Dans un continent regorgeant de conflits, le Kenya offre l’exemple d’une pacification efficace. Le pays a adopté une approche décentralisée, issue de ses propres antécédents difficiles de violence et focalisée sur la participation des communautés.
Cette approche a eu beaucoup de succès, à tel point que le gouvernement a institutionnalisé les comités de paix locaux (LPC) et aide toujours aujourd’hui à les maintenir. Les experts déclarent qu’ils offrent des leçons précieuses aux autres pays.
« Le Kenya a reçu des louanges pour être un modèle mondial en matière d’efforts de pacification afin de contrôler les explosions de violence dans le pays. Il a systématiquement mis en œuvre une architecture de pacification ancrée dans les antécédents des initiatives locales de paix », écrivent les chercheuses Leonor Oliveira Toscano, Jana Krause et Marika Miner de l’université d’Oslo dans un article du 16 juin pour le site web The Conversation Africa.
Au début des années 1990, des femmes du comté de Wajir au Nord-Est du Kenya en avaient assez des conflits violents généralisés. Pendant cette période, des milliers de personnes avaient été tuées, blessées, dépouillées de leurs biens et violées. La violence engendrait la violence et un cercle vicieux de conflit et de revanche était déclenché.
En 1995, les femmes ont créé le Comité de paix et de développement de Wajir et ont commencé à résoudre et démanteler les disputes, l’une après l’autre. Aujourd’hui au Kenya, l’héritage du comité est une démarche de paix axée sur la communauté qui a conduit directement à d’importants gains de développement dans le comté de Wajir. Des efforts similaires ont suivi dans le Nord-Est, au Nord de la province Orientale, sur la Côte et au Nord de la vallée du Rift dans les années 1990.
En 2010, les Kényans ont approuvé avec une majorité écrasante une nouvelle constitution visant à décentraliser le gouvernement en créant 47 gouvernements de comté. Crucialement, les comités de paix ont été intégrés dans l’architecture de pacification du pays.
Le Programme de développement des Nations unies a écrit dans un rapport de 2011 : « Le programme kényan élargi des comités de paix locaux a conduit à des accords de paix formellement négociés et des déclarations entre les tribus pastorales. Les LPC ont appliqué avec succès les caractéristiques du système de justice traditionnel local aux cas de conflits inter-ethniques et ont facilité l’engagement entre le gouvernement kényan et les communautés marginalisées. »
Les chercheuses de l’université d’Oslo, conduisant des enquêtes informelles auprès des petites communautés kényanes et analysant les données statistiques du projet ACLED (Armed Conflict Location and Event Data), déclarent que les comités de paix du Kenya ont démontré leur capacité d’adaptation et restent pertinents face aux doléances communautaires, en résolvant les litiges et partageant des informations avec les institutions gouvernementales appropriées.
L’une des plus importantes leçons pour les pays africains confrontant des insurrections violentes est la façon dont les comités de paix ont démontré qu’ils pouvaient être efficaces dans leur opposition à l’extrémisme et au terrorisme.
« La pacification locale peut bâtir la résilience sociale contre la violence communautaire récidiviste, écrivent les chercheuses. Les interventions de pacification ancrées dans les réalités locales sont également vitales pour contrer la violence des insurgés. »
Il existe aujourd’hui 99 comités de paix locaux, selon le Comité directeur national du Kenya sur la pacification et la gestion des conflits. Ils jouent de nombreux rôles, notamment les alertes précoces sur les conflits, la supervision des accords de paix, la destruction des armes, la documentation des processus de paix et le réseautage avec d’autres groupes du pays.
Les comités ont développé leurs capacités en introduisant une structure de réponse rapide et une cartographie et analyse des conflits.
« Le système qui a été construit a la capacité de connecter une vaste gamme d’acteurs de pacification, étatiques et non étatiques, formels et informels, à tous les niveaux de la société, écrivent les chercheuses. Ceci aide à résoudre les conflits et renforcer la résilience. »