Les RSF démontrent les dangers posés par les milices dans les pays
PERSONNEL D’ADF
Sur un continent où les milices présentent des risques sérieux, les Forces de soutien rapide (RSF) du Soudan offrent un exemple unique de mise en garde.
Leur chef, Mohamed Hamdan Dogolo alias Hemeti, avait pris le pouvoir aux côtés des Forces armées soudanaises (SAF) à l’occasion d’un coup d’État en 2019, mais leur alliance s’est effondrée en 2023 en plongeant le pays dans une guerre civile dévastatrice.
Federico Manfredi Firmian, maître de conférences politiques à Sciences Po Paris, étudie les insurgés, les paramilitaires, les milices et autres groupes armés depuis plus de dix ans. Certains de ces groupes sont engagés dans des projets à long terme de capture d’état.
Il a écrit dans un article du 17 juillet pour le site web The Conversation Africa : « Les Forces de soutien rapide ont suivi une stratégie semblable à celle d’autres groupes miliciens cherchant à infiltrer et coopter les institutions de l’état. De telles stratégies ont des dimensions militaires, économiques et politiques. »
« Ces groupes ont tendance à exploiter les conflits pour accroître leurs zones d’influence, leurs dépôts d’armement et le nombre de leurs combattants. »
Les RSF sont issues des milices arabes janjawids notoires qui avaient été accusées de génocide pendant le conflit du Darfour, de 2003 à 2006. Au début 2006, un grand nombre de Janjawids avaient été absorbés dans les SAF.
Hemeti a établi les RSF en 2013 dans le cadre d’un remaniement des milices janjawids. Elles ont été armées par le dictateur soudanais Omar el-Beshir et chargées de combattre les groupes rebelles au Darfour et dans d’autres régions.
Omar el-Beshir a légitimé les RSF et accordé à Hemeti le grade de lieutenant-général, avec la liberté de saisir les mines d’or du Darfour. Hemeti est devenu l’un des hommes les plus riches du pays. Il a aussi développé des liens avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis lorsqu’il a envoyé des combattants RSF pour les soutenir contre les rebelles houthistes alliés de l’Iran dans la guerre civile du Yémen.
Au Soudan, les RSF de Hemeti ont élargi leur zone d’opération depuis le Darfour et ont saisi le contrôle de la frontière avec le Tchad et la Libye tout en forgeant des liens étroits avec le maréchal et seigneur de la guerre libyen Khalifa Haftar et le groupe Wagner de mercenaires russes.
Après plusieurs années de soutien au gouvernement, Hemeti a participé au renversement d’Omar el-Beshir dans le coup d’État de 2019, avant de saisir directement le pouvoir lors du coup d’État militaire de 2021. Il s’est exprimé publiquement sur le besoin d’une « vraie démocratie » mais présente tous les signes d’un homme fort.
Un adversaire politique demandant l’anonymat pour raison de sécurité déclare à Reuters : « Hemeti a prévu de devenir le numéro un au Soudan. Son ambition est sans limite. »
Plusieurs années d’instabilité au Soudan ont créé des conditions favorables pour que les RSF émergent graduellement avant de provoquer l’inévitable confrontation avec les SAF.
Le professeur Firmian écrit : « Les milices visant à entreprendre une capture d’état poursuivent initialement leurs objectifs sans contrarier ouvertement le pays. Elles se présentent souvent comme pro-gouvernementales. Mais elles signalent aussi que toute tentative de l’état pour les neutraliser conduirait à une confrontation dévastatrice. »
En avril 2023, les tensions sous-jacentes entre le général Abdel Fattah al-Burhan, chef des SAF, et Hemeti ont explosé à l’idée que les 100.000 combattants des RSF seraient absorbés par l’armée soudanaise, soi-disant dans le cadre d’une transition vers la démocratie.
La guerre civile du Soudan s’est déclenchée le 15 avril 2023 dans tout le pays. Des milliers de personnes ont été tuées, près de 10 millions ont été déplacées et plus de 25 millions font face à une famine grave, selon les Nations unies.
Cette crise, l’une des pires du monde, fournit aussi un sombre avertissement aux autres pays africains affrontant des milices dont la puissance augmente.
L’auteur Joshua Craze a récemment écrit pour le magazine Boston Review : « Les milices sont souvent considérées comme un signe de faiblesse ou d’absence de gouvernement, le résultat d’acteurs hors-la-loi actifs dans le sillage de l’effondrement de l’état. Mais la réalité, c’est que de nombreuses milices actives dans le monde aujourd’hui ont été créées par les états. »
« Les RSF n’ont pas de plan pour gouverner le Soudan. Leur stratégie politique est simplement un reflet de leurs anciens patrons des services de sécurité. »
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