Des sources militaires nigérianes ont confirmé à Reuters que le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), organisation terroriste basée au Mali, avait tué un soldat nigérian lors d’une attaque dans l’État occidental de Kwara, à la frontière du Bénin.
C’était la première attaque du GSIM au Nigeria, et le plus récent exemple de l’extension du rayon d’action des groupes terroristes sahéliens en Afrique de l’Ouest.
Au Sahel, le GSIM fait une concurrence acharnée à l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) pour contrôler des territoires au Burkina Faso, au Mali et au Niger, en se concentrant tout spécialement sur la région du Liptako-Gourma où les trois pays ont des frontières communes.
L’EIGS est passé de 400 combattants environ en 2018 à plus de 3.000 aujourd’hui. En juin, des membres de l’EIGS ont tué 70 personnes dans une mosquée du village de Manda (Niger).
Le nombre d’attaques au Sahel est monté en flèche : de moins de 1.900 attaques en 2019 à plus de 5.500 en 2024. Cette année, on a recensé 3.800 attaques en date de la mi-octobre, selon l’Agence France-Presse (AFP).
Une étude par l’AFP sur la recherche effectuée par le projet ACLED (Armed Conflict Locator and Event Data) montre que le GSIM, l’EIGS et d’autres groupes terroristes sahéliens ont tué plus de 77.000 personnes dans plus de 28.000 attaques depuis 2019.
« La crise de sécurité au Sahel est complexe et il n’existe pas de solution rapide », déclare à l’AFP Charlie Werb, analyste à Aldebaran Threat Consultants.
Le GSIM, affilié à Al-Qaïda, est devenu aujourd’hui le groupe le plus proéminent qui combat les forces de sécurité au Sahel et dans le Nord du Nigeria.
Au cours des derniers mois, le GSIM a imposé un embargo sur le carburant transporté au Mali, pays sans littoral, depuis les pays côtiers du Sud et de l’Ouest, en attaquant les camions citernes et en incendiant quelques-uns. Il a encerclé Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, et il contrôle avec l’EIGS environ 50 % du pays hors de la capitale. Il a récemment lancé des attaques dans le Nord du Niger le long de la frontière avec l’Algérie, et au Sud jusqu’au Bénin, dans ce que l’analyste Jacob Zenn de la Jamestown Foundation a dernièrement décrit comme une « indication des ambitions pour contrôler le couloir trans-sahélien qui reflète les régimes islamiques historiques ».
L’attaque récente à Assamaka (Niger) a tué six soldats nigériens. Le GSIM affirme qu’il a saisi le contrôle de ce poste frontière.
L’extension du GSIM dans le territoire malien a conduit certains analystes à penser que le groupe pourrait bientôt assiéger la capitale de Bamako pour renverser la junte au pouvoir. Ensuite, l’avenir du Mali, et du Sahel en général, serait incertain.
« L’une des questions clés concernant l’avenir du GSIM est de savoir si le groupe cherchera non seulement à saisir le territoire mais aussi à le gouverner », écrit le professeur Zenn.
Pour le moment, le GSIM n’a pas montré un grand intérêt à gouverner le territoire qu’il a saisi aux dépens des autorités régionales du Burkina Faso, du Mali et du Niger.
« Le GSIM pourrait déterminer qu’il ne possède pas les ressources suffisantes pour gouverner, et qu’il ne souhaite pas non plus nuire à son image en gouvernant mal », écrit-il.
Les juntes militaires au pouvoir au Burkina Faso, au Mali et au Niger ont toutes renversées des gouvernements démocratiquement élus à cause de l’incapacité de ces derniers à contrôler les groupes terroristes. Cependant, la violence et les massacres ont augmenté depuis que ces pays ont expulsé les forces de contre-terrorisme françaises et américaines pour accueillir les mercenaires russes du groupe Wagner, aujourd’hui connu sous le nom d’Africa Corps.
Les experts déclarent que les attaques à la main lourde conduites par les dirigeants sahéliens et les mercenaires dans les régions tourmentées par le terrorisme n’ont rien fait pour traiter les causes fondamentales d’instabilité.
Les analystes du Counter Extremism Project ont récemment averti que la victoire du GSIM au Mali pourrait en faire le premier pays gouverné par Al-Qaïda.
Edmund Fitton-Brown, attaché supérieur de recherches à la Foundation for the Defense of Democracies, pense qu’une victoire du GSIM pourrait plutôt conduire à un pouvoir indirect.
« Le GSIM insistera finalement sur un gouvernement qu’il préfère à Bamako, même s’il ne saisit par le contrôle lui-même et s’il accepte quelque chose de moins extrême qu’un régime affilié à Al-Qaïda », a-t-il dit à CNN.
