La Russie resserre son contrôle de l’or du Mali
PERSONNEL D’ADF
Depuis que la troupe notoire de mercenaires russes appelée antérieurement groupe Wagner a commencé à se réorganiser sous la direction du ministère russe de la Défense en 2023, le contrôle des sites d’extraction d’or au Mali est une priorité.
Les mercenaires russes sont arrivés par hélicoptère près du village rural d’Intahaka dans la région de Gao le 9 février et ils ont saisi la plus grande mine d’or artisanale du Mali. Avec l’aide de l’armée malienne, les mercenaires ont sécurisé le site en chassant un groupe touareg rebelle.
Le contrôle de ce site tentaculaire qui peut accommoder jusqu’à 4.000 mineurs a changé de mains plusieurs fois au cours des dernières années, alors qu’Al-Qaïda et l’État islamique combattaient les civils et les forces gouvernementales, et se battaient entre eux, pour recevoir une part du butin.
Ce sont maintenant les mercenaires russes appelés l’Africa Corps qui sont les maîtres. Leur partenariat avec les chefs de la junte militaire du Mali a été établi à la fin 2021, soi-disant pour combattre les groupes extrémistes qui occupent de vastes territoires et terrorisent les civils.
Une source malienne a déclaré au magazine Africa Report : « Les hommes de la Wagner contrôlaient l’accès à la mine pendant quelque temps. Ils faisaient payer un droit d’entrée à ceux qui venaient miner l’or. »
L’or est le produit le plus important du Mali et domine les exportations totales. Le Mali est devenu le troisième producteur d’or d’Afrique et le treizième du monde.
Le ministère des Mines estime que le Mali possède 881 tonnes d’or dans des gisements situés sur environ 300 sites miniers artisanaux. Il estime aussi que 2 millions de mineurs d’or, soit plus de 10 % de la population, dépendent de l’industrie pour leurs moyens de subsistance.
On signale que les chefs de la junte, préoccupés par des questions de souveraineté, étaient peu désireux de remettre des concessions minières au groupe mercenaire, mais ils faisaient face à des difficultés financières importantes à cause de l’impact des sanctions régionales imposées après le plus récent coup d’État en 2021.
En date de février 2024, le nombre de mercenaires russes au Mali a diminué pour atteindre environ 1.000 hommes, comparé à leur point culminant de 2.000. Les paiements mensuels restent au niveau approximatif de 10,8 millions de dollars par mois, mais une portion de cette somme pourrait être payée sous forme d’or.
Au début 2023, les mercenaires du groupe Wagner ont saisi le contrôle de trois mines au Sud de Bamako, la capitale du Mali. Ces mines sont situées à Balandougou, à environ 20 km de la frontière guinéenne ; Koyoko, site voisin d’orpaillage dans le cercle de Kangaba ; et un troisième site près de Yanfolila.
La junte militaire au pouvoir a révisé les lois minières du Mali en août 2023, en accroissant sa part des projets miniers de 20 à 35 % et en résiliant les exemptions fiscales précédemment accordées. Elle a aussi créé une société d’exploration et de recherche minière pour contrôler le secteur.
Les experts déclarent que les mines d’or les plus productives du Mali, Loulo et Gounkoto (gérées par la société canadienne Barrick Gold), sont prises pour cible par la Russie. En 2022, ces deux mines produisaient 19,4 tonnes d’or, soit près du tiers de la production nationale de 66 tonnes.
« Les autorités veulent exproprier Barrick Gold, mais sans le faire trop ouvertement », a déclaré au magazine Africa Report une source malienne proche des discussions.
« Après la soumission en août dernier du rapport de vérification du secteur, le ministre des Finances a écrit à toutes les sociétés minières actives au Mali pour qu’elles renégocient leurs contrats de gestion. Mais c’est seulement de la poudre aux yeux. Leur vraie cible est Barrick. »
Plusieurs sources maliennes ont déclaré au magazine que d’importantes négociations sont en cours à Bamako dans l’intention de retirer Barrick Gold de la gérance des sites de Loulo et Gounkoto.
Depuis son invasion de l’Ukraine en 2022, la Russie a gagné plus de 2,5 milliards de dollars grâce au commerce de l’or africain, selon le Blood Gold Report publié en décembre 2023.
Jack Watling, spécialiste de la guerre terrestre au Royal United Services Institute, pense que l’extraction du minerai est seulement un élément du plan directeur de la Russie pour faire des profits en Afrique. Le pays suit ce modèle : attiser l’insécurité, se présenter comme solution de sécurité et extraire la richesse minérale comme paiement.
« C’est le modus operandi standard de la Russie : les frais opérationnels sont couverts par les activités commerciales parallèles, déclare-t-il à la BBC. En Afrique, ceci est réalisé principalement grâce aux concessions minières. »
« L’approche russe, qui consiste à isoler ces régimes, capturer leurs élites et extraire leurs ressources naturelles, est tout à fait coloniale. »
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