Les terroristes des Forces démocratiques alliées exploitent le chaos dans l’Est de la République démocratique du Congo alors que les forces de sécurité se focalisent sur le groupe rebelle meurtrier du M23, qui avance dans le Nord.
Les Forces démocratiques alliées ont tiré profit des combats entre les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et le M23 pour intensifier leurs propres opérations, y compris les attaques contre les civils et les services de sécurité. Cette année, le M23 s’est avancé au Nord vers la localité de Lubero dans la province du Nord-Kivu, où les deux groupes sont actifs dans des zones différentes.
« Ce qui a suivi illustre le risque croissant d’insécurité à cause du chevauchement de la violence », écrit Ladd Serwat, analyste avec le projet ACLED (Armed Conflict Location and Event Data).
Au début janvier 2025, le M23 et les Forces rwandaises de défense s’étaient joints pour combattre les FARDC à Kaseghe, localité du territoire de Lubero. Quelques jours plus tard, les Forces démocratiques alliées ont profité du chaos et tué 11 civils à Kaseghe, en marquant le début sanglant d’une année meurtrière. Lorsque le M23 a cherché à avancer dans le Nord, il a sollicité un accord de non-agression avec les Forces démocratiques alliées, alignées avec l’État islamique (Daech), mais ces dernières ont refusé, selon le Conseil de sécurité des Nations unies.
« Bien que le M23 et [les Forces démocratiques alliées] ne se soient pas encore affrontés, leurs opérations simultanées dans des zones géographiquement voisines ont mis à l’épreuve la capacité des forces armées congolaises pour combattre simultanément les deux groupes, écrit le Dr Serwat. Alors que les FARDC essayaient de contrôler l’avancée du M23 au premier trimestre 2025, leur attention a été détournée des [Forces démocratiques alliées], ce qui a permis à ce groupe islamiste d’intensifier son ciblage des civils. »
Selon l’Institut pour les études de sécurité (ISS), les terroristes des Forces démocratiques alliées agissent au sein de petites cellules agiles, ce qui leur permet de s’infiltrer dans les zones urbaines et les régions voisines en développement en tant que chauffeurs de taxi ou marchands. Ceci montre que leur expansion est stratégique, pas seulement idéologique ou en réponse aux pressions militaires.
Elles emploient un « modèle hybride d’insurrection et de crime », en utilisant souvent les tactiques de fuite des guérilleros, écrit le chercheur Nirvaly Mooloo de l’ISS. Elles dépendent aussi du commerce illicite de l’or, du cacao et du bois, vendu souvent à l’Ouganda où le groupe avait été créé en 1996 ; l’armée ougandaise l’a chassé vers l’Est de la RDC en 2002.
Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, département onusien, signale que le groupe a commis des assassinats extrajudiciaires, des enlèvements contre rançon, des extorsions et une taxation imposée aux communautés locales. Il recrute des combattants spécialisés dans la fabrication des bombes et la formation militaire par coercition, endoctrinement religieux et tromperie. Ces combattants sont recrutés en RDC, et aussi au Burundi, au Kenya, en Somalie et en Tanzanie. Bien qu’il soit affilié à Daech, les sources locales ont dit à l’ISS que certains actes du groupe sont contraires à la politique de Daech.
En mars, le service de renseignement de l’armée ougandaise a signalé que les Forces démocratiques alliées avaient noué de nouvelles alliances avec une coalition de militants de l’ethnie Lendu appelée Coopérative pour le développement du Congo.
Un chef traditionnel de la région de Kasenye à Lubero déclare au projet ACLED : « Les [Forces démocratiques alliées] ne sont plus seules. D’autres groupes armés ayant des méthodes similaires sont actifs dans l’ombre. »
Les Forces démocratiques alliées sont bien connues pour prendre les églises pour cible. En juillet, elles ont massacré au moins 43 fidèles, y compris 19 femmes et 9 enfants, pendant une messe nocturne dans la localité de Komanda, province de l’Ituri. Le 9 septembre, le groupe a tué plus de 70 personnes et enlevé une centaine pendant une veillée à Lubero. Il a aussi incendié au moins 16 maisons. Quelques jours plus tard, il a assassiné une douzaine de personnes dans une église catholique du village de Ntoyo, province du Nord-Kivu.
Selon le service numérique de presse The Lion, ces attaques ont porté à un total de 600 le nombre de personnes tuées par les Forces démocratiques alliées cette année. Les résidents ont exprimé leur mécontentement après l’attaque de Komanda.
Une femme a déclaré à l’Agence France-Presse : « Nous sommes vraiment choqués. Des enfants et des femmes ont été tués. Que font les services de sécurité à Komanda ? Ils ne font pas leur travail. Ils ne font absolument rien. »