PERSONNEL D’ADF
La junte militaire malienne a promis plus d’une fois de restaurer la sécurité du pays après avoir utilisé la menace terroriste comme justification pour les coups d’État de 2020 et 2021. Mais au lieu de cela, la violence empire.
L’an dernier, le Mali a enregistré une hausse de 38 % des actes de violence contre les civils, selon le projet ACLED (Armed Conflict Location and Event Data). Les affrontements meurtriers entre les forces de sécurité, les groupes terroristes et les rebelles touaregs ont continué cette année.
Au mois d’août, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), groupe terroriste principal actif au Mali, a lancé une offensive générale dans le centre, l’Ouest et le Nord du Mali, après une bataille féroce en juillet au cours de laquelle le GSIM et les rebelles touaregs ont tué un nombre de mercenaires russes estimé à 80.
La bataille, qui a eu lieu près de la frontière algérienne, a coûté à la Russie ses plus grandes pertes au Mali depuis le déploiement de ses mercenaires en décembre 2021. Deux membres des Forces armées maliennes (FAMa) ont aussi été tués pendant ces combats qui ont duré cinq jours. Dix soldats ont été blessés et deux véhicules blindés et deux pick-ups ont été mis hors service, selon le site web des FAMa. Le site précise qu’environ vingt terroristes ont été tués.
Pendant l’offensive du GSIM en août, de nombreux postes de l’armée malienne ont été envahis dans les régions de Bandiagara, Kayes, Mopti et Tombouctou. Ceci a conduit à une hausse de 5 % de la violence d’ensemble en août comparé au mois de juillet, selon ACLED. En guise de représailles, les forces maliennes ont conduit plus d’une douzaine de frappes de drone contre les positions du GSIM, causant 49 victimes (y compris des civils).
Les chercheurs de l’Institut d’études de sécurité, l’université du Nigeria et l’université de Pretoria ont identifié plusieurs facteurs à l’origine du chaos continuel au Mali : l’incapacité du gouvernement à s’adapter à l’évolution de la dynamique des opérations de contre-insurrection, l’assistance militaire limitée, l’influence étrangère sur les efforts de contre-insurrection et le manque d’appréciation pour l’importance des opérations terrestres et aériennes.
Les chercheurs écrivent dans The Conversation : « Pour inverser la tendance de la hausse de l’insécurité, les forces de contre-insurrection du Mali doivent s’adapter et répondre efficacement à ces facteurs. »
Ce ne sera pas facile. La montée de la violence dans le Nord du Mali est compliquée par la résurgence des rebelles touaregs, qui avaient signé les accords d’Alger en 2015 pour établir un cadre pour la paix. Ces accords n’ont jamais été entièrement mis en œuvre.
La région de l’Ouest du Sahel est dans une zone d’espaces non gouvernées, observent les chercheurs. Les Touaregs et les factions extrémistes y sont actifs depuis longtemps. La frontière du Nord avec l’Algérie, longue de 2.000 km, est mal sécurisée et le terrain plat permet facilement aux insurgés d’observer l’approche d’un ennemi.
L’armée malienne n’a pas les ressources suffisantes ou le matériel militaire avancé pour remplacer l’architecture de sécurité établie par les missions militaires du passé. Les chercheurs écrivent que « la preuve la plus évidente concerne les capacités aériennes du pays », car la puissance aérienne, notamment les aéronefs d’attaque légers, les hélicoptères et les drones de combat, est cruciale pour les opérations de contre-insurrection.
Depuis que la junte a saisi le pouvoir, les forces internationales de maintien de la paix sont parties du pays. La mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) a pris fin en décembre 2023 après plus de dix ans d’existence. Les derniers soldats français ont quitté le Mali en 2022 après un déploiement de neuf ans. La France a blâmé la junte pour avoir créé des obstacles à ses opérations militaires.
Le départ de ces forces menace d’inverser tout progrès enregistré depuis les dix dernières années en matière de sécurité.
« C’est parce que le Mali a remplacé ses multiples partenariats militaires par sa seule dépendance vis-à-vis de la Russie, écrivent les chercheurs. La Russie est actuellement incapable d’offrir un soutien au Mali à cause de la guerre en Ukraine. » Le rôle possible des acteurs étrangers pourrait aussi provoquer des échecs stratégiques et opérationnels dans les opérations de contre-insurrection « à cause de la guerre “par procuration”, la perturbation des chaînes logistiques et l’encouragement aux désertions », ajoutent-ils.
Les juntes militaires dans les pays voisins du Burkina Faso et du Niger, où les combattants russes ont aussi été déployés, ont eu des difficultés pour contrôler le terrorisme. Les incidents de « violence politique » dans ces pays et au Mali ont augmenté collectivement de 5 % l’an dernier, soit une hausse de 46 % par rapport à 2021 selon l’ACLED.