Alors que les forces armées s’efforcent d’améliorer la sécurité en Afrique, un point faible persiste : les frontières. Souvent poreuses, mal délimitées et négligées par les états, elles offrent un refuge pour le crime et le terrorisme.
Pendant la conférence au sommet des Forces terrestres africaines (ALFS) à Accra (Ghana) en avril, les commandants de l’ensemble du continent ont fait appel à une meilleure coopération et des approches innovantes pour sécuriser les frontières communes.
Le général de brigade K.T. Sesay, chef d’état-major de l’Armée de terre de Sierra Leone, a déclaré à ADF : « La plupart des pays font face au même problème : la porosité de nos frontières. C’est très difficile, et nous avons des territoires où il n’existe pas de frontière bien définie. C’est donc une invitation aux incursions et vous devez collaborer avec les pays voisins pour assurer que vos frontières restent sécurisées. »
Trop souvent, ont déclaré les participants, les frontières sont des lieux sans état où les groupes militants comblent les vides. Parfois, ces groupes fournissent des services et recrutent de nouveaux combattants. Ils utilisent aussi les zones frontalières comme bases à partir desquelles ils lancent des attaques. En Afrique du Nord et en Afrique de l’Ouest, 23 % de tous les événements violents se produisent à moins de 20 kilomètres d’une frontière.
Le major général Emmanuel Kotia, coordinateur national de la Commission des frontières du Ghana, a déclaré aux participants de l’ALFS : « Les groupes armés sont florissants dans les espaces non gouvernés. Dans un espace non gouverné, les doléances locales de nature ethnique ou économique entrecroisent une faible présence de l’état. Ceci est très dangereux pour la sécurité des états nations. »
Solutionner la faiblesse des frontières commence par une délimitation appropriée. Une enquête de l’Union africaine conduite en 2015 a découvert que seulement 29.000 km de frontière nationale étaient délimités en Afrique. Ceci représente 35 % de la longueur totale des frontières du continent.
Il y a plusieurs années, le Ghana entreprit le processus laborieux visant à réaffirmer ses frontières terrestres avec les pays voisins. Ceci a nécessité la consultation des cartes de l’époque coloniale, le remplacement des poteaux frontaliers endommagés ou déplacés, et le lancement des programmes d’action directe et de sensibilisation auprès des communautés de chaque côté de la frontière.
« Les communautés locales le long de ces frontières ne reconnaissent pas la frontière terrestre, déclare le général. Vous traversez le territoire et vous réalisez que les Togolais ont construit au Ghana et que les cultivateurs ghanéens ont construit leur ferme au Togo. Ce n’est pas leur faute ; c’est parce qu’ils ne peuvent pas identifier la frontière. »
Les pays investissent aussi dans la technologie. Le général Kotia a exhorté les participants à l’ALFS à faire des progrès concernant l’emploi des cartes d’identité biométriques, les passeports électroniques et la surveillance grâce aux drones et aux satellites. Un ensemble de systèmes appelé technologie de la « frontière intelligente » peut aider à capturer les données des personnes et des véhicules qui franchissent les frontières et les partager instantanément avec plusieurs agences gouvernementales.
Les experts ont demandé le renforcement des mécanismes qui permettent le partage des renseignements et des leçons apprises parmi les professionnels de la sécurité. Ils peuvent inclure des patrouilles conjointes, des postes frontières conjoints et des équipes d’interdiction mobiles.
Certains participants déclarent qu’ils s’appuient sur la collaboration transfrontalière traditionnelle avec une technologie de bas niveau. Le colonel Roland T. Bai Murphy des Forces armées du Liberia (AFL), commandant de la 23ème brigade d’infanterie, déclare que son pays suit une approche double : il a bâti des partenariats avec ses voisins de la Côte d’Ivoire, la Guinée et la Sierra Leone pour mettre en commun les renseignements et synchroniser les opérations le long de la frontière ; et il a aussi œuvré avec les communautés frontalières dont les réseaux de famille chevauchent les deux pays. Ces réseaux ont aidé les AFL à développer un type de système d’alerte précoce pour avertir les autorités des menaces potentielles.
Le colonel Murphy déclare à ADF : « Plus de 80 % de nos frontières sont situées dans des forêts denses, ce qui rend difficile la surveillance. Même avec un équipement de surveillance comme des drones, vous ne pouvez pas pénétrer la canopée forestière. Nous avons donc tendance à compter sur les renseignements d’origine humaine. »
Le Dr Wafula Okumu, directeur exécutif du Borders Institute basé à Nairobi, déclare que ce type de stratégie de gestion des frontières axée sur les personnes est vital. Il dit que le contrôle efficace des frontières commence avec des « conservations créatives » dans lesquelles les autorités conversent dans les villages avec des groupes de la population des frontières pour écouter comment ils gèrent la question des frontières et comment l’état pourrait aider.
Le Dr Okumu a déclaré à l’ALFS : « Vous devez découvrir comment intégrer les idées locales avec les vôtres. C’est une démarche gagnante-gagnante. Vous découvrez que vous pourrez avoir les meilleurs alliés en terme de gestion des frontières parce que les résidents locaux sont informés, ils connaissent le terrain, ils connaissent les routes qui sont utilisées, ils connaissent le système. »