Une série de vidéos prenant pour cible les jeunes femmes et concernant des emplois en Russie a récemment provoqué des fureurs en Afrique du Sud. Au moins dix acteurs influents des réseaux sociaux ont commencé à afficher des photos et des vidéos au mois d’août dans le cadre d’une campagne visant à promouvoir le programme Alabuga Start dans la république du Tatarstan, région centrale de la Russie.
Les vidéos sont devenues virales, mais pour d’autres raisons que celles voulues.
Les acteurs influents ont fait face à un tollé général et une investigation gouvernementale lorsque de nombreux reportages médiatiques ont révélé des preuves bien documentées selon lesquelles Alabuga Start avait induit des Africaines à aller travailler dans une usine d’assemblage de drones militaires pour soutenir la guerre de la Russie contre l’Ukraine.
« Nous sommes extrêmement préoccupés », a déclaré Clayson Monyela, responsable de la diplomatie publique au département des Relations internationales et de la Coopération d’Afrique du Sud dans une interview du 25 août sur Radio 702. « Les réseaux de traite humaine attirent les jeunes dans toutes sortes d’activités illégales sujettes à des conditions semblables à l’esclavage. »
Monyela déclare que son ministère « mène une enquête active sur des rapports concernant les programmes étrangers qui recrutent des Sud-Africains sous de faux prétextes », alors que Chrispin Phiri, porte-parole du département des Affaire étrangères d’Afrique du Sud, confirme lui aussi à l’Agence France-Presse que cette affaire est « sujette à une enquête ».
La Russie, qui a des difficultés liées à sa guerre contre l’Ukraine, continue à affronter une pénurie grave de main d’œuvre, exacerbée par la mobilisation de centaines de milliers de soldats, et un exode massif des dissidents. Le Kremlin a eu recours à des arnaques d’emploi conçues pour attirer ou tromper les Africains pour qu’ils se battent pour l’armée russe et construisent des drones dans des usines telles que celle d’Alabuga.
La Global Initiative Against Transnational Organized Crime déclare dans un rapport de mai que l’objet d’Alabuga Start est de soutenir le programme russe de production de drones. « Les recrues potentielles sont induites à participer sous de faux prétextes concernant la nature du travail, les conditions de travail et les opportunités d’éducation. »
On signale qu’environ 200 Africaines ont été employées dans la Zone économique spéciale d’Alabuga, pour travailler avec des étudiants russes suivant une formation professionnelle, dont certains ont à peine 15 ans. Certaines Africaines disent qu’elles ont découvert la nature véritable du travail seulement après leur arrivée, et qu’on leur avait dit qu’elles travailleraient dans l’hôtellerie dans le cadre d’un programme de travail-étude.
Les femmes indiquent qu’elles ont été soumises à de nombreux maltraitements et des violations du droit du travail, notamment de longues heures de travail, des salaires inférieurs à ce qui avait été promis, une surveillance constante et des restrictions sur leurs mouvements et leurs communications. Des violations des règles de santé et de sécurité ont aussi été signalées, y compris le travail avec des produits chimiques qui provoquent des lésions de la peau.
Monyela a déclaré que son ministère avait facilité le retour d’une Sud-Africaine qui avait contacté l’ambassade à Moscou « après avoir réalisé que ce qui avait été promis n’était pas vrai ». En plus de son interview à la radio, il a affiché des avertissements sur les réseaux sociaux, pour exhorter les jeunes à contacter son agence sur quoi que ce soit qui « semble trop beau pour être vrai ».
« Les agents influents ont été mobilisés pour promouvoir ces opportunités, qui sont très jolies sur le papier », déclare-t-il sur Radio 702.
Cyan Boujee, DJ sud-africaine dont le vrai nom est Honour Zuma, est l’une des personnalités influentes enrôlées pour créer une série de vidéos de visite de la Zone économique spéciale d’Alabuga et d’interviews des Africaines qui y travaillent. Elle se considère comme une autre victime des campagnes de recrutement et de propagande de la Russie.
Elle déclare dans un podcast du 10 septembre : « J’ai beaucoup perdu. J’ai perdu une certaine dignité. J’ai beaucoup d’angoisse. J’ai perdu mon compte de TikTok et plusieurs marques. C’est une énorme phase d’apprentissage pour moi et j’espère que tout le monde tire les leçons de cette situation. »
Elle a continué à afficher des vidéos concernant son expérience en Russie et les conséquences. Dans l’une d’elles, elle dit qu’elle a supprimé la vidéo originale sur TikTok avant que son compte, qui avait près de 2 millions d’adeptes, ne soit clôturé par le service. Elle déclare qu’elle n’a pas été rémunérée pour ses efforts et ne pense qu’elle le sera parce qu’elle refuse d’afficher les autres vidéos qu’elle avait convenu de partager.
Elle dit aussi qu’elle avait eu des doutes et des soupçons pendant sa visite d’Alabuga. Elle a interviewé une jeune fille qui a expliqué qu’elle avait été forcée de dire qu’elle était bien traitée.
« La fille pleurait », déclare Honour Zuma dans une vidéo adressée à ses 902.000 abonnés d’Instagram. « Je ne pouvais pas le croire. Lorsque j’ai interviewé ces gosses, la plupart d’entre elles n’étaient pas contentes, en particulier avec les réponses qu’elles devaient donner face à la caméra. »
Le ministère sud-africain des Femmes et des Jeunes a exprimé sa « vive préoccupation » sur le ciblage des jeunes Sud-Africaines pour des opportunités d’emploi en Russie.
« Nous exhortons les jeunes à faire preuve d’une prudence extrême concernant les offres non sollicitées d’emploi à l’étranger, en particulier celles diffusées sur les réseaux sociaux et autres plateformes en ligne », déclare le porte-parole Cassius Selala.