement avait lancé une offensive contre les chebabs.
En août, un kamikaze et des hommes armés des chebabs ont attaqué une plage affairée de Mogadiscio, la capitale nationale, en tuant 32 personnes et blessant des dizaines.
Le porte-parole de la police Abdifatah Adan Hassan a déclaré dans un reportage du journal français Le Monde : « Le ciblage et les bombes qui ont tué 32 membres de la population civile signifient que ces Kharidjites ne vont pas seulement prendre pour cible les centres gouvernementaux, les soldats et les officiels. » Les responsables somaliens emploient le nom de « Kharidjites » pour désigner les chebabs.
Les groupes liés à Daech sont aussi actif en Somalie et ont établi un centre des opérations dans l’État autonome du Pount, où l’insurrection a étendu son territoire l’an dernier et enregistré des gains contre les chebabs. Le bassin du lac Tchad a subi 3.627 décès liés à la violence islamiste militante, soit le troisième pourcentage le plus élevé de ce type de décès sur le continent, à 19 %. Ceci représente une baisse de 4 % comparé à 2023.
Le Nord-Est du Nigeria est resté le focus d’activité des groupes islamistes militants dans la région, soit 66 % de tous les décès violents. Boko Haram et la Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique (PAOEI) sont parmi les groupes terroristes les plus actifs de la zone et se battent souvent entre eux. En 2024, ces groupes ont continué à étendre leurs activités dans le Nord du Cameroun, avec une augmentation de 51 % du nombre d’événements violents par rapport à 2023, selon un rapport du CESA. Pour la première fois, on a constaté plus d’événements violents liés à l’islamisme militant au Cameroun (711) qu’au Nigeria (592).
Le Mozambique et l’Afrique du Nord ont subi des hausses d’activité violente et de décès à la suite des baisses régulières au cours des années précédentes. Toutefois, ces théâtres représentaient seulement 2 % des morts liés à la violence islamiste militante.