Africa Defense Forum

La Chine devient le premier marchand d’armes de l’Afrique, mais ses motifs et la qualité de ses armes provoquent des débats

PERSONNEL D’ADF

La Chine est devenue le plus grand exportateur d’armes vers l’Afrique subsaharienne, devançant ainsi la Russie.
Ces armes incluent : drones, roquettes, unités d’artillerie, véhicules blindés, aéronefs, armes à feu, munitions, missiles, systèmes spatiaux, radars et systèmes de guerre électronique. Elles affluent dans les zones de conflit de la république démocratique du Congo, de l’Éthiopie, du Soudan et du Soudan du Sud, et dans de nombreuses autres régions.

Earl Conteh-Morgan, spécialiste des relations sino-africaines à l’université du Sud de la Floride, a déclaré sur France 24 : « La Chine est plus ou moins prédominante [en Afrique] sur le plan économique ; cela lui a donné beaucoup d’influence, aussi elle déploie maintenant ses efforts dans le secteur de la sécurité. ».

Au moins 21 pays d’Afrique subsaharienne ont reçu des livraisons importantes d’armes chinoises entre 2019 et 2023, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI). On estime que sept armées africaines sur dix emploient aujourd’hui des véhicules blindés fabriqués en Chine, selon un reportage de la publication de défense Janes. C’est une source de revenu pour la Chine, dont les marchands vendent des armes aux pays africains à prix réduit ; cela aide aussi Pékin à renforcer son influence.

Paul Nantulya du Centre d’études stratégiques de l’Afrique déclare à The Economist : « Il y a un plan plus vaste ici. Les ventes d’armes correspondent aux souhaits de la Chine pour être considérée comme un partenaire de choix. »

Les exportations russes des armes à destination de l’Afrique sont en baisse à cause des sanctions internationales, alors que le pays mène une guerre contre l’Ukraine et doit soutenir ses forces armées.

Oluwole Ojewale, chercheur nigérian de l’Institut d’études de sécurité, déclare à Voice of America qu’il existe une autre raison pour laquelle les pays africains se tournent vers Pékin pour acheter des armes : les accords avec la Chine ne sont pas régis par la Réglementation sur le trafic d’armes au niveau international.

Historiquement, la Chine a concentré ses efforts continentaux sur l’Afrique orientale et centrale. Elle prend aujourd’hui pour cible les pays d’Afrique de l’Ouest où l’influence française est amoindrie, selon les propos de Danilo delle Fave, spécialiste de la sécurité chinoise et chercheur à l’organisme sans but lucratif International Team for the Study of Security – Verona, sur France 24.

Norinco, le plus grand fabricant d’armes chinois, a ouvert un nouveau bureau de vente au Sénégal en août 2023. La société, qui fournit des armes de petit calibre, des unités d’artillerie et des véhicules blindés, avait déjà des bureaux en Angola, au Nigeria et en Afrique du Sud, et prévoit d’établir d’autres bureaux en Côte d’Ivoire et au Mali. Luke Patey, spécialiste des relations économiques chinoises au Danish Institute for International Studies, a déclaré sur France 24 que l’entrée de Norinco au Sénégal montre que les « sociétés chinoises sont très opportunistes et prêtes à combler les lacunes concurrentielles ».

La Chine a vendu traditionnellement des armes aux pays tels que le Nigeria ou le Soudan qui possèdent des ressources naturelles abondantes. Les accords d’armes avec ces pays ont facilité l’accès de la Chine à de vastes réserves pétrolières. Les accords concernant les armes chinoises peu chères sont typiquement accompagnés de montages financiers polyvalents, d’une coopération militaire et d’une formation des officiers. On sait aussi que la Chine offre des armes pour améliorer d’autres contrats ou parfaire ses relations diplomatiques ou commerciales. L’an dernier par exemple, Pékin a fait un don d’équipement militaire au Zimbabwe à hauteur de 28 millions de dollars.

Siemon Wezeman du SIPRI déclare à The Economist : « Les Chinois sont en mesure de pouvoir dire qu’ils vous livreront toute une nouvelle armée et ajouteront une voie ferrée. »

L’Armée populaire de libération (APL) chinoise, ainsi que les sociétés chinoises de sécurité privées, facilitent l’afflux des armes. L’APL transfère physiquement les armes alors que les sociétés militaires et sécuritaires fournissent un soutien de formation et de maintenance, le tout inclus dans le prix d’achat de l’ensemble, selon geopoliticalmonitor.com.

Mais l’afflux des armes chinoises a aussi attisé les conflits existants. Au Soudan, les Forces de soutien rapide, un groupe paramilitaire, ont utilisé des drones kamikazes pour attaquer les bases militaires des Forces armées soudanaises en avril dernier. Des témoins déclarent que deux drones au moins ont pris pour cible des installations militaires à Al-Qadarif, capitale de l’État éponyme d’Al Qadarif. Ils disent à Reuters qu’ils ont entendu des explosions ainsi que des missiles antiaériens tirés à partir du sol. Aucun mort n’a été signalé.

Paul Sullivan, analyste du Moyen-Orient à l’Atlantic Council, déclare à Voice of America : « Le Soudan est une composante importante dans la stratégie chinoise générale de la région, pour faire rapprocher l’Afrique de l’Est et l’Afrique du Nord de sa perspective. Ceci est associé en grande mesure aux affaires, aux investissements, à l’infrastructure et même à l’éducation, y compris l’enseignement du mandarin aux Soudanais. »

Il ajoute que la Chine est aussi intéressée par les gisements d’or et les ports du Soudan.

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