PERSONNEL D’ADF
Le lieutenant-général John Mugaravai Omenda a été nommé vice-chef des Forces de défense du Kenya en mai 2024. Auparavant, il était pendant trois ans commandant de l’Armée de l’air kényane. Il avait rejoint l’Armée de l’air kényane en 1991 et avait été promu sous-lieutenant en 1992. Il a été formé en tant que pilote de chasse et aussi dans les domaines des renseignements, de la sûreté et de la sécurité des vols. Il est diplômé du collège de l’état-major de la défense du Kenya et du collège royal des études de défense du Royaume-Uni. Il détient un diplôme en études stratégiques de l’université de Nairobi, une licence en études de paix et de conflit de l’université Nazarene et une maîtrise en sécurité internationale et stratégie du King’s College de Londres.
Ses affectations incluent les postes de commandant de la base aérienne Laikipia et de commandant adjoint de l’Armée de l’air. Il a aussi participé à la mission des Nations unies au Liberia en 2006 et 2007. Il a parlé à ADF à Tunis (Tunisie) pendant le symposium des chefs d’état-major africains d’armée de l’air 2024. L’entretien a été modifié pour des raisons de longueur et de clarté.
ADF : Comment avez-vous fait carrière dans
les forces armées ?
Général Omenda : Je le souhaitais depuis mon enfance. J’étais fasciné par les avions qui survolaient toute notre région pour se rendre dans leur zone de formation. Je suis allé à l’école dans notre ville locale appelée Kakamega dans l’Ouest du pays, puis je suis allé à Nairobi pour le lycée. De suite après le lycée, je n’ai pas pu résister à l’attrait militaire parce que j’étais prêt à rejoindre. Toute ma carrière s’est passée dans l’armée. L’armée se charge de vous fournir la formation nécessaire pour atteindre un état de préparation approprié.
ADF : Quels sont les besoins les plus urgents de l’Armée de l’air en ce moment ?
Général Omenda : Les ressources humaines. Et bien sûr l’argent est toujours un problème. La gestion d’une armée de l’air coûte cher ; la plupart des pays trouvent que c’est très difficile. Il doit exister un équilibre entre la sécurité et les autres besoins urgents tels que la santé, l’agriculture, l’éducation, etc. Les besoins de base du pays font concurrence au budget de soutien aux opérations militaires. Une armée de l’air opérationnelle coûte très cher.
ADF : Les drones sont une technologie émergente pour de nombreuses forces armées. Quel est le plan de votre armée de l’air pour employer les drones ?
Général Omenda : Oui, les drones sont à la mode. Mais souvenez-vous que vous obtenez des drones dans un but précis. Toute armée de l’air entreprend ses propres achats de matériel, en fonction des besoins particuliers dans la région. Pour nous, ils sont évidemment importants mais pas aussi importants qu’ils le sont dans d’autres régions. Nous en avons quelques-uns, nous en achetons quelques autres, mais cela est régi par les besoins que nous avons.
ADF : Les utilisez-vous pour la surveillance ?
Général Omenda : Surtout pour la surveillance, c’est vrai, parce qu’ils sont économiques, ils sont faciles à utiliser, ils sont moins chers et donc ils ajoutent beaucoup de valeur. Toutefois, vous devez les complémenter par d’autre matériel pour pouvoir atteindre l’objectif militaire souhaité. Mais ils font économiser beaucoup, au lieu d’utiliser des avions réels avec équipage, qui coûtent très chers.
Le coût initial pourrait être élevé mais les frais de maintenance sont abordables et vous les utilisez donc pendant longtemps et ils vous servent pendant plus longtemps. À la longue, c’est une option qui coûte moins cher que les plateformes avec équipage parce que ces plateformes nécessitent des humains à bord. Vous devez former le pilote, vous devez former le technicien, la pourvoir en carburant, la préparer, la maintenir. À la longue une ressource avec équipage coûte très cher.
ADF : Pensez-vous que l’emploi des drones
continuera à croître ?
Général Omenda : Vous ne pouvez pas remplacer les plateformes avec équipage par des drones. Ils vont toujours se compléter mutuellement. Je ne vois pas de situation ni d’époque où les plateformes avec équipage vont disparaître. Ce ne sera pas possible. Les hommes pourront toujours voler. Je vous le garantis.
ADF : De nombreuses armées de l’air africaines ont une variété d’avions mais seulement un ou deux modèles de chaque plateforme. Elles auront vingt avions mais huit ou neuf plateformes différentes. Cela peut compliquer la maintenance et la formation. Est-ce un problème pour votre armée de l’air ?
Général Omenda : Vous avez raison. Plus il y a de variété, plus la maintenance coûte cher. Un certain type d’aéronef nécessite certains équipements spéciaux pour sa maintenance. Si vous avez beaucoup de variété, vous devrez alors avoir beaucoup de variété dans l’équipement de maintenance. C’est moins cher si vous avez une seule plateforme. À la longue, nous faisons face aux mêmes problèmes. Vous ne pouvez pas avoir un seul type d’aéronef parce que les missions sont variées. Vous devez avoir des hélicoptères, vous devez avoir des voilures fixes, vous devez avoir des turbopropulseurs, vous devez avoir des avions à réaction, et donc vous aurez une variété. Ce n’est pas facile à la longue. Si vous pouvez garder un certain type, par exemple des voilures tournantes de type similaire, des avions à réaction de type similaire et des turbopropulseurs de type similaire, vous pouvez alors réduire la variété, ce qui devient gérable à la longue.
ADF : Les avions de transport militaires deviennent particulièrement cruciaux dans les domaines tels que l’assistance humanitaire. Êtes-vous confortable avec la taille de votre flotte de transport ?
Général Omenda : Non, tout le monde en veut plus. Nous rêvons toujours des grandes flottes, mais vous savez, elles dépendent toutes du coût des opérations et de la maintenance. Je n’ai pas assez, bien entendu. Je n’ai pas assez d’équipage, je n’ai pas assez d’ingénieurs et de techniciens. Mais au moins nous maintenons ce que nous avons, et nous espérons qu’à l’avenir nous pourrons l’élargir et avoir les nombres corrects en place.
ADF : Il est difficile de parler des forces armées africaines sans mentionner l’effet du terrorisme. Le Kenya a dû affronter des incidents terroristes au cours de l’année passée. Quel est le rôle joué par l’armée de l’air pour combattre ce problème ?
Général Omenda : Les armées de terre et les armées de l’air professionnelles sont formées pour conduire une guerre conventionnelle. Le terrorisme est une guerre non conventionnelle, c’est une guerre asymétrique. Nous avons tendance à compter sur les règles de la guerre dans les conflits armés, le droit humanitaire international, etc. Le terrorisme ne suit pas ces règles ; c’est donc un défi, en particulier pour les armées de l’air. Avec l’armée de l’air et le type de matériel que nous avons, nous ne sommes pas branchés pour combattre le terrorisme. Mais nous apprenons vite et nous avons un effet en réduisant les impacts du terrorisme.
Mais je veux vous dire quelque chose : le terrorisme ne peut pas être stoppé de façon cinétique, il ne peut pas être stoppé uniquement par la guerre. Le terrorisme se manifeste à cause des problèmes sociaux et si vous voulez gagner une guerre, vous devez identifier les problèmes. Parce qu’il est un problème social, le terrorisme doit être approché socialement et complémenté par l’emploi de la force cinétique pour réduire ses effets. Ce n’est pas seulement la cinétique, pas seulement l’emploi de la force. Vous nécessitez que tout le monde œuvre ensemble, et le monde doit œuvrer ensemble parce que cela transcende toutes les frontières. Ce n’est pas localisé. Il est important de coopérer contre le terrorisme mais c’est une question sociale qui doit être traitée.
ADF : On parle toujours des pays voisins qui formeraient un partenariat pour combattre le terrorisme et affronter d’autres problèmes. Que pensez-vous de votre relations avec les armées de l’air de vos voisins ?
Général Omenda : Nous avons vraiment une relation robuste. Nous avons des organismes régionaux où nous participons, par exemple la Communauté d’Afrique de l’Est. Et nous avons aussi la Force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est, FR-CAE, qui a été déployée dans l’Est de la République démocratique du Congo. Nous collaborons sur de nombreux fronts, nous mettons en commun les ressources et cela fonctionne pour nous. Toutefois, les autres besoins nationaux ne permettent pas très facilement d’avoir un effet continu.
ADF : Vous avez souligné le fait que, quelle que soit l’ampleur de vos besoins, le bien-être humain passe avant les forces armées.
Général Omenda : Oui, mais vous ne pouvez pas vous passer du pouvoir militaire. Nous sommes des êtres humains sociaux qui forment des nations. Et les nations ont des besoins, les nations ne sont pas auto-suffisantes. La carence militaire peut vraiment vous laisser exposé. Si un état voyou a besoin de quelque chose que vous avez, il vous marchera dessus et cela ne peut pas se produire. Il n’existe aucun pays qui puisse se passer d’une armée. C’est une question sociale ; c’est une nécessité, donc ils sont ici et vont y rester. Depuis des temps immémoriaux, nous avions même des forces locales de sécurité qui protégeaient leur propre localité et leurs ressources contre l’invasion, l’invasion par d’autres êtres humains. Il est impensable de rester sans aucune défense. Vous serez vulnérable et vous perdrez tout.
ADF : Les officiels du symposium des chefs africains d’armée de l’air 2024 en Tunisie ont souligné le besoin de davantage de formation et d’un meilleur traitement du personnel féminin. Comment pensez-vous que le Kenya se comporte dans ce domaine ?
Général Omenda : Nous nous comportons très bien. Rappelez-vous que le Kenya est différent. En ce qui concerne les femmes en uniforme, nous sommes un cas particulier. Dès le début, nous avions des femmes militaires. Les Forces de défense du Kenya ont été formées avec l’inclusion des femmes. Elles étaient dans une unité spécialisée à des fins spécialisées, et elles ont été spécifiquement rattachées à l’armée. Mais elles ont servi dans tous les services, dans la marine, l’armée de l’air, partout où elles étaient nécessaires. Toutefois, en 2002, un changement de politique a été instauré pour qu’elles s’intègrent à tous les services et revêtent un uniforme de service. Elles ont été dispersées et réparties selon certaines proportions. Aujourd’hui, chaque service recrute son propre personnel féminin en fonction de ses besoins, parce qu’une force armée est un service spécialisé. Et pour nous au Kenya, nous ne reconnaissons par les quotas mais nous offrons aux femmes d’excellentes opportunités, en particulier si leur performance est bonne. Et sur ce point nous avons obtenu des résultats fantastiques. Les chiffres le confirment. En ce moment, ils sont très élevés par rapport aux normes africaines.
ADF : Certaines missions de maintien de la paix des Nations unies ont eu des difficultés récemment en Afrique. Que pensez-vous de l’avenir des missions de maintien de la paix en Afrique ?
Général Omenda : Les missions de maintien de la paix existeront toujours parce que la paix et la sécurité font partie des besoins humains. Tant qu’il y aura des conflits, il y aura un besoin pour des missions de maintien de la paix, et donc des résolutions seront toujours adoptées par les Nations unies pour établir des missions de maintien de la paix dans toute zone de conflit. Toutefois, la clause qui déclare que le pays devrait être désireux d’accepter la mission est le plus faible maillon. Je prédis qu’il y aura un cas où la communauté internationale pourra forcer l’envoi d’une mission de maintien de la paix si cela est nécessaire. Si cela affecte la région et le monde, une décision devra être prise. L’avenir du maintien de la paix existe toujours et il y aura toujours un besoin, selon moi, tant qu’il y aura des conflits.