Plusieurs insurrections et conflits sur le continent durent depuis des années, et certains durent depuis des décennies. Mais il existe un autre combat à la maison, où les familles des soldats qui ont été tués ont des difficultés et nécessitent un soutien.
Les conflits violents ont conduit à une augmentation importante du nombre de veuves et d’orphelins militaires dans toute l’Afrique. Dans le Nord-Est du Nigeria, les terroristes de Boko Haram ont tué plus de 36.000 personnes et déplacés 2,2 millions depuis qu’ils ont lancé leur insurrection en 2009.
Fisayo Ajala et Lindy Heinecken, chercheurs en anthropologie sociale à l’université Stellenbosch d’Afrique du Sud, ont parlé aux veuves militaires du Nigeria et ont fait part de leurs expériences dans une étude de décembre 2024.
Dans un article du 23 mai 2025 pour le quotidien sud-africain Cape Argus, ils écrivent : « Ces femmes font face aux réalités socio-culturelles du veuvage en Afrique ; elles subissent une perte de capital économique et social et confrontent une série de pertes liées à leur identité, notamment leur état d’épouses militaires, la dissolution de leur vie militaire familiale, la perte de leur logement militaire et la rupture des connexions sociales. Ces diverses pertes, auxquelles s’ajoutent les circonstances du décès de l’époux, rendent leurs expériences uniquement difficiles. »
Pour les familles des soldats morts au combat, les Forces armées nigérianes (NAF) offrent une série de prestations, notamment les frais d’enterrement, une pension pendant 60 mois, une assurance et une éducation pour les enfants devenus orphelins.
Les chercheurs ont aussi étudié les expériences des veuves militaires d’autres forces armées africaines, notamment les Forces de défense du Kenya (KDF) et les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Beaucoup signalent qu’elles ont des difficultés pour obtenir leurs prestations et allocations lorsqu’elles affrontent les multiples systèmes bureaucratiques.
Dans une dispute en cours avec les FARDC, les veuves ont demandé les versements que l’armée a retenus à cause de la légalité des mariages des soldats décédés. Au Kenya, les veuves des soldats des KDF risquent de perdre leur pension en cas de remariage ou de cohabitation.
Lorsqu’il raconte comment les veuves des NAF rencontrent parfois des obstacles lorsqu’elles essaient d’obtenir les prestations et les allocations de leur époux décédé, le Dr Ajala déclare que l’amélioration du processus et son association à une culture de bienveillance pourraient améliorer le recrutement et la rétention du personnel.
Il écrit dans un article du 20 juillet pour le site web The Conversation Africa : « La négligence des familles des soldats morts au combat a des conséquences d’une grande portée. Elle conduit à des difficultés financières graves et des traumatismes émotionnels, ce qui pourrait provoquer une perte de confiance et de moral chez les soldats des services. »
Il offre plusieurs moyens de faire face aux problèmes rencontrés par les veuves militaires :
- Décentraliser l’administration : Dans de nombreux pays, les veuves et les orphelins doivent comparaître régulièrement au quartier général militaire. Cela signifie souvent d’entreprendre un voyage coûteux et difficile sur des centaines ou des milliers de kilomètres. La fourniture en temps opportun des prestations et des services serait bien améliorée en augmentant le nombre d’agents et en les déployant dans un plus grand nombre de lieux.
- Créer des unités de soutien : Les veuves nécessitent des informations proactivement livrées et facilement accessibles sur leurs prestations et des conseils personnels sur la façon de les obtenir. Le Dr Ajala écrit dans The Conversation : « Des améliorations peuvent être effectuées en établissant des bureaux ou des offices dédiés pour offrir des consignes exhaustives, un soutien et une réaction sur le processus de demande. Ceci répondrait au besoin particulier des veuves sur une base individuelle. »
- Améliorer le professionnalisme : Les forces armées devraient formaliser les consignes et les principes pour assurer que toutes les familles soient traitées impartialement et pour assurer que leurs affaires face à une grande bureaucratie soient conduites avec dignité. Elles devraient aussi établir des procédures pour gérer les plaintes et résoudre les questions en suspens.
La plupart des soldats disent qu’ils éprouvent un sentiment fort de fraternité et d’appartenance en servant leur pays. Les recherches du Dr Ajala montrent comment cette même intimité et cette connexion pourraient et devraient s’étendre au-delà du service dans les forces armées.
Les deux chercheurs exhortent les armées africaines à tourner leur attention vers la détresse des veuves et des orphelins de leurs soldats morts au combat. Les forces armées devraient considérer que la prise en charge des besoins des soldats et de leur famille du début à la fin aide à bâtir une culture de confiance, professionnalisme et service désintéressé qui peut être un multiplicateur de force dans la lutte contre l’insécurité sur le continent.
« Ces veuves non seulement font rappeler les risques de mort fondamentaux du service militaire, mais elles symbolisent aussi les sacrifices faits par les soldats qui ont perdu la vie pour leur pays, écrivent-ils. La prise en charge des veuves militaires transmet un message d’honneur, de gratitude et de solidarité nationale, en mettant l’accent sur l’importance des sacrifices des membres des services et de leur famille. »