Depuis août 2020, lorsque des officiers militaires maliens ont arrêté le président Ibrahim Boubacar Keïta à la pointe du fusil et l’ont forcé à démissionner, le continent a subi 11 tentatives réussies de coup d’État.
La plus récente s’est produite le 12 octobre, lorsque le président malgache Andry Rajoelina a été renversé après plusieurs semaines de manifestations par de jeunes mécontents qui se plaignaient des pannes d’électricité et des coupures d’eau, de la pauvreté abjecte, du manque d’opportunités et des allégations de corruption gouvernementale. Les bureaux de M. Rajoelina ont publié une déclaration qualifiant le coup d’État de « rupture sérieuse de l’État de droit ». Le colonel Michaël Randrianirina, qui a effectué le coup d’État, a prêté serment en tant que président de Madagascar le 17 octobre.
En réponse, l’Union africaine a suspendu l’adhésion de Madagascar comme membre de l’organisation. Le président de l’UA Mahmoud Ali Youssouf a condamné tout changement anticonstitutionnel de gouvernement, en demandant une réponse coordonnée de l’UA, de la Communauté de développement d’Afrique australe (CDAA) et de la Commission de l’océan Indien, ainsi qu’une mission exploratoire.
« L’État de droit doit triompher sur l’emploi de la force, a-t-il dit. Notre approche est axée sur la loi et le dialogue. »
Les suspensions de l’UA sont presque toujours en réponse au renversement du gouvernement d’un pays membre, selon le site web Political Geography Now qui fait le suivi des changements dans la géopolitique mondiale et fournit des reportages. La réponse de l’UA a attiré des critiques de la part des analystes tels que Fidel Amakye Owusu, analyste de la sécurité spécialisé dans les affaires africaines et la géopolitique, qui a déclaré au service d’actualité allemand Deutsche Welle (DW) que le protocole du bloc régissant les événements liés aux coups d’État est réactionnaire plutôt que proactif.
Ryan Cummings, directeur des analyses à la société de gestion des risques axée sur l’Afrique Signal Risk, dit que les suspensions sont devenues le seul mécanisme de l’UA pour adresser les « actions antidémocratiques ».
Il déclare à DW : « La suspension de Madagascar par l’Union africaine liée à la prise de pouvoir anticonstitutionnelle qui s’est produite reflète les mécanismes limités que possède l’organisme panafricain pour assurer qu’il existe une certaine prise de responsabilité ou des répercussions. »
Les analystes de l’Institut pour les études de sécurité ont écrit en 2023 que les suspensions de l’UA peuvent changer le comportement des états membres suspendus et promouvoir des normes collectives. Pendant des années, ces sanctions et la politique de tolérance zéro des coups d’État de l’UA semblaient efficaces, car deux périodes de déclin du nombre de coups d’État sur le continent ont été recensées dans les années 1990 et de 2000 à 2019. Cependant, les sanctions imposées récemment contre le Burkina Faso, le Mali et le Soudan n’ont pas empêché la répétition des coups d’État dans ces pays. Elles n’ont pas non plus empêché par la suite les coups d’État au Gabon, en Guinée, à Madagascar et au Niger.
Les analystes de l’institut écrivent : « Il est clair que les réponses de l’UA et des CER [communautés économiques régionales] à la série actuelle de [changements anticonstitutionnels de gouvernement] n’ont pas encore atteint l’objectif voulu. Les sanctions n’ont pas réussi à changer les comportements ou à dissuader le mépris pour les normes démocratiques. »
Les analystes de l’institut écrivent que l’UA devrait mettre en œuvre des mesures préventives, telles que les missions exploratoires, pour déterminer si des amendements constitutionnels devraient être envisagés en fonction d’indicateurs d’alerte précoce liés à tout changement anticonstitutionnel, et pas seulement les coups d’État. Toutefois, M. Cummings déclare que la souveraineté est l’un des principes fondamentaux de l’UA et qu’elle n’interviendra pas dans une affaire quelconque sans demande formelle.
« Même si elle est invitée à le faire, elle évaluera les conséquences de ses actes, dit-il à DW. Si ses actes pourraient intensifier l’instabilité, elle se bornerait probablement à intervenir par le dialogue. »
Dans le cas de Madagascar, l’UA a publié une déclaration le 12 octobre 2025 pour exhorter le dialogue entre les manifestants, le gouvernement de M. Rajoelina et les forces de sécurité lorsque l’armée a décidé de soutenir les jeunes protestataires. Elle a exhorté « toutes les parties prenantes malgaches, civiles aussi bien que militaires, à faire preuve de calme et de retenue ».
L’analyste de la sécurité Fidel Amakye Owusu déclare que l’UA est paralysée par ce qu’elle peut faire pour empêcher les coups d’État et suggère l’intervention de la CDAA, dont Madagascar est membre. Ce bloc économique régional joue souvent un rôle clé de médiation et stabilisation. Toutefois, l’analyste pense que, « à court terme, il y a peu de choses qui pourraient être faites pour changer la situation ».
« Beaucoup dépendra du public, dit-il à DW. Ils ont commencé cela et ils pourraient orienter la direction. »
