La Chine a de longs antécédents pour essayer de gagner le pouvoir et l’influence en Afrique. Ses stratégies médiatiques cherchent à la présenter positivement aux yeux des pays et des personnes. Elle forme les forces armées et policières africaines à l’image de son propre modèle axé sur le parti. Ses centres d’éducation militaire professionnelle inculquent sa philosophie selon laquelle « le parti contrôle les armes ».
À mesure que ces efforts se poursuivent, la Chine œuvre pour renforcer son influence par le biais du pouvoir souple et subtil des groupes de réflexion, où les idées peuvent rejoindre les stratégies politiques, sécuritaires et économiques pour « façonner le discours mondial » en faveur de la Chine et « augmenter son influence », selon un article du 9 juillet 2025 par Samir Bhattacharya, chercheur associé à l’Observer Research Foundation.
Il écrit : « Malgré le discours d’apprentissage mutuel, la plupart de ces forums sont soigneusement orchestrés par l’appareil étatique chinois, en laissant peu de place pour des débats ouverts ou des évaluations critiques du modèle de développement de la Chine. Un tel échange asymétrique d’idées risque de contraindre le dialogue intellectuel authentique et de limiter l’ampleur de l’innovation politique. »
L’idée de l’utilisation de groupes de réflexion par la Chine pour influencer les pays africains n’est pas nouvelle. L’effort remonte au moins à octobre 2011, lorsque la Chine avait lancé le Forum des groupes de réflexion Chine-Afrique (CATTF), qui avait réuni des délégués de 27 pays africains, écrit Samir Bhattacharya. Le forum s’est réuni treize fois depuis. La plus récente réunion était en mai 2025 à Kunming (Chine), où plus de 100 délégués d’Afrique et de Chine ont convenu de coopérer en matière de gouvernance et de développement.
La Chine a aussi établi des dizaines d’instituts Confucius sur le continent, qui servent de centre de culture, de langue et d’influence chinoise. Mais ils ont été critiqués pour leur manque de transparence et leur potentiel d’être utilisés afin de diffuser la propagande chinoise.
Le CATTF fait partie du forum sur la coopération Chine-Afrique (FOCAC), qui s’est réuni pour la neuvième fois en septembre 2024 à Pékin. La Chine a accueilli à l’événement le Burkina Faso, la Guinée, le Mali, le Niger et le Soudan (pays gouvernés par des putschistes), ce qui « a provoqué un grand inconfort (toutefois silencieux) pour les participants africains, en particulier puisque [l’Union africaine] avait réaffirmé la suspension de ces juntes juste avant la conférence au sommet », a écrit Paul Nantulya, associé de recherche au Centre d’études stratégiques de l’Afrique, en octobre 2024.
L’influence du FOCAC ne devrait pas être sous-estimée. En 2021, Paul Nantulya a écrit que la réunion du FOCAC en 2018 avait accueilli 51 présidents africains. 27 seulement avaient participé à l’Assemblée générale des Nations unies deux semaines plus tard.
À première vue, il semblerait que des invitations aux discussions et aux séminaires des groupes de réflexion soient une façon louable de bâtir des liens, exprimer des idées et conclure des accords politiques. Mais, tout comme l’approche chinoise à la sécurité et la formation militaire, les résultats sont toujours axés sur le façonnement de la pensée africaine à l’image du Parti communiste chinois (PCC). C’était le cas lorsque la Chine a aidé à financer l’école de leadership Mwalimu Julius Nyerere à Kibaha (Tanzanie) pour former le personnel militaire africain, a dit Paul Nantulya à ADF en 2024.
« Ce que la Chine veut réaliser plus que tout est une fondation avec une base constituante constamment fiable et favorable », a-t-il dit. Cette base formerait une « fondation de groupes de soutien qu’elle pourrait exploiter et recruter selon les besoins pour réaliser les objectifs politiques qui sont déterminés par le PCC. »
Pendant la conférence au sommet de Pékin en 2024, le président chinois Xi Jinping a révélé les plans de partenariat de la Chine avec les pays africains. « En échange, la Chine s’attend à obtenir un soutien diplomatique aux Nations unies (ONU) et dans d’autres forums internationaux », écrit Samir Bhattacharya.
Un article d’août 2024 pour l’Institut sud-africain des affaires internationales (SAIIA) définit comment les pays africains peuvent protéger leurs intérêts tout en évitant d’être entraînés dans une rivalité géopolitique complexe.
Les pays africains pourraient s’appuyer sur des organismes régionaux tels que l’UA pour orienter les relations du continent avec les puissances internationales telles que la Chine. Ceci pourrait aider les pays à négocier des accords de développement dans des cadres tels que FOCAC. L’article déclare : « En présentant un front uni par le biais d’institutions telles que l’UA, les pays africains peuvent mieux exploiter leurs pouvoirs de négociation collective et assurer que les initiatives de développement soient alignées avec les intérêts panafricains. »
La diversification des partenariats internationaux évitera un assujettissement excessif à tout pays, affirme SAIIA. Les pays africains devraient aussi s’engager pour s’assurer d’obtenir des avantages tangibles.
Les nations africaines peuvent aussi avoir un effet de levier grâce à la croissance économique et au développement. En travaillant par le biais de la zone de libre-échange continentale africaine, dans le cadre du programme Agenda 2063 de l’UA visant à créer la plus vaste zone de libre-échange du monde, le continent peut accroître son influence.
Selon SAIIA, « pour les puissances mondiales, cela signifie le passage à des partenariats moins condescendants qui respectent et adressent les intérêts et les besoins de l’Afrique. Ceci doit faire plus que voir l’Afrique uniquement dans la perspective de la concurrence entre les grandes puissances, mais plutôt se focaliser sur la construction de partenariats mutuellement avantageux. »