Le désarmement, la démobilisation et la réintégration (DDR) sont des piliers fondamentaux de la réconciliation mais ils n’offrent jamais de solution universelle. Chaque contexte exige une approche personnalisée, et la République centrafricaine (RCA) n’est pas une exception.
Après plus de dix années de conflit et avec quatorze groupes armés actifs dans le pays, la RCA œuvre pour offrir aux combattants un moyen de déposer leurs armes et d’entreprendre le périple vers une vie civile productive.
Avec le retour récent vers le processus de paix de deux groupes armés majeurs, l’Unité pour la paix en Centrafrique (UPC) et les 3R (Retour, Réclamation et Réhabilitation), le désarmement et la démobilisation en cours seront essentiels pour une paix durable.
Cet effort est évident à Maloum, dans la préfecture de la Ouaka, centre de désarmement désigné dans la région centrale de la RCA. Les combattants de l’UPC arrivent en groupes de 15 à 25. Ils remettent leurs armes et leurs munitions, puis ils sont sujets à une série de contrôles médicaux et autres, à l’enregistrement biométrique et l’évaluation de leur état de préparation en vue de leur réintégration en tant que personnel en uniforme ou leur profilage socio-économique. Ils déclarent tous qu’ils sont engagés envers la paix.
« J’ai rejoint la rébellion à Bambari en 2014 pour nous protéger, défendre notre propriété et assurer la sécurité de nos familles. Mais grâce à l’accord conclu avec le gouvernement, nous nous sommes engagés à déposer nos armes et contribuer activement à bâtir la paix », déclare le combattant Abdoulay Atair.

MINUSCA
Moctar Darsy dit : « En tant que fils de ce pays, il nous incombe de contribuer à la paix. » Issa Abacar Salé, autre combattant, souhaite « faire des affaires ».
Les opérations de désarmement et démobilisation en cours à Maloum et dans la localité de Koui au Nord-Ouest du pays sont conduites par le Programme national pour le désarmement, la démobilisation, la réintégration et le rapatriement (DDRR) avec le soutien de la mission de maintien de la paix des Nations unies appelées MINUSCA.
Cela se produit après la signature d’un accord avec l’UPC et les 3R le 19 avril 2025 à N’Djaména (Tchad). La République du Tchad était médiatrice de l’accord et le président centrafricain Faustin Archange Touadéra a présidé à la cérémonie le 10 juin à Bangui en présence d’Ali Darassa, chef de l’UPC, et Sembé Bobbo, chef des 3R.
En 2020, l’UPC et les 3R s’étaient retirés de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation (APPR) en RCA pour rejoindre la rébellion au sein de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC), en faisant retourner à la violence plusieurs régions du pays.
En reprenant le processus de paix, les deux groupes se sont engagés à mettre fin aux hostilités et à participer pleinement au processus DDR, notamment en intégrant les membres approuvés des groupes armés dans les forces nationales de défense et de sécurité et en réintégrant socio-économiquement les ex-combattants en fonction de leur profil et des opportunités disponibles. Ali Darassa, chef de l’UPC, déclare qu’il « n’est pas question de revenir en arrière » et promet un « engagement total à la paix » de la part du groupe. De même, Sembé Bobbo a promis de « respecter le processus de paix ».
Depuis le 12 juillet, plus de 400 combattants ont été démobilisés et désarmés, principalement à Maloum.
En tant que facilitatrice de l’accord de 2019, la MINUSCA fournit une assistance financière, logistique, technique et sécuritaire aux opérations de désarmement de Maloum et de Koui. Une équipe conjointe de la MINUSCA conduit aussi une sensibilisation sur le programme de réduction de la violence communautaire et les opportunités offertes aux ex-combattants qui ne sont pas qualifiés pour le DDR ou l’intégration dans les forces nationales de sécurité et de défense.
L’unité de mise en œuvre du Programme national de désarmement, démobilisation, réintégration et rapatriement, organisme technique chargé de la mise en œuvre de la politique nationale DDRR, et la MINUSCA sont engagées dans un processus associé de sensibilisation auprès des autorités locales, des chefs communautaires, de la population locale et des ex-combattants sur le processus DDR en cours, et sur la résolution du conflit, la réconciliation et la cohésion sociale. Les autorités et en particulier la population ont bien accueilli l’opération. Pour Lary-Nouradine Mahalba, sous-préfet de Koui, « le rôle des autorités locales consistant à assurer une paix durable est crucial ».

Encouragé par les opérations DDR et la nomination de représentants des 3R et de l’UPC au gouvernement, l’accord du 19 avril et le cessez-le-feu qui a suivi ont un impact positif sur la sécurité dans les zones où les deux groupes armés étaient actifs. Les attaques des villages ont diminué. Depuis que des éléments de l’UPC ont commencé à se réunir à Maloum vers la mi-juillet, aucun incident de sécurité ou acte de violence attribuable à l’UPC n’a été enregistré dans la région.
Le processus DDR est une base pour réaliser une paix durable en Centrafrique. Pour ce faire, le gouvernement a établi le programme national pour DDRR en décembre 2018, grâce auquel d’importants progrès ont été réalisés. Avec les opérations de Maloum et Koui, le nombre de combattants désarmés totalise aujourd’hui 5.540, y compris 342 femmes affiliées aux groupes armés signataires. Le gouvernement cible un nombre de combattants estimé à 7.000 parmi les 14 groupes armés qui ont signé l’accord de paix de 2019.
La politique nationale DDRR spécifie que la majorité des combattants désarmés et démobilisés suivent des voies de réintégration socio-économique, et qu’un nombre limité rejoigne les forces de sécurité et de défense. Depuis 2019, la MINUSCA soutient le gouvernement de Centrafrique en mettant en œuvre un programme DDR inclusif et progressif et, en ce qui concerne les éléments étrangers, leur rapatriement. La mission aide à mobiliser les partenaires de la Centrafrique pour « soutenir cet élan renouvelé vers la paix et la réconciliation », selon Valentine Rugwabiza, représentante spéciale du secrétaire général de l’ONU en RCA et chef de la MINUSCA.
D’autres acteurs tels que la Banque mondiale, les États-Unis, l’Union européenne et le Fonds pour la consolidation de la paix de l’ONU seront cruciaux pour faire avancer le DDR.
À la réunion du 6 août, le président Touadéra a fait appel à la mobilisation urgente des partenaires DDRR « pour soutenir les opérations DDR extraordinaires, en cours et futures, ainsi que pour financer les projets socio-économiques afin d’appuyer les communautés hébergeant des ex-combattants démobilisés, et la réintégration socio-économique de ces ex-combattants dans leurs communautés d’accueil ».
La Centrafrique a atteint la croisée des chemins : le succès de la réintégration pourrait transformer les ex-combattants en agents de paix et de développement, tandis que l’échec du DDR pourrait alimenter la frustration et rallumer les tensions.