Thérèse Kayikwamba Wagner, ministre des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo, s’est exprimée devant le Conseil de sécurité des Nations unies en février. Elle a déclaré que plus de 4.000 personnes avaient été tuées sur une période de 48 heures lorsque les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda ont capturé la ville de Goma.
Elle a dit : « Goma a été prise en otage par la guerre », en notant que la présence du Rwanda dans son pays n’est plus contestée. Des experts onusiens indépendants ont documenté que 3.000 à 4.000 soldats rwandais se trouvent dans l’Est de la RDC pour soutenir le M23.
Mme Wagner a qualifié le plus récent conflit violent dans l’Est de la RDC comme un « projet politique conçu par le Rwanda », qui utilise le M23 comme agent pour renverser le gouvernement de Kinshasa.
« Notre peuple est un peuple marqué par la guerre », dit-elle.
L’Est de la RDC est depuis des dizaines d’années le site des conflits armés et des déplacements massifs. La récente offensive du M23 a forcé des centaines de milliers de personnes à s’enfuir de leur foyer.
Le M23 ou Mouvement du 23 mars a adopté ce nom pour évoquer un accord de paix signé en 2009 pour mettre fin à une rébellion précédente conduite par les Tutsis dans l’Est de la RDC. L’offensive en cours provient de la résurgence du groupe en 2022 après dix années d’accalmie.
Le M23 a accusé le gouvernement de la RDC de ne pas observer l’accord de paix et de ne pas intégrer les Tutsis dans l’armée ou les bureaux régionaux d’état. Le président congolais Félix Tshisekedi qualifie le M23 de groupe terroriste et recherche un soutien international pour l’imposition de sanctions contre le Rwanda.
Le Service international d’information sur la paix, institut indépendant de recherche, écrit dans une analyse de février : « Le M23 pense que le gouvernement ne sécurise pas suffisamment les communautés rwandophones dans l’Est de la RDC ; en particulier, il ne les protège pas contre la haine et les groupes armés. La concurrence sur l’accès à la terre et le rôle que les autorités locales jouent dans la gestion foncière ont alimenté des tensions qui dressent les communautés les unes contre les autres. »
« Il existe toutefois quelque chose de nouveau : les exigences du M23 prennent de plus en plus une dimension politique nationale, au-delà de la protection des communautés rwandophones dans les provinces Kivu. Maintenant, le mouvement se tourne aussi directement contre le régime de Kinshasa. »
Depuis des années, le M23 et le Rwanda essaient de chasser de son repaire et de traduire en justice la milice ethnique hutu appelée Forces démocratiques de libération du Rwanda, dont les membres s’étaient enfuis du Rwanda après avoir participé au génocide ayant massacré près d’un million de Tutsis et Hutus modérés.
Depuis plus d’un an, le M23 contrôle aussi l’extraction du coltan près de Rubaya dans la province du Nord-Kivu. Cette industrie produit des impôts à hauteur d’environ 800.000 dollars par mois selon les experts de l’ONU.
Certains experts disent que les territoires orientaux riches en minerai sont un facteur important du conflit. L’Est de la RDC est riche en cobalt, diamants, or et autres minéraux précieux. Le fait que les groupes rebelles puissent financer leurs activités en vendant les minéraux ne fait que perpétuer la violence.
Toutefois, le chercheur ougandais Ponsiano Bimeny affirme que les ressources naturelles ne sont pas la raison principale de la renaissance du M23, malgré ses opérations florissantes d’extraction minière et de contrebande.
« La compréhension de la crise par la communauté internationale se concentre sur la connexion entre l’exploitation des minéraux et le conflit, en accusant l’Ouganda et le Rwanda de manipuler ce conflit pour piller les ressources minérales de la RDC. »
« Même si ces affirmations sont correctes, il s’agit d’une représentation simpliste des problèmes du Congo utilisant la malédiction des ressources ; c’est simplement un facteur parmi toute une série de paramètres et de causes interconnectés mais déconcertants », écrit-il dans un blog du 12 mars pour la London School of Economics and Political Science.
En parallèle avec les conflits apparemment sans fin de l’Est de la RDC, il existe des efforts de paix, dont la plupart ont même échoué à réunir les belligérants pour entamer un dialogue.
Kristof Titeca, politologue de l’université d’Anvers, compare la violence antérieure dans l’Est de la RDC avec les combats en cours, en mentionnant que la faiblesse des capacités du gouvernement congolais et ses relations hostiles avec le Rwanda sont des facteurs sous-jacents cruciaux.
En fait, peu de choses ont changé depuis le premier soulèvement du M23 en 2012, qui remonte à la fin officielle de la deuxième guerre du Congo en 2003.
« Si vous considérez pourquoi ce conflit s’est produit, comment il s’est produit et quelles en sont les perspectives, ce sont toujours ces mêmes facteurs qui sont cruciaux », a dit le professeur Triteca à la World Politics Review.