Dans un clip de propagande intitulé « La génération habilitée », les terroristes de la Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique montrent des images d’un camp d’entraînement dans le Nord-Est du Nigeria. La vidéo inclut des scènes aériennes filmées avec des drones quadrimoteurs commerciaux.
Les systèmes aériens sans humain à bord (UAS) appelés également drones sont devenus des outils indispensables pour les troupes gouvernementales et les groupes terroristes d’Afrique, à cause de leur coût abordable, leur facilité d’opération et la polyvalence de leurs charges utiles.
Bien que les groupes terroristes utilisent de plus en plus les drones comme des armes dans des attaques du type kamikaze contre les cibles ennemies, ils sont aussi utilisés pour créer des vidéos de propagande aux fins de recrutement.
Plutôt que de bombarder les cibles en piqué, certains drones sont en vol stationnaire au-dessus du champ de bataille en capturant des clips qui sont édités pour produire des vidéos gominées qui sont distribuées sur les réseaux sociaux. De cette façon, les drones égalisent à nouveau le champ de bataille pour les terroristes, cette fois en créant chez les recrues potentielles l’image d’un groupe terroriste puissant et influent, par exemple la PAOEI, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans ou les Chebabs.
L’analyste Karen Allen a écrit récemment pour l’Institut d’études de sécurité basé en Afrique du Sud : « La simple affirmation de l’emploi des UAS envoie un message psychologique important. Les outils de communication et l’imagerie visuelle ont une valeur symbolique majeure. »
Le nouveau style de propagande terroriste est axé vers l’action, notamment des clips de drone montrant en profondeur les forces terroristes à l’attaque. Il omet aussi les sermons interminables qui étaient au cœur des vidéos terroristes de la génération précédente.
L’État islamique (appelé généralement Daech) a adopté rapidement la technologie des drones à des fins de propagande. Depuis sa création en Syrie et en Irak il y a dix ans, le groupe terroriste est devenu célèbre pour sa capacité de création des vidéos de propagande. Ces aptitudes se sont propagées en Afrique à mesure que le groupe essaie de prendre pied sur le continent.
« L’emploi des drones par Daech est différent de l’emploi par d’autres états ou acteurs non étatiques, principalement à cause de sa valeur communicative et symbolique », écrivent les chercheurs Emil Archambault et Yannick Veilleux-Lepage dans un article de 2020 publié par le journal International Affairs.
L’utilisation des drones par Daech pour filmer les attaques par voiture piégée entre 2016 et 2018 lui ont donné un avantage stratégique par rapport aux autres groupes, en démontrant sa supériorité aérienne. Jusqu’alors, ce pouvoir appartenait exclusivement aux forces gouvernementales.
La propagation des images qui démontrent le contrôle par Daech de son espace aérien et, par extension, du territoire situé au-dessous, a fait plus pour promouvoir le groupe aux yeux des recrues potentielles que l’emploi militaire des drones, selon les deux chercheurs.
L’emploi des drones à des fins de propagande est une extension des tactiques initiales des terroristes qui les utilisaient à des fins de renseignement, reconnaissance et surveillance. Les caméras embarquées qui guident les drones militarisés vers leurs cibles jouent aussi le rôle de véhicules de propagande lorsqu’elles filment les attaques.
« Les vidéos de propagande diffusées par les drones servent non seulement d’outils de recrutement, mais elles démontrent aussi les exploits technologiques, ce qui améliorent la légitimité et la puissance perçues des groupes », écrit Francis Okpaleke en 2024 pour le Global Network on Extremism and Technology.
Au cours des dernières années, les groupes terroristes africains ont amplifié l’expérience de Daech au Moyen-Orient en utilisant des drones économiques pour promouvoir leur propre propagande.
Une vidéo du Front de libération de l’Azawad malien récemment affichée sur les réseaux sociaux montre un combattant employant un drone à décollage vertical pour démontrer sa fonctionnalité dans la lutte contre le gouvernement malien.
Les outils tels que les drones commerciaux, combinés aux logiciels d’édition, à l’intelligence artificielle et aux comptes gratuits de réseaux sociaux tels que TikTok, rendent presque impossible la suppression de la propagande terroriste, déclarent les experts.
Saddiku Muhammad, ex-combattant djihadiste nigérian, déclare à l’Agence France-Presse : « Les djihadistes ont réalisé que, pour gagner l’esprit des jeunes, ils doivent leur parler dans la langue qu’ils comprennent, au lieu d’employer les styles dialectiques et démagogiques traditionnels qui sont ennuyeux et peu attrayants. Tout indique que c’est un succès. »