Les adeptes du galamsey, épidémie ghanéenne de l’extraction minière illégale à petite échelle, utilisaient jadis des pioches et des pelles pour chercher l’or et les autres minerais de la terre, mais l’industrie évolue et devient plus violente.
Selon le journal ghanéen The Daily Graphic, certains mineurs illégaux sont aujourd’hui alliés à des réseaux criminels transnationaux qui les aident à obtenir des armes de qualité militaire, telles que des fusils AK-47 et des drones, ainsi que des excavatrices, du matériel industriel et des systèmes de communication cryptés.
Beaucoup de mineurs illégaux sont aujourd’hui basés dans des camps fortifiés, équipés de tranchées, de tours de garde et de patrouilles armées, ce qui transforme le galamsey en vocation plus meurtrière. Entre 2020 et 2023, des affrontements avec les groupes armés de galamsey ont fait plus de 50 morts parmi le personnel de sécurité et 120 civils tués, selon Human Rights Watch.
En 2022, les forces de sécurité ont confisqué environ 1.500 armes à feu illégales, notamment des mitraillettes et des grenades, dans des sites galamsey des régions Ashanti et Ouest, selon le reportage du Daily Graphic. Ce fléau suscite des protestations fréquentes.
Lorsque le président ghanéen John Mahama briguait la présidence l’an dernier, il a dit qu’il ne pensait pas qu’il pourrait résoudre rapidement cette question complexe qui menace la sécurité nationale et la durabilité écologique.
Dans un rapport publié sur le site web du ministère ghanéen des Territoires et des Ressources naturelles, M. Mahama déclare que « cette lutte est très complexe ». À cause du manque d’opportunités économiques, un grand nombre de jeunes Ghanéens non qualifiés s’engagent dans l’extraction galamsey à petite ou moyenne échelle comme moyen facile de gagner de l’argent sans égard pour les effets à long terme sur l’économie et l’environnement du pays.
Tirer pour tuer
Janet Nablah, présidente nationale du Parti national du peuple du Ghana, est parmi ceux qui soutiennent une politique de « tirer pour tuer », en affirmant que les mineurs illégaux sont des assassins qui doivent être éliminés. « Les mineurs illégaux sont téméraires et pratiquent le galamsey de façon sans précédent », a-t-elle dit sur la station ghanéenne Rainbow Radio 87,5 FM.
Selon le Daily Graphic, le système judiciaire du Ghana offre une justification solide pour la politique de tirer pour tuer comme mesure de dernier recours afin de combattre le galamsey. Les Principes de base des Nations unies sur l’emploi de la force déclarent que la force létale est admissible lorsqu’elle est « strictement inévitable pour protéger la vie ».
Il existe aussi des précédents africains pour l’emploi d’un tel modèle. En 2016, le Kenya a mis en œuvre un ordre de tirer pour tuer contre les braconniers d’ivoire qui a réduit le nombre de décès d’éléphants de 80 %, selon le reportage du Daily Graphic.
L’effondrement possible de l’écosystème
Le galamsey annihile les écosystèmes qui soutiennent la biodiversité et les moyens de subsistance du Ghana. L’utilisation du mercure et des métaux lourds a contaminé plus de 60 % des sources d’eau du pays, selon la Commission des ressources d’eau du Ghana. L’organisme caritatif WaterAid qualifie les effets du galamsey sur l’environnement du Ghana d’« écocide ».
Les eaux du Pra, dont dépendent près de 5 millions de personnes, sont aujourd’hui 30 fois plus troubles que ce que prescrivent les normes de l’Organisation mondiale de la santé, à cause de la boue produite par le galamsey. Les stocks de poissons du lac Botumswi ont chuté de 70 % selon le reportage du Daily Graphic, ce qui menace la sécurité alimentaire. Le cyanure et autres produits chimiques toxiques utilisés pour le galamsey ont transformé l’Ankobra et l’Ofin en zones fluviales dangereuses, en privant environ 4 millions de Ghanéens d’eau potable sûre.
L’étendue des forêts, qui couvraient jadis 8,2 millions d’hectares, a été réduite à 5,8 millions d’hectares ; le galamsey est responsable pour près de 60 % de cette réduction. Le fléau a aussi détruit des communautés agricoles, en intensifiant l’insécurité alimentaire dans les districts tels que l’Amansie Ouest où les récoltes de manioc ont chuté de 40 % en 2022, selon le Daily Graphic. Si cette tendance continue, le galamsey rendra l’écosystème et la production agricole du Ghana irrécupérables à partir de 2030.
L’administration du président Mahama a adopté plusieurs mesures pour affronter la menace. Elle a interdit le Projet d’extraction minière des communautés, qui avait été mis en œuvre en 2023 pour régulariser l’extraction illégale dans des communautés sélectionnées du pays et pour détourner les jeunes de l’extraction illégale afin de les engager dans l’extraction correctement contrôlée. Les critiques déclaraient que cette initiative avait échoué.
M. Mahama a averti les responsables gouvernementaux de ne s’engager dans aucun aspect de l’industrie minière et son administration a créé un comité technique pour examiner les concessions minières problématiques. En date de la fin mars, 55 concessions de ce type avaient été révoquées. Le gouvernement a aussi lancé les initiatives Tree for Life et Blue Water pour restaurer les forêts et protéger les plans d’eau.
Le chercheur écologique John-Baptist Naah écrit pour Modern Ghana : « Bien que ces mesures soient dignes d’éloges, il faut faire plus encore. La déclaration d’un état d’urgence et le maintien de la volonté politique seront cruciaux pour gagner ce combat. »