Les Épidémies Peuvent Facilement Sidérer Les Ressources Disponibles : Une Consolidation Des Liens Militaires Et Civils S’impose
Équipe d’ADF
Une maladie hautement contagieuse a frappé le Nigeria en février 2006. En avril, 325.000 personnes avaient été infectées et 223.000 avaient péri. Le virus s’est étendu au Burkina Faso, au Cameroun, au Ghana et au Niger. Il pouvait faire de nombreuses victimes et paralyser toute une industrie. La maladie, qui s’est déclarée dans une ferme à Jaji, au Nigeria, était une souche virulente de la grippe aviaire, connue sous le nom de H5N1. Elle frappait les poulets. Ceux qui n’avaient pas été tués par l’infection ont été abattus pour éviter la propagation de la grippe. Maintenant, imaginez le même scénario avec des victimes humaines. Le résultat est une pandémie grippale qui peut se propager d’un pays à l’autre, à travers le continent et partout dans le monde. Des millions de personnes peuvent être atteintes et des centaines de milliers peuvent mourir. Une telle menace n’est pas hypothétique. Chaque année, une autre souche du virus de la grippe apparaît et, avec elle, la possibilité d’une pandémie mondiale. Selon la revue Nature, en juillet 2013, le virus H7N9 a tué près de 40 personnes en Chine. « Les virus H7N9 ont différentes caractéristiques typiquement associées aux virus de la grippe humaine. Ils ont, par conséquent, un potentiel pandémique et doivent être étroitement surveillés », a déclaré Yoshihiro Kawaoka, un expert en grippe aviaire de l’université de Wisconsin-Madison aux États-Unis. « Si le virus H7N9 peut se transmettre facilement d’une personne à l’autre, une flambée épidémique mondiale est pratiquement certaine puisque les humains ne sont pas immunisés contre ce type de virus. » Le H7N9 n’est pas mortel pour les volailles, ce qui complique les choses. Il manque un important signal de présence du virus, qui est alors encore plus difficile à dépister et à éradiquer. En juillet 2013, le virus a tué 20 pour cent des animaux contaminés, ce qui rend encore plus terrifiante la perspective d’une épidémie mondiale. Le cas s’est déjà produit. En 1918, la grippe espagnole a tué 50 millions de personnes dans le monde, plus que toute autre maladie jamais enregistrée. Un cinquième de la population mondiale a été atteinte. La plupart des victimes avaient entre 20 et 40 ans. Rien qu’aux États-Unis, le nombre des victimes de la grippe a été estimé à 675.000. Certaines victimes sont mortes le jour même où les symptômes sont apparus. La planification d’une intervention Lorsqu’une maladie a le potentiel de se propager comme l’épidémie de 1918, il est essentiel d’être préparé. De nombreux virus de la grippe trouvent leur origine en Asie de l’Est et du Sud-Est, puis se propagent dans le monde. D’après les estimations, les virus de la grippe incubent dans la région parce que les villes sont très peuplées et bien reliées entre elles. Une fois qu’un virus atteint l’Afrique, le potentiel de propagation s’intensifie en raison des déplacements transfrontaliers, du commerce et des capacités limitées des systèmes sanitaires africains. Pour pallier ces problèmes, l’Agence des États-Unis pour le Développement international (United States Agency for International Development ou USAID) a collaboré, en 2008, avec le bureau du ministre de la Défense pour lancer le Programme de Riposte aux Pandémies (PRP) en Afrique et dans la région Asie- Pacifique. L’objectif était de se concentrer sur le rôle de l’armée vis-à-vis de l’aide à apporter aux autorités civiles en cas de pandémie grave, a déclaré Erik Threet, directeur de l’état-major unifié des États-Unis pour l’Afrique. Dans le cadre de ce programme, des réunions ont été organisées sur le continent pour familiariser les pays africains avec le plan développé. Il revient aux pays d’inviter individuellement l’état-major unifié des États-Unis pour l’Afrique à participer à leur planification. Des responsables du Bénin, du Burkina Faso, du Ghana, du Kenya, du Liberia, du Nigeria, du Sénégal, de la Tanzanie, du Togo et de l’Ouganda ont collaboré avec des responsables américains pour établir des plans de lutte contre les pandémies, selon Erik Threet.
La sensibilisation est la clé Lorsque Daniel Gambo, directeur de l’Agence nationale nigériane de gestion des urgences, a participé à un exercice d’intervention en Tanzanie, en tant qu’observateur, son pays avait déjà rédigé un plan d’intervention en cas de pandémies, mais ne l’avait jamais utilisé, comme il l’a expliqué à ADF. Au lieu d’attendre qu’une épidémie se déclare, les responsables nigérians ont décidé de tester ce plan. Le Nigeria a envoyé son plan à l’état-major unifié des États-Unis pour l’Afrique et un exercice de simulation a été organisé en octobre 2011 à Lagos. « Cela a été fantastique, parce que, pour cet exercice, nous avons rassemblé 100 participants de toutes les agences impliquées dans les catastrophes pandémiques, a déclaré Daniel Gambo. Cet événement a créé une grande sensibilisation. » Quelques mois plus tard, les enseignements tirés de l’exercice ont été examinés, en présence de responsables militaires. Ainsi, un plan d’urgence militaire sur les interventions en cas de pandémies a pu être établi. Par la suite, les plans civils et militaires ont été comparés. Une autre réunion et un exercice se sont tenus en novembre 2013 pour discuter de trois plans définitifs, à savoir le plan de préparation et d’intervention en cas de pandémies de la République fédérale du Nigeria, le plan d’urgence pandémique des forces armées nigérianes et le plan d’urgence d’assistance militaire aux autorités civiles, selon News Afrique Informations. Le dernier exercice permettra de développer un plan stratégique sur cinq ans pour garantir des interventions efficaces. La sensibilisation est le premier objectif du programme, selon Lorraine Rapp, co-directrice du Programme de préparation aux catastrophes de l’état-major unifié des États-Unis pour l’Afrique, avec Erik Threet. Même si plusieurs pays ont été impliqués dans la planification, aucun d’entre eux n’a eu à intervenir contre une vraie pandémie. Néanmoins, le programme a fourni des avantages réels. « Cela concernait plus le travail et les interactions. Par exemple, des organisations et des ministères qui ne communiquaient pas avant, considéraient la pandémie comme une question sanitaire ou ne se sentaient pas concernés comprennent mieux maintenant qu’ils doivent vraiment travailler ensemble », a expliqué Lorraine Rapp. L’Ouganda a bénéficié de cette sensibilisation et de ces communications accrues au cours des glissements de terrain de 2010, qui ont fait entre 100 et 300 victimes dans le district de Bududa, dans l’est du pays. La formation aux interventions en cas pandémies, qui avait rassemblé des intervenants militaires et civils, a permis d’éliminer les obstacles et de renforcer l’idée que la pandémie n’est pas seulement une question de santé. « L’un de leurs responsables en charge de la gestion des urgences nous a même dit que, grâce à leurs activités dans le cadre du Programme d’intervention en cas de pandémies, ils connaissaient leurs homologues au sein de l’armée et n’avaient eu aucun problème à leur demander de l’aide. Auparavant, ils ne l’auraient jamais fait », a précisé Lorraine Rapp. Les exercices ne rassemblent pas uniquement des fonctionnaires d’État. Des observateurs d’autres pays y participent aussi, tout comme des organisations non gouvernementales et des agences des Nations Unies. Daniel Gambo a assisté à des réunions au Ghana, au Sénégal, en Tanzanie et au Togo. De même, le Nigeria a invité des représentants d’Angola, du Burkina Faso, du Ghana et de Mozambique à participer en tant qu’observateurs ou animateurs. « Cela nous a aidé à définir la direction à prendre, a dit Daniel Gambo. Cela les a aussi aidé à savoir où ils en sont et les objectifs qu’ils espèrent atteindre. Nous prenons maintenant l’initiative et le Nigeria a de quoi en être fier. » Le rôle de l’armée Les épidémies relèvent normalement de la responsabilité des ministères de la Santé. Or, lorsqu’une pandémie se développe, le gouvernement tout entier doit être impliqué. Erik Threet a expliqué que le PRP a toujours visé à aider « l’armée à assister les autorités civiles en cas de pandémie grave ». En cas d’épidémie virulente, des milliers de personnes pourraient être dans l’incapacité de se rendre à leur travail, entraînant l’arrêt d’infrastructures essentielles et du commerce. Les systèmes sanitaires civils pourraient être débordés et l’armée pourrait être appelée pour assurer la sécurité et le maintien de l’ordre. « Nous avons envisagé la situation sous cet angle, du point de vue de la stabilité et de la sécurité, sur l’initiative des services sanitaires », a-t-il ajouté. Le Kenya a terminé son engagement dans le cadre du processus PRP. Le colonel Vincent Anami, aujourd’hui à la retraite et ancien directeur du Centre national des opérations d’intervention en cas de catastrophes du Kenya, a déclaré que les formations et les exercices avaient mis en évidence les lacunes concernant les capacités d’intervention du pays. Des plans d’intervention médicale d’urgence ont été développés. Cependant, aucune « approche gouvernementale globale » n’existait, comme le préconisait le programme. La nouvelle approche implique le gouvernement, l’armée et le secteur privé, tout en se concentrant sur la coopération entre l’armée et les autorités civiles. « Le rôle de l’armée kenyane consiste principalement à assister les autorités civiles aux niveaux médical et logistique et à assurer la sécurité pendant une pandémie », a expliqué Vincent Anami. « Désormais, sur le plan médical, les médecins militaires collaboreront avec les hôpitaux civils et mettront en place les infrastructures adéquates si les hôpitaux civils sont surchargés. […] Ils fourniront aussi une assistance logistique lorsque les moyens civils seront débordés pendant une pandémie. » Des initiatives destinées à gérer plusieurs types de pandémies Avant d’être intégré dans le Programme de préparation aux catastrophes de l’état-major unifié des États-Unis en Afrique, le PRP était destiné à traiter les problèmes liés aux grandes pandémies de grippe. Or, selon Lorraine Rapp, la formation et la planification des pandémies peuvent aussi donner aux pays les moyens de traiter d’autres flambées dangereuses. L’Afrique centrale a connu plusieurs épidémies d’Ebola, l’un des virus les plus contagieux et les plus mortels du monde. Ces épidémies ont touché la Côte d’Ivoire, la République démocratique du Congo (RDC), le Soudan et l’Ouganda. Le virus tire son nom d’un fleuve de la RDC. Apparenté au virus Ebola, le virus de Marburg a aussi provoqué des épidémies en Afrique centrale. Le VIH/sida est aussi courant sur le continent, en dépit des succès récents vis-à-vis de la réduction de la contamination et des taux de mortalité. En Afrique se trouve aussi la « ceinture de la méningite », qui s’étend de l’Érythrée, à l’est, au Sénégal, à l’ouest. Des épidémies de choléra peuvent survenir lorsque les inondations compromettent l’approvisionnement en eau potable. En outre, la polio a récemment fait son apparition en Somalie et au Nigeria. Chacune de ces maladies pourrait poser problème si elle se déclenchait dans un camp de personnes déplacées par la sécheresse, la famine ou une inondation. Si cela se produisait, il serait essentiel de disposer d’un plan efficace intégrant les capacités logistiques et d’intervention de l’armée. « Pour des menaces surgissant rapidement, je pense que la formation et la planification sont les mêmes », a affirmé Lorraine Rapp. Les Phases D’une Pandémie PERSONNEL D’ADF Une pandémie diffère d’une épidémie en ce sens qu’elle n’est ni saisonnière ni limitée à une ville, une région ou un pays. Les pandémies tendent à se répandre dans le monde entier. Une épidémie se produit lorsque les taux d’infection dépassent les prévisions dans un pays ou une région. Les pandémies sont généralement issues d’une nouvelle souche de virus qui n’a pas circulé chez l’homme avant ou, dans le cas de la grippe, depuis très longtemps. Les épidémies impliquent des sous-types de virus qui circulent déjà chez l’homme. Comme elles traversent les frontières et les océans, les pandémies font plus de victimes que les épidémies. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) divise la pandémie de grippe en six phases :