En 2022, les forces de sécurité somaliennes ont reconquis la localité d’Aadan Yabaal, centre logistique de l’armée gouvernementale, saisie des mains du groupe terroriste des Chebabs.
Toutefois, les Chebabs ont à leur tour repris la ville le 16 avril 2025. Elle est située à environ 220 km au Nord de la capitale de Mogadiscio et relie l’État de Hirshabelle à l’État voisin de Galmudug. L’attaque survenue au petit matin a forcé les soldats gouvernementaux à battre en retraite.
Fatuma Nur, mère de quatre enfants, a déclaré à Reuters : « Après les prières du début de la matinée, nous avons entendu une explosion assourdissante, puis une fusillade. Les Chebabs nous ont attaqué de deux directions. »
La perte d’Aadan Yabaal souligne les difficultés auxquelles le gouvernement somalien est sujet pour stabiliser les communes qu’il a reconquis. Ceci a conduit à une « mosaïque instable de territoires contrôlés par le gouvernement », selon Ronnie Bradford, analyste chez Gist Research. Cette dernière est une société de conseil qui se concentre sur les conflits, la gouvernance et les questions liées aux processus de paix.
« Bien que les limitations dues aux ressources soient toujours une considération et continuent à être importantes, le manque de coordination entre les autorités militaires et civiles avant et après les opérations est peut-être un facteur limitatif plus important pour les efforts de stabilisation en Somalie et pour contrer les Chebabs au niveau stratégique », écrit le colonel Bradford (à la retraite) de l’armée britannique pour le Centre d’études stratégiques de l’Afrique.
Les forces de sécurité dans l’État somalien du Sud-Ouest ont enregistré des gains importants mais les Chebabs contrôlent directement ou indirectement la majeure partie de l’État. Le groupe terroriste a une influence particulièrement grande dans les zones rurales et le long des routes qui relient Mogadiscio. L’échec de stabilisation des communautés reconquises ralentit les progrès militaires contre les Chebabs et nuit à la fourniture des services, au commerce, aux investissements, à la création d’emplois et au retour des déplacés internes, selon le colonel Bradford.
La coordination des efforts de stabilisation dans l’État est complexe. Un éventail de forces locales de sécurité y sont actives, notamment des brigades de l’Armée nationale somalienne, des unités de la Police nationale somalienne, les forces de l’Agence nationale des renseignements et de la sécurité, et la Force spéciale de police de l’État. La mission de soutien et de stabilisation de l’Union africaine en Somalie (AUSSOM) et les Forces de défense nationale éthiopiennes y sont aussi déployées.
En outre, la stratégie de stabilisation de la Somalie fait l’objet d’un cortège de politiques nationales et d’état qui impliquent de nombreux ministères et agences. Selon le colonel, il existe une compréhension limitée des rôles et responsabilités par les acteurs militaires et civils, et les réunions sur la coordination de la stabilisation sont rares.
« Même si les équipes au niveau opérationnel se réunissaient chaque semaine, il est probable qu’elles auraient peu d’autorité ou de capacité pour partager les informations ou prendre des décisions. »
Étant donné qu’il n’existe pas de structure pangouvernementale exhaustive liant les politiques à des objectifs réalisables et aux ressources disponibles, peu de parties prenantes savent ce qui pourrait être possible pour promouvoir les opérations de stabilisation. Le colonel Bradford offre plusieurs recommandations pour améliorer les processus de stabilisation en Somalie, y compris :
* Promouvoir une doctrine qui identifie toutes les tâches militaires de la stabilisation.
* Développer la confiance et la compréhension parmi tous les acteurs de la stabilisation.
* Accroître la fréquence trimestrielle des réunions de coordination de stabilisation d’état pour qu’elle devienne mensuelle.
* Développer des plans de stabilisation pangouvernementaux exhaustifs.
Il note aussi le besoin d’augmenter la vitesse et l’adaptabilité des acteurs civils dans les efforts de stabilisation, notamment pour identifier le personnel et les ressources nécessaires en vue d’établir un gouvernement qui fonctionne bien et qui peut fournir les services de base.
Alors que les autorités somaliennes élaborent des méthodes pour stabiliser les zones qu’elles contrôlent, les Chebabs conduisent depuis janvier une offensive dans le Nord-Est de Mogadiscio et en Somalie centrale.
Le jour même où les Chebabs ont reconquis Aadan Yabaal, ils ont aussi saisi le village d’Aboorey après deux semaines de combat farouche. Les sources locales déclarent que les forces du gouvernement n’avaient pas de soutien aérien adéquat. Le site web d’actualité somalien Garowe Online signale que les deux côtés ont subi des pertes lourdes ; les Chebabs affirment avoir tué plusieurs membres de la milice Ma’awisley et saisi des véhicules militaires.
Un analyste de la sécurité régionale déclare au site web d’actualité somalien Caasimada Online : « Aboorey est vital pour les mouvements des Chebabs entre Hiiraan, Shabeellaha Dhexe et Galmudug. Sa perte crée de sérieux défis logistiques pour les forces somaliennes. »
Les attaques à Aboorey et Aadan Yabaal se sont produites alors que l’AUSSOM prend peu à peu la relève de l’ATMIS (la mission de transition de l’Union africaine en Somalie qui a pris fin) et que des questions se posent sur son financement et le nombre de ses soldats.
Un diplomate de haut rang à Mogadiscio a déclaré sur Caasimada Online : « Le gouvernement somalien et ses alliés doivent de toute urgence recalibrer leur approche. Ces pertes sont un coup de semonce. »