La Nigériane Amina J. Mohammed est sous-secrétaire générale des Nations unies et présidente du groupe onusien de développement durable. Elle s’est exprimée le 22 avril 2024 devant la réunion de haut niveau sur le contre-terrorisme africain à Abuja (Nigeria). Son thème était « le renforcement de la coopération régionale et de la construction des institutions pour affronter la menace en évolution du terrorisme en Afrique ». Ses commentaires ont été modifiés pour des raisons de longueur et de clarté.
Le terrorisme continue à représenter une menace grave contre la paix, la stabilité et le développement durable dans le monde.
Les décès mondiaux dus au terrorisme ont passé à 8.352 en 2023, soit une hausse de 22 % comparé à l’année précédente et le plus haut niveau depuis 2017. L’épicentre du terrorisme s’est déplacé du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord à l’Afrique subsaharienne, et se concentre dans une grande mesure au Sahel.
La situation en Afrique est extrême, et certains des groupes terroristes les plus violents sont actifs au Sahel. La région représente aujourd’hui près de la moitié des décès mondiaux dus au terrorisme.
On peut dire que les terroristes ne le sont pas de naissance ; ils sont créés dans des environnements d’exclusion sociale, d’inégalité et de refus des droits de l’homme.
Permettez-moi de partager quelques réflexions sur la façon dont nous pouvons renforcer notre riposte au terrorisme :
Premièrement, nous devons affronter les causes fondamentales qui conduisent au terrorisme en premier lieu : l’absence de développement en plaçant les gens au cœur de l’élaboration des politiques. Les terroristes sont bien accueillis par les gens profondément déçus, exclus et désespérés. Les crises entre cultivateurs et éleveurs en sont un symptôme tragique. Nous devons formuler des réponses qui adressent ces conditions.
Ce faisant, nous devons faire attention aux femmes et aux jeunes filles, qui sont les plus impactées par l’insécurité ; aux victimes du terrorisme qui méritent notre solidarité et qui ont le droit d’obtenir des recours et des réparations ; et aux jeunes et aux générations futures. Puisque les jeunes deviennent le plus important groupe démographique mondial, nous devons investir dans leurs capacités et leurs aspirations.
Deuxièmement, nous devons œuvrer pour reconstruire le contrat social dans la région. Le contrat social, le lien entre les personnes et les autorités qui les gouvernent, a été effiloché par des décennies de sous-investissement, de crise et de corruption.
La reconstruction de notre contrat social est essentielle pour récupérer. Cela signifie l’élaboration d’institutions démocratiques plus robustes et la promotion de la gouvernance axée sur les personnes, le tout ancré dans les droits de l’homme, et l’accès garanti aux services de base et au développement inclusif de tous.
Nous devons accroître la mise en commun de l’information et la collaboration entre les gouvernements et les acteurs de la sécurité à travers nos frontières. Ils servent mieux tous les citoyens lorsqu’ils combinent leurs ressources. Il est vital et crucial de reconstruire nos défenses contre le terrorisme.
Les douleurs et les souffrances subies par les victimes pendant et après les carnages sont des questions souvent ignorées. Il est essentiel de fournir un soutien de santé mentale et psychologique aux victimes et aux survivants pour guérir et surmonter les traumatismes, les douleurs et les souffrances.
Je me souviens du récit poignant d’une femme qui s’enfuyait tragiquement avec son bébé lors d’une attaque de Boko Haram. Dans son désespoir, elle choisit ce qu’aucune femme ne devrait jamais avoir à choisir. Elle jeta son bébé dans le fleuve, en espérant contre toute espérance que quelqu’un, quelque part, offrirait le refuge et la sécurité à son enfant innocent. Ces cicatrices ne sont pas du type qui peut guérir facilement.
En conséquence, dans nos efforts pour assurer un soutien de santé mentale, nous devons faire participer notre communauté et les chefs religieux et traditionnels qui jouent un rôle vital dans la création des espaces sécurisés et l’encouragement au rétablissement.
Ensemble, nous pouvons construire un avenir plus sûr et sécurisé pour tous les Africains et pour le monde.