Les autorités sud-africaines ont déclaré à la fin février que sept ressortissants chinois étaient coupables de près de 160 accusations liées à la traite humaine, à l’enlèvement, à la servitude pour dettes, aux infractions au droit du travail et à la réglementation relative à la santé et la sécurité du travail. On prévoit que les condamnations seront prononcées à la fin avril.
Les officiels les ont arrêtés en 2019 à la fabrique de couvertures Beautiful City de Johannesbourg, où ils employaient 91 ressortissants du Malawi sans papiers entre 2017 et 2019, selon le reportage du journal sud-africain en ligne TimesLIVE. Agissant sur un tuyau, des membres de l’équipe de réponse tactique de l’unité des crimes organisés sérieux Hawks (branche du service de police d’Afrique du Sud) et des responsables du ministère du Travail ont forcé les portes de l’usine et découvert les victimes, dont 33 avaient entre 15 et 17 ans.
Le major Thabo Mokoena qui a dirigé le raid a donné le témoignage suivant au procès, selon un reportage de l’African Mirror : « Les ouvriers n’ont pas levé les yeux lorsque nous sommes entrés. Ils avaient été conditionnés pour continuer à travailler sans égard pour ce qui se passait autour d’eux. C’est seulement lorsque nous avons commencé à leur parler dans leur langue qu’ils ont réalisé que quelque chose avait changé. »
Phindi Mjonondwane, porte-parole de l’autorité nationale des poursuites judiciaires, a déclaré que les ouvriers étaient confinés dans des conditions inhumaines et surveillés par des gardes armés.
« Les victimes étaient forcées de travailler pendant des périodes de travail de 11 heures, sept jours par semaine, sans formation adéquate ni équipement de sécurité », a-t-elle dit dans le reportage de TimesLIVE.
On a signalé qu’un employé avait perdu un doigt sans recevoir de traitement médical. Lors du procès, les témoins étaient pour la plupart des ressortissants du Malawi, ainsi qu’un conducteur de camion sud-africain. Ils ont témoigné qu’ils avaient été incités faussement à travailler à l’usine avec des promesses d’une meilleure vie. Les victimes ont dit que les communications étaient interdites et qu’elles avaient été forcées d’utiliser des machines défectueuses sans équipement de protection. Les travailleurs ont dit qu’ils étaient régulièrement menacés par les gardes armés. Ils n’étaient pas autorisés à utiliser les toilettes pendant le travail et leur salaire était sujet à des retenues s’ils le faisaient.
Selon l’African Mirror, les employés gagnaient 65 rands (3,55 dollars) par jour, ou 6,50 rands (35 cents) l’heure, beaucoup moins que le salaire minimum en vigueur en Afrique du Sud. Beaucoup d’entre eux ont dit qu’ils travaillaient précédemment dans des usines appartenant à la Chine et qu’ils avaient été recrutés sous de faux prétextes.
William est un travailleur du Malawi qui a déclaré avoir voyagé depuis son village natal après avoir reçu des promesses d’un bon emploi et d’une bonne éducation. Au lieu de ça, il dormait sur un matelas mince dans une salle bondée après des journées de travail exténuantes.
Il a dit dans le reportage de l’African Mirror : « Ils ont pris nos passeports. Ils ont dit que nous leur devions de l’argent pour nous avoir amené ici, pour nous nourrir. Mais la dette ne diminuait jamais, quelles que soient les heures de travail. »
Teresa Mwanza, survivante qui a donné son témoignage lors du procès, était assise en silence lorsque les condamnations ont été prononcées. William et elle ont rejoint un groupe de défense des survivants et partagent leurs expériences pour aider les autorités à identifier et secourir d’autres personnes dans des situations similaires.
« Je m’exprime parce que d’autres ne le peuvent pas, dit-elle. Il y a d’autres usines, d’autres lieux cachés où les gens comme moi sont toujours pris au piège. »
Après avoir été libérées par les autorités, un grand nombre de victimes ont reçu un statut légal temporaire, un soutien psychologique et une formation professionnelle grâce à la coordination entre les ministères du gouvernement et des organisations non gouvernementales.
Nomsa Ndlovu, chercheur sur la traite humaine à l’université de Johannesbourg, déclare à l’African Mirror : « L’importance de cette affaire est le fait qu’elle expose la connexion entre l’immigration illégale et l’exploitation des employés. Les victimes sont vulnérables selon deux perspectives : elles ont peur de leurs ravisseurs, et elles ont peur des autorités à cause de leur statut migratoire. »
Le major-général Ebrahim Kadwa, chef de la direction provinciale pour l’investigation prioritaire des crimes au Gauteng, déclare que le procès est une étape importante dans la lutte contre la traite humaine.
Selon l’African Mirror, il a dit : « Cette décision envoie un message aux trafiquants qui sont actifs à l’intérieur de nos frontières. L’Afrique du Sud ne tolérera pas ces crimes. »
Pourtant, les analystes déclarent que l’Afrique du Sud est devenue une source, un point de transit et une destination pour les victimes de la traite humaine. En janvier, la police sud-africaine a secouru 26 Éthiopiens qui s’étaient échappés d’un réseau présumé de traite humaine à Johannesbourg, où ils étaient détenus, tout nus, dans un bungalow. Trois personnes ont été arrêtées pour cause de traite humaine et de possession d’une arme à feu illégale.
« Les indications que nous avons sont liées à une question de traite humaine, parce qu’ils étaient en fait en train de s’échapper de cette maison et qu’ils étaient gardés sans vêtements, presque comme si c’était un modus operandi pour les humilier et pour qu’ils n’essaient pas de s’échapper », déclare Philani Nkwalase, porte-parole de la police, au Guardian.
En août, les autorités ont découvert 82 Éthiopiens entassés dans une autre maison de Johannesbourg, sans nourriture en quantité suffisante ni toilettes ou salles de bain adéquates. Le colonel Nkwalase déclare qu’il ne sait pas si les deux affaires sont liées.