Le crime organisé engendre la terreur dans les pays du Sahel
PERSONNEL D’ADF
Les juntes militaires qui ont pris le pouvoir au Burkina Faso, au Mali et au Niger se sont engagées à confronter les groupes terroristes qui tourmentent leur pays. Toutefois, un rapport récent des Nations unies suggère que ces pays devront aussi se concentrer sur le facteur qui pousse le terrorisme : le crime organisé transnational.
Les trois juntes sahéliennes ont saisi le pouvoir récemment pour éliminer les groupes terroristes liés à Al-Qaïda et à l’État islamique. Jusqu’à présent, elles ont échoué.
Résultat : le terrorisme a fait du Sahel l’une des régions les plus meurtrières du monde et la violence a commencé à se répandre vers le Sud, dans les pays du littoral, notamment au Bénin, en Côte d’Ivoire et au Togo. Selon Leonardo Simão, représentant spécial de l’ONU pour le Sahel et l’Afrique de l’Ouest, c’est parce que les autorités ne mettent pas fin au trafic illégal qui engendre le terrorisme.
Après son discours devant le Conseil de sécurité de l’ONU, il a déclaré récemment à l’Associated Press : « Ce sont les drogues, ce sont les armes, ce sont les personnes, ce sont les ressources minières, et même la nourriture. » Il a ajouté que la combinaison du crime organisé et du terrorisme crée une menace pervasive au Sahel et en Afrique de l’Ouest.
Les chefs des juntes ont récemment annoncé leur décision de créer leur propre partenariat régional de sécurité et de rompre leurs liens avec la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Ce faisant, ils ont aussi perturbé le flux d’information qui aidait la région à confronter le crime organisé transfrontalier.
Sans cette coopération, il est probable que la sécurité de la région va s’aggraver, a déclaré Omar Alieu Touray, chef de la Commission de la Cédéao, lors d’une réunion récente du groupe au Nigeria.
La junte du Burkina Faso se trouve déjà encerclée par des groupes extrémistes qui contrôlent la majorité du territoire du pays hors de la région de la capitale. Le Mali s’est tourné vers la Russie pour une assistance militaire, alors même que la Russie a bâti ses opérations africaines en passant en contrebande l’or, les diamants, le pétrole et d’autres ressources. Les troupes russes sont aussi actives au Burkina Faso et au Niger.
La contrebande fait perdre aux gouvernements sahéliens des revenus cruciaux qu’ils pourraient utiliser pour servir leur population, selon les analystes.
Au Burkina Faso par exemple, une commission parlementaire estime que le trafic de l’or a fait perdre près de 500 millions de dollars par an aux coffres publics, somme supérieure au budget de la santé publique qui s’élève à 479 millions. Les pots-de-vin versés aux officiers de police par les contrebandiers à la frontière entre le Burkina Faso et le Bénin excèdent souvent les salaires mensuels des officiers.
Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), les groupes criminels organisés exploitent les vulnérabilités et les besoins non satisfaits des communautés telles que celles situées à la frontière. Ces communautés sont très éloignées des centres de pouvoir de l’état et ont été historiquement négligées.
Les frontières poreuses et les liens ethniques aident les groupes criminels organisés à s’insérer dans les vides économiques et sécuritaires laissés par les gouvernements régionaux.
« Ceci contribue à la militarisation des activités illicites et à l’établissement d’une économie de protection dans laquelle des aptitudes de combat sont développées par les groupes criminels », ont récemment écrit des analystes de l’ONU dans leur évaluation de la menace du crime organisé transnational au Sahel.
Les armes à feu sont devenues un secteur important du marché du crime organisé au Sahel, notamment dans la région du Liptako-Gourma où le Burkina Faso, le Mali et le Niger convergent, selon l’analyse de l’ONU. Le vol du bétail a aussi augmenté au cours des dix dernières années, alors que les groupes terroristes font des descentes sur le bétail des communautés pastorales pour nourrir leurs combattants.
Selon l’ONU, le nombre de têtes de bétail volées dans la région de Mopti, au centre du Mali, a presque doublé entre 2019 et 2021, de 78.000 à 130.000. Le vol du bétail contribue à l’augmentation des tensions communautaires et donc à une hausse de la demande pour les armes de contrebande et une hausse de violence.
Les incitations financières liées aux activités criminelles organisées rendent difficile la résolution des conflits engendrés par le trafic illicite. Si les gouvernements tels que ceux du Sahel ne confrontent pas le crime organisé qui propulse leurs conflits, ils continueront à avoir des difficultés pour maîtriser le terrorisme, selon Amado Philip de Andrés, représentant régional de l’ONUDC pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.
« Jusqu’à présent, les efforts de stabilisation au Sahel se sont principalement concentrés sur la sécurité et le terrorisme, en sous-estimant en grande mesure le rôle que joue le crime transnational organisé pour pousser la situation actuelle dans cette région fragile », dit-il dans une déclaration de l’ONUDC.
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