Une odeur inhabituelle de produit chimique émanait d’une ferme dans la petite localité rurale de Volksrust dans l’Est de l’Afrique du Sud. Les résidents soupçonneux alertèrent les autorités, lesquelles ont conduit une descente à la mi-septembre et découvert un laboratoire de méthamphétamine en cristaux, avec une quantité de drogue d’une valeur de 20 millions de dollars.
Les autorités y ont découvert des équipements de fabrication industrielle ainsi que des balances et des lunchbox pleines de méthamphétamine (dont le nom local est « tik »). Elles ont arrêté cinq ressortissants mexicains et le gardien de la ferme, alors que deux autres personnes se sont échappées. Volksrust est située dans la province du Mpumalanga, à environ 225 km au Sud-Ouest de Johannesbourg.
Cette opération était la troisième de ce type en Afrique du Sud au cours des dernières années. Elle met en lumière la crise croissante de toxicomanie dans le pays et souligne la raison pour laquelle il est considéré comme l’un des plus grands marchés mondiaux de consommation de méthamphétamine en cristaux.
C’est aussi une indication que les cartels de drogue mexicains établissent aujourd’hui des « franchises » de production de méthamphétamine à l’échelle industrielle dans le pays, selon Julian Rademeyer de la Global Initiative against Transnational Organized Crime.
Il a déclaré sur le talk-show de radio 702 Drive de Johannesbourg : « Les ressortissants mexicains se rapprochent de leurs consommateurs. L’Afrique du Sud a l’un des plus grands marchés mondiaux, sinon le plus grand marché, de toxicomanes de méthamphétamine en cristaux, ou tik. Ils ont commencé à établir ces installations d’échelle industrielle dans des fermes distantes, des communautés rurales. C’est essentiellement le modus operandi qu’ils ont suivi auparavant, au Nigeria, puis au Kenya et aujourd’hui ici. »
La présence des cartels fait craindre une hausse de violence alors que les disputes territoriales alimentent les combats entre bandes dans les provinces du Gauteng et du Cap-Oriental, a-t-il ajouté. La toxicomanie de méthamphétamine prolifère en Afrique du Sud depuis le milieu des années 1990, initialement poussée par les réseaux chinois qui fournissaient des précurseurs chimiques aux bandes locales. Mais depuis lors, le marché a considérablement évolué.
« Au cours des dix dernières années, nous avons constaté des perturbations importantes du marché du tik et de la méthamphétamine en Afrique du Sud, déclare M. Rademeyer. Bien qu’une certaine quantité de méthamphétamine soit toujours produite localement, il existe essentiellement deux souches majeures qui sont importées dans le pays. »
L’une d’elle, appelée couramment « meth du Pakistan » par les consommateurs, provient des régions frontalières de l’Afghanistan et du Pakistan. La deuxième, appelée « meth du Mexique » est fabriquée à l’échelle industrielle dans des laboratoires établis par les cartels mexicains au Nigeria, en Namibie et ailleurs.
Selon M. Rademeyer, les Mexicains qui ont été arrêtés sont probablement des scientifiques envoyés par les cartels, sans doute le cartel de Sinaloa qui s’est établi dans plus de 50 pays et le cartel de Jalisco Nouvelle Génération. Il anticipe que le marché local enregistrera une expansion et que les cartels chercheront à créer des partenariats avec des entreprises criminelles locales.
« Si vous examinez le modèle nigérian, ils ont fait équipe avec des groupes nigérians, dont certains sont censés être associés aux cartels mexicains d’Afrique du Sud », déclare M. Rademeyer. Il ajoute que les cartels chercheront probablement des distributeurs locaux et voudront former des résidents locaux pour produire la méthamphétamine, recruter des fermiers et utiliser des personnes ayant accès à des lieux permettant de fabriquer discrètement la drogue.
Le problème de drogue d’Afrique du Sud n’est pas limité à la méthamphétamine.
En décembre 2024, des tests de drogue conduits par les cliniques sud-africaines ont détecté le fentanyl, opioïde synthétique puissant, chez les jeunes du Cap-Oriental et du KwaZulu-Natal. Cette drogue produit une euphorie intense à court terme et est environ 100 fois plus forte que la morphine et 30 fois plus forte que l’héroïne. On la mélange habituellement avec la cocaïne, l’héroïne et la méthamphétamine. On l’a aussi trouvée dans les eaux usées du pays.
Le Journal of Illicit Economies and Development signale que 400.000 Sud-Africains consomment l’héroïne quotidiennement, à un coût d’environ 1,8 million de dollars. La valeur combinée des marchés de cocaïne, d’héroïne et de méthamphétamine dans le pays s’élevait à 3,5 milliards de dollars en 2020, selon un reportage publié l’an dernier par le journal.
Les analystes déclarent que l’addiction aux stupéfiants et à l’alcool contribue à la hausse du chômage chez les jeunes Sud-Africains, ce qui fait monter le vandalisme, la violence et les problèmes psychologiques et de santé physique. Imraan Muscat, travailleur social à la Mediclinic Crescent, province du Cap-Occidental, déclare que de nombreux jeunes se tournent vers les drogues, non seulement pour sentir l’euphorie mais aussi pour aider à gérer le stress, les traumas et les émotions difficiles.
Il dit dans un reportage du site web d’actualité Modern Ghana : « Au cours du temps, ce comportement appris rebranche le cerveau en détournant les systèmes principaux de survie, ceux liés à l’alimentation, l’abri et la procréation. En fin de compte, la relation avec la substance devient primordiale. Ce changement se produit aux niveaux neurologique et comportemental. Dans la plupart des cas, cela se passe de façon très insidieuse. »