PERSONNEL D’ADF
Badr Abdelatty, ministre égyptien des Affaires étrangères, a annoncé en décembre 2024 que l’Égypte enverrait des soldats à la nouvelle mission de soutien et stabilisation de l’Union africaine en Somalie (AUSSOM).
Cette mission remplace la mission de transition de l’Union africaine en Somalie (Atmis) qui a pris fin le 31 décembre. AUSSOM est la dixième opération de maintien de la paix dirigée par l’UA sur le continent, au moment où les gouvernements africains et les organisations régionales intensifient leur prise en charge des responsabilités de sécurité assumées auparavant par les Nations unies. La plus récente mission onusienne sur le continent avait été lancée en 2014 et concernait la République centrafricaine.
Comme l’écrit Obi Anyadike sur le site de presse The New Humanitarian, les missions de l’ONU sont traditionnellement déployées avec le consentement de toutes les parties concernées pour mettre en application des accords de paix. En revanche, les opérations de l’UA sont des offensives qui interviennent dans des conflits en cours liés à l’extrémisme violent ou au banditisme.
Andrew Tchie, chercheur principal à l’Institut des affaires internationales de Norvège, déclare à Anyadike : « L’ONU se déploie dans les lieux où il existe une paix à maintenir ; les opérations de soutien de la paix (peace support operations, PSO) dirigées par l’Afrique se déploient dans des lieux où la paix n’existe pas du tout. [Les PSO] démontrent une réponse plus locale et contextuelle à l’insécurité, avec l’objectif d’avoir recours à des options plus axées sur l’entraide. »
Il existe aussi des déploiements par les communautés économiques régionales telles que la mission de la Communauté de développement d’Afrique australe (CDAA) au Mozambique (SAMIM), et des initiatives ponctuelles telles que la Force multinationale mixte (FMM) qui réunit des soldats du Bénin, du Cameroun, du Niger, du Nigeria et du Tchad dans le but d’éliminer Boko Haram dans la région.
Depuis 2000, 38 PSO dirigées par l’Afrique ont été actives, selon l’Institut international pour les études stratégiques. L’UA a autorisé, mandaté ou lancé quatre nouvelles missions en 2022.
Les PSO de l’UA ont aussi combattu des épidémies telles que l’Ebola en République démocratique du Congo. Elles ont soutenu des cessez-le-feu ou des accords de paix au Burundi, au Mali et en Somalie, et elles ont soutenu des élections et des processus de transition au Burkina Faso, aux Comores, en Libye et en Guinée.
Eugene Chen, associé principal du Centre sur la coopération internationale de l’université de New York, est toutefois préoccupé par le changement entre les opérations de paix de l’ONU et les missions régionales militarisées ou les coalitions ponctuelles.
Il déclare au New Humanitarian : « Spécifiquement, ce retour au contre-terrorisme, à l’imposition de la paix et aux autres types d’opération cinétique peut être en fait contre-productif pour résoudre les conflits. Il peut exacerber les doléances et autres facteurs de risque socio-politiques et économiques favorisant la violence. »
Les analystes seront intéressés par le déroulement de la nouvelle mission AUSSOM en Somalie. Alors que les missions précédentes avaient des difficultés pour gérer des rôles et des attentes multiples, l’AUSSOM aura un rôle mieux défini, selon l’Institut d’études de sécurité (ISS).
Pareillement aux missions précédentes, l’AUSSOM est chargée d’aider le gouvernement fédéral à améliorer sa légitimité et éliminer le groupe terroriste des chebabs. Contrairement aux missions précédentes, l’AUSSOM a le mandat explicite d’assurer la protection des civils.
L’Atmis avait moins de trois ans pour aider l’Armée nationale somalienne à vaincre les chebabs. L’AUSSOM a reçu cinq ans pour achever sa mission, et on s’attend à ce qu’elle transfère peu à peu ses responsabilités de sécurité aux forces somaliennes et retire son personnel avant la fin 2028.
Comme le note l’ISS, l’AUSSOM sera déployée dans un environnement géopolitique transformé, lié aux tensions entre la Somalie et l’Éthiopie concernant le protocole d’accord signé en janvier 2024 par Addis-Abeba pour gagner accès à un port du Somaliland.
« Bien que la mission puisse aider à renouveler le soutien continental et international au contre-terrorisme en Somalie, il sera essentiel de la protéger contre les tensions régionales », selon un rapport des chercheurs de l’ISS.
Abdulkadir Mohamed Nur, ministre de la Défense de Somalie, a déclaré à Voice of America (VOA) à la mi-novembre que l’Éthiopie ne ferait pas partie du déploiement de l’AUSSOM. Toutefois, un officiel de haut rang du gouvernement somalien a déclaré à VOA à la mi-décembre que le gouvernement de Somalie était « disposé » à un rôle potentiel pour les soldats éthiopiens.
Cette prise de position n’a pas duré longtemps.
Le 23 décembre, la Somalie a accusé les soldats éthiopiens d’avoir attaqué ses forces dans la ville frontière de Doolow, dans l’État somalien du Jubaland. Quatre jours plus tard, les représentants somaliens ont dit au Conseil de sécurité de l’ONU que les soldats éthiopiens ne seraient pas déployés avec l’AUSSOM.
Le gouvernement de Somalie n’a pas divulgué la liste des pays qui participeraient à la mission, mais le journal éthiopien The Reporter suggère que les pays suivants y participeront : Burundi, Djibouti, Kenya et Ouganda. On s’attend à ce que l’Ouganda envoie plus de la moitié des 11.000 soldats.