Frikkie, la femelle rhinocéros victime du braconnage et tuée il y a plusieurs années, a une nouvelle raison d’être aujourd’hui à l’académie forensique de la faune sauvage d’Afrique du Sud.
Dans un grand hangar aéré à l’intérieur de la réserve naturelle privée de Buffelsfontein, à une heure de distance du Cap, Frikkie est l’un de plusieurs animaux préservés par taxidermie, peints avec du faux sang et placés dans des lieux de crime fictifs parmi les plantes et les arbres.
Les étudiants portant une combinaison Hazmat et des gants bleus en latex cherchent le terrain pour déceler des indices alors que les formateurs leur montrent comment trouver, documenter et sécuriser les preuves avant de les analyser chimiquement dans un laboratoire du site.
Phil Snijman, directeur de l’enseignement à l’académie et ex-procureur de l’État, a placé dans la scène fictive élaborée des indices tels que des douilles de balle, des gouttes de sang sur un arbuste voisin, des fibres de coton accrochées à un arbre épineux et plusieurs séries d’empreintes conduisant les étudiants à la maison d’un braconnier dans un coin du hangar.
Il déclare à l’Agence France-Presse : « Les premiers qui arrivent sur les lieux du crime sont absolument cruciaux. Ce sont ceux qui sécuriseront les lieux. Dans l’absence d’une formation nécessaire … on pourrait perdre une grande quantité de preuves disponibles. »
Andro Vos, fondateur de l’académie et expert de la science forensique et la justice pénale, déclare que les braconniers sud-africains sont condamnés seulement à un taux de 5 %, à cause du manque de preuves forensiques.
Il déclare au quotidien britannique The Guardian : « Les crimes de faune sauvage ont tendance à être commis dans des lieux éloignés, et ils ne sont pas accompagnés de témoignages. Donc les preuves forensiques sont souvent tout ce que l’on a pour inculper. »
En 2010 lorsque M. Vos rencontra Greg Simpson, vétérinaire de la région sud-africaine du grand parc national Kruger, ils eurent l’idée de créer une école pour la science forensique de la vie sauvage. Depuis son ouverture en 2022, l’académie a formé plus de 500 gardes forestiers, policiers et étudiants pour combattre les crimes contre la faune sauvage à l’aide des techniques de la science forensique.
« Les gens nécessitent une expérience, déclare M. Vos. Comment allez-vous inspirer les gens si vous restez assis dans une salle de classe avec un tableau ? C’est la raison pour laquelle nous avons toutes ces scènes réalistes. Toute la science forensique est axée sur l’attention aux détails. »
L’Afrique du Sud, qui héberge une grande population de rhinocéros, possède aussi le plus grand nombre de cas mondiaux de braconnage de rhinocéros, avec plus de 10.000 tués depuis 2007, selon l’International Rhino Foundation. Les cornes de l’animal sont appréciées par les adeptes de la médecine traditionnelle chinoise, malgré des preuves scientifiques démontrant qu’elles n’ont aucune valeur clinique. Les experts estiment que des cornes de rhinocéros d’une valeur de plus de 20 milliards de dollars sont passées en contrebande sur le marché noir chaque année. C’est l’une des nombreuses marchandises illégales liées à la faune sauvage qui proviennent principalement d’Afrique.
Claire Gwinnett, professeure de science forensique et environnementale à l’université du Staffordshire (Angleterre), travaille avec l’académie et aide à promouvoir l’impact potentiel de sa spécialité sur les crimes de faune sauvage.
Elle a déclaré dans un article d’actualité du Staffordshire publié en janvier : « Bien que la science forensique se soit révélée très efficace pour résoudre les crimes contre les êtres humains, son potentiel pour la criminalité de la faune sauvage reste sous-utilisé. Les innovations dans la technologie de l’ADN, par exemple, permet aux enquêteurs de créer des profils, même à partir d’une seule cellule ; toutefois, ces techniques sont rarement appliquées dans les affaires liées aux animaux. »
L’académie offre des classes d’une à quatre semaines qui se concentrent sur les enquêtes forensiques, notamment le traitement des scènes de crime, l’analyse des éléments de preuve, la fouille des biens et des véhicules pour découvrir des preuves de braconnage, la détermination de la cause et des circonstances de la mort et le respect des procédures juridiques.
Le point culminant des programmes se produit devant un tribunal fictif où les étudiants présentent leurs découvertes et sont sujets à un contre-interrogatoire. En 2023, seulement 36 affaires ont donné lieu à des condamnations dans les tribunaux d’Afrique du Sud, selon les statistiques gouvernementales.
La professeure Gwinnett déclare que l’approche exhaustive de l’académie vise à améliorer le taux de succès des poursuites et dissuader les crimes futurs.
« En développant un réseau de professionnels formés, l’académie espère créer un front uni contre le braconnage et le trafic de la faune sauvage, dit-elle. À mesure que l’ampleur de ces efforts augmente, nous espérons qu’un nombre plus grand d’animaux échapperont à la chasse illégale et au trafic, pour assurer un avenir où la faune sauvage pourra prospérer à l’abri de l’exploitation. »