Le Burkina Faso qui fait face à des attaques terroristes continuelles est gouverné par une junte militaire qui a essayé de réduire au silence les citoyens et les journalistes lorsqu’ils signalent ou critiquent ses actes.
Le ministre de la Sécurité Mahamadou Sana a récemment lancé un avertissement sur Facebook contre les citoyens qui aiment ou partagent les contenus considérés par la junte comme une incitation au terrorisme.
Il a basé l’avertissement sur ce qu’il a décrit comme « un contenu malveillant sous forme d’articles, de photos ou de vidéos incitant au terrorisme et transmettant de faux reportages » sur les réseaux sociaux.
Les groupes terroristes affichent fréquemment des vidéos ou des rapports de leur attaques contre les forces gouvernementales sur les réseaux sociaux. Ces articles contredisent souvent les rapports officiels du gouvernement concernant les mêmes événements.
« Le contenu compromettant fait l’objet d’enquêtes dans le but d’identifier et d’arrêter les auteurs qui seront sujets aux rigueurs de la loi », déclare M. Sana.
Les lois du Burkina Faso rendent passibles d’un à cinq ans de prison ceux qui encouragent le terrorisme et propagent ce que le gouvernement appelle « les infox ». Alors que les chefs de la junte déclarent qu’ils prennent pour cible le terrorisme, les critiques disent que le gouvernement utilise ces lois pour réprimer les dissidents.
« Placer les journalistes et les activistes exilés sur une liste terroriste est une tentative flagrante visant à les intimider et pourrait avoir un effet paralysant sur leur travail », écrit Ilaria Allegrozzi, chercheuse principale sur le Sahel pour Human Rights Watch.
La répression sur les réseaux sociaux fait partie d’une campagne de trois ans contre les médias indépendants alors même que la junte cherche à réprimer les dissidents et contrôler les récits concernant ses difficultés pour freiner les extrémistes qui dominent de vastes sections du pays.
Peu après sa prise de pouvoir en 2022, la junte dirigée par le capitaine Ibrahim Traoré a commencé à bloquer la diffusion des nouvelles en français, forçant ainsi les journalistes étrangers à partir du pays et bloquant l’accès aux sites web médiatiques externes.
Par exemple, TV5Monde a été bloquée en 2024 après son reportage sur le rapport de Human Rights Watch selon lequel l’armée du Burkina Faso avait exécuté au moins 223 civils, y compris au moins 56 enfants, dans deux villages au Nord du pays. Plus d’une douzaine de chaînes d’actualité étrangères ont été suspendues ou bloquées pour leur reportage sur ce massacre présumé.
À la fin mars, la junte militaire au pouvoir au Burkina Faso a arrêté les chefs de l’association de journalistes du pays, ainsi qu’un reporter de télévision proéminent.
Les familles et les collègues de Guézouma Sanogo, Boukari Ouoba et Luc Pagbelguem ne connaissaient pas du tout leurs cordonnées après leur arrestation du 24 mars. Ces arrestations se sont produites après une conférence de presse dans les forums en ligne tels que les réseaux sociaux. À la même réunion, M. Sanogo a demandé à la junte de libérer quatre autres journalistes qui avaient été enlevés et enrôlés en 2024.
Le 2 avril, le gouvernement a produit une vidéo montrant ces hommes en tenue de camouflage avec la tête rasée. La junte avait précédemment enrôlé de force des juges et des avocats qui avaient critiqué le gouvernement.
Sadibou Marong, directeur du bureau Afrique subsaharienne de l’agence non gouvernementale Reporters sans frontières (RSF), a dénoncé l’arrestation et l’enrôlement des journalistes par la junte burkinabé.
Il déclare : « C’est clairement un message conçu pour intimider l’ensemble de la profession et encourager l’auto-censure. Forcer les journalistes à transmettre la propagande de l’état sous la contrainte est une infraction inacceptable à la liberté de la presse, ce qui révèle un régime incapable de tolérer les critiques. »
Le Burkina Faso est tourmenté par les attaques des groupes extrémistes liés à Al-Qaïda et à l’État islamique depuis 2015. Les coups d’État militaire de 2022 ont renversé le gouvernement élu en affirmant que seule l’armée pouvait faire un meilleur travail pour stopper les attaques terroristes.
Depuis lors, la violence s’est considérablement intensifiée, en faisant du Burkina Faso le premier pays du terrorisme dans le monde, selon le Global Terrorism Index.
L’analyste Pierre Wendpuire de Ouagadougou a récemment écrit pour The Continent : « Les doutes sur l’efficacité du régime militaire s’intensifient. Le président Traoré préférerait ne pas entendre les critiques de ses politiques de sécurité. »
La répression par la junte des journalistes et citoyens sur les réseaux sociaux s’est traduite par l’inondation de l’espace médiatique du Burkina Faso par la propagande pro-gouvernementale, selon les critiques.
Un journaliste burkinabé exilé déclare à Human Rights Watch : « La descente incessante du Burkina Faso vers la violence à grande échelle n’obtient pas les investigations et les couvertures médiatiques qu’elle mérite dans le pays parce que les chaînes médiatiques indépendantes ont été réduites au silence. »