Li Song se faisait passer pour une femme d’affaires légitime au Zimbabwe, mais cette description masquait une réalité sinistre. Les autorités déclarent que cette femme connue aujourd’hui comme la « reine de l’ivoire » ou la « reine du cyanure » dirigeait une bande de braconniers de faune sauvage qui capturait les éléphants africains et les expédiait en Chine.
L’an dernier, elle a été arrêtée et accusée de fraude, faux témoignage et transfert illégal d’argent étranger dans des comptes chinois. Mme Song, âgée de 53 ans, est accusée d’avoir importé 40 tonnes de cyanure de sodium et de chaux hydratée de la République de Maurice pour sa société, DGL9 Investments, afin d’éviter de payer des droits d’accise. Ceci est une violation des lois sur la santé et l’environnement et des protocoles de santé publique. Elle s’est vue accorder une mise en liberté sous caution mais elle a manqué de comparaître devant les tribunaux.
L’empoisonnement par cyanure est une menace particulière contre les éléphants dans le parc national Hwange, la plus grande réserve naturelle du Zimbabwe. Les braconniers mettent du cyanure dans les points d’eau utilisés par les animaux. La façon dont Mme Song avait l’intention d’employer le cyanure demeure incertaine. Les éléphants africains font face à un risque élevé d’extinction.

Nathan Webb de la Wildlife Conservation Coalition déclare à Oxpeckers, organisme qui enquête sur les questions environnementales en Afrique du Sud : « L’utilisation du poison dans le commerce illégal de la faune sauvage est toujours préoccupant : non seulement il offre une façon silencieuse et efficace de tuer les animaux, mais les répercussions dans l’écosystème sont importantes. Ce n’est pas quelque chose qui s’accompagnait auparavant d’une inculpation ou d’une amende. La plus forte dissuasion doit être les amendes, les sanctions et les pénalités que les gens reçoivent lorsqu’ils sont attrapés pour ces infractions. »
Elizabeth Valerio, écologiste basée à Hwange et chef du parti politique d’opposition United Zimbabwe Alliance, déclare à Oxpeckers que les braconniers emploient du cyanure depuis plus de dix ans.
« Certaines de ces activités étaient soutenues par de très hautes autorités », dit-elle.
Bien que les responsables zimbabwéens déclarent que Mme Song a été déportée l’an dernier parce qu’elle représentait une menace contre la sécurité nationale, sa localisation n’est pas connue publiquement. Des officiels du Zimbabwe sont accusés de protéger Mme Song à cause de ses liens étroits avec les autorités, les politiciens et les chefs d’entreprise. Elle a des propriétés à Shanghai, Harare et Ottawa (Canada), selon Kenya Insights.
En 2015, Mme Song a fondé la Sino-Zim Wildlife Foundation et a assumé le poste de président. Il s’agissait d’une joint-venture entre des conservationnistes chinois et l’autorité de gestion des parcs et de la faune sauvage du Zimbabwe.
Elle avait déclaré à l’époque, selon Kenya Insights : « La Sino-Zim Wildlife Foundation mobilisera des efforts avec la Chine pour soutenir la conservation au Zimbabwe. Nous allons travailler dur pour combattre résolument le braconnage et le transport et la vente des produits animaux illégaux. »
Toutefois, ses antécédents incluent des allégations de contrats corrompus et cruels concernant la faune sauvage. Un an après la création de Sino-Zim, le Zimbabwe a vendu 35 éléphanteaux à la Chine. Ceci a été qualifié d’abus de faune sauvage parce que les animaux avaient été séparés de leur mère dans leur milieu naturel.
En 2017, Humane Society International a obtenu une vidéo de 14 jeunes éléphants qui attendaient d’être transportés en Chine après avoir été attrapés dans le parc national Hwange, selon un reportage de Kenya Insights. La vidéo montrait les animaux battus et frappés, mis sous sédatif et amenés dans des enclos d’attente.
Ces actes ont attiré les critiques des autres pays africains, des organisations non gouvernementales et des experts sur les éléphants tels que le Dr Joyce Poole, qui a qualifié le traitement de « tragique et moralement répréhensible », selon Kenya Insights.
La Chine est devenue un acheteur principal des éléphants africains en 2012. Entre 2012 et 2019, le Zimbabwe a vendu 140 jeunes éléphants à la Chine. Au moins 20 d’entre eux sont morts pendant leur transport. Ils ont été vendus à un coût de 30.000 à 40.000 dollars chacun.
Pour les exporter, il fallait capturer de jeunes éléphants vivant dans les troupeaux sauvages du parc national Hwange. Des tireurs en hélicoptère les ciblaient avec des fléchettes tranquillisantes pour qu’ils puissent être capturés. Ils étaient transportés par camion vers les enclos d’une installation de détention et mis en quarantaine pendant quelques mois avant d’être transportés en Chine par avion, écrit le Dr Adam Cruise dans le Journal of African Elephants. Le Dr Cruise enseigne l’éthique des animaux et de l’environnement à l’université Stellenbosch d’Afrique du Sud.
La biologiste des éléphants Audrey Delsink, directrice de la faune sauvage chez Humane Society International Africa, a déclaré à The Independent en 2019 : « Condamner ces éléphants à une vie de captivité … est une tragédie. Nous travaillons avec d’autres depuis des mois pour essayer de stopper l’expédition de ces éléphants, parce qu’une vie de privation monotone est tout ce qui les attend en Chine. »
À cause de la demande chinoise élevée pour les produits de faune sauvage utilisés dans la médecine traditionnelle chinoise, d’autres espèces, notamment les pangolins, les lions, les antilopes noires, les babouins, les hyènes et les rhinocéros, sont aussi exportées entre le Zimbabwe et la Chine. En novembre 2024, deux ressortissants chinois nommés Lin Wang et Fuxi Wang ont été arrêtés lorsqu’ils ont essayé de passer en contrebande des cornes de rhinocéros d’une valeur de 360.000 dollars hors du Zimbabwe.