En 2022, le président chinois Xi Jinping a lancé l’Initiative globale de la sécurité (GSI) pour établir son pays comme facilitateur de l’amélioration de la sécurité mondiale. Les critiques notent que ce même président avait utilisé son pouvoir pour élaborer un plan exhaustif de sécurité nationale qui a fait accroître la répression de l’État dans presque tous les aspects de la société chinoise.
La politicologue Sheena Chestnut Greitens a écrit dans le magazine Foreign Policy de cette année : « La GSI signale une évolution importante dans la politique étrangère chinoise. [Elle] cherche à réétudier la gouvernance mondiale en matière de sécurité pour la rendre plus compatible avec les intérêts de sécurité du régime du Parti communiste chinois [PCC]. »
Les observateurs remarquent aujourd’hui que la Chine utilise l’Afrique comme terrain d’essai pour la GSI dans le but de bâtir des coalitions pour l’aligner avec les normes chinoises autoritaires de sécurité et d’application des lois.
Les groupes de défense des droits de l’homme sonnent l’alarme concernant de récents programmes de formation des policiers africains qui introduisent les tactiques du PCC et se concentrent fortement sur la protection des intérêts commerciaux chinois dans ces pays.
Ilaria Carrozza, chercheuse principale de l’Institut de recherche sur la paix d’Oslo, déclare que le but de la Chine concernant la police et la mise en application de la loi en Afrique est axé sur l’expansion de son influence et la protection de ses intérêts politiques.
Elle dit dans le journal South China Morning Post : « Pékin fait avancer ses modèles de politique, qui mettent l’accent sur le contrôle de l’État et la sécurité. Cette coopération renforce les liens avec les gouvernements africains tout en suscitant des inquiétudes sur les possibilités d’érosion des principes démocratiques et des droits de l’homme sur le continent. »
Amodani Gariba, blogueur populaire sur les relations Afrique-Chine, souligne que les modèles de gouvernance de sécurité chinois ont un plus grand attrait pour les partis africains au pouvoir.
Il a dit à Paul Nantulya du Centre d’études stratégiques de l’Afrique (CESA) pour un reportage du 4 août : « En utilisant les forces armées pour décimer l’opposition, les partis au pouvoir dans certains pays de l’Afrique subsaharienne ont créé en fait des états à parti unique. Les ambitions chinoises pour étendre les liens de la Chine à la coopération militaire pourraient faire empirer la situation de gouvernance déjà mauvaise sur le continent. »
Au cours des dernières années, Pékin a renforcé sa collaboration avec les pays africains en matière de sécurité, sous forme d’accords sécuritaires et stratégiques bilatéraux, de coopération entre forces armées et d’opportunités de formation en Chine. Dès 2024, la Chine a dit qu’elle formerait 1.000 policiers africains.
« Ces engagements sont intégrés avec un soutien politique en hausse pour des partis au pouvoir sélectionnés et la promotion des normes de sécurité et des pratiques de gouvernance du PCC, écrit Paul Nantulya. La Chine vise ainsi à s’attirer les bonnes dispositions des élites au pouvoir, assurer un traitement préférentiel pour ses sociétés et mobiliser le soutien africain pour ses ambitions géopolitiques. »
Avec les accords bilatéraux, le but de la Chine est de façonner les pratiques stratégiques, les politiques et les structures de l’Afrique. La Chine utilise aussi ces traités pour continuer à opprimer ses propres dissidents, car elle signe des conventions d’extradition pour soutenir « l’arrestation des ressortissants chinois recherchés en Chine pour une raison quelconque donnée par le gouvernement chinois », déclare M. Nantulya au Post.
Certains efforts de sécurité chinois sur le continent ont fait l’objet de problèmes et ont provoqué une attention non voulue. Des armes chinoises sont tombées entre les mains des militants dans les zones de conflit telles que le Mali, la République démocratique du Congo, le Soudan du Sud et la région du Darfour au Soudan.
Des armes chinoises et du matériel de surveillance ont aussi été utilisés par certains gouvernements africains pour réprimer leur opposition politique, et les experts ont averti à maintes reprises des risques de sécurité et de renseignement dus à l’intégration de la technologie chinoise dans les écosystèmes numériques nationaux, l’infrastructure critique et les réseaux gouvernementaux.
« De tels résultats provenant de l’expansion des engagements sécuritaires de la Chine alimentent des sentiments négatifs dans certains secteurs de l’opinion publique africaine à l’égard de la Chine, qui est souvent critiquée pour enraciner des pratiques autoritaires en Afrique, écrit M. Nantulya. Ils provoquent aussi un dilemme sur la divergence entre les intérêts de la population africaine et les ambitions sécuritaires et géostratégiques en hausse de la Chine sur le continent. »
Gordon Moyo, directeur de l’Institut de recherche sur la politique publique du Zimbabwe, avertit du prix qu’il faudra payer pour les armes, la technologie et les partenariats chinois, même au nom de l’amélioration de la sécurité.
Il déclare au CESA : « La technologie est comme une abeille qui a un dard et du miel dans la bouche. Nous devons bien comprendre le miel que nous obtenons de la Chine et la piqûre du dard des technologies numériques chinoises en Afrique parce qu’elle a un impact visible sur les libertés civiles. »
Lungani Hlongwa, qui était officier subalterne dans la Marine sudafricaine et qui écrit un blog appelé Radar de sécurité Chine-Afrique, exhorte les gouvernements à anticiper et réduire les effets négatifs de leur partenariat de sécurité avec la Chine.
Il déclare au CESA : « Les opportunités dépendront de l’ampleur de l’autonomie que peuvent détenir les pays africains. Elles [les parties prenantes africaines] peuvent déterminer le programme en articulant leurs préoccupations de sécurité les plus urgentes et définissant les rôles spécifiques qu’elles souhaitent que la Chine assume. »