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En Sierra Leone, les toxicomanes pillent les tombes pour produire la « drogue des zombies »

PERSONNEL D’ADF

Au début avril, le président de Sierra Leone Julius Maadi Bio a déclaré un état national d’urgence dû à la consommation effrénée des drogues, en particulier la drogue psychoactive synthétique appelée kush qui a tué des centaines de toxicomanes.
Le kush, notoire pour ses effets euphoriques durables, est fabriqué traditionnellement à partir de cannabis, d’herbes, de désinfectants et de fentanyl. Mais les toxicomanes de Sierra Leone ont commencé à mélanger ces ingrédients avec des os humains broyés, qui ont la réputation de rendre la drogue plus puissante à cause de leur teneur élevée en soufre. Les experts ne pensent pas que cet ingrédient affecte de façon tangible la puissance de la drogue.

Le kush, appelé aussi « drogue des zombies », peut faire dormir les utilisateurs alors qu’ils marchent, parfois en plein milieu de la circulation. Ils peuvent se cogner la tête contre les murs et tomber des immeubles.

« Ça me conduit à l’extase »

Amara Kallon, âgée de 21 ans, est sous un pont en compagnie d’autres jeunes près d’un marché de Freetown, la capitale du pays. Autour d’elle, les toxicomanes marchent en rond, les épaules voûtées et la tête tournée sur le côté.

La jeune sans-abri déclare au Telegraph : « Lorsque je fume du kush, j’oublie mes problèmes. En général, ça me conduit à l’extase. Auparavant je fumais deux cigarettes de cannabis par jour, mais après avoir été introduite au kush par des amis, je ne suis jamais revenue en arrière. J’ai vendu mes vêtements et mes livres pour satisfaire ma passion. J’ai commencé à voler des articles de maison, des téléphones, des casseroles et des assiettes pour acheter de la drogue. »

Le prix du kush en fait une option attrayante dans un pays où le taux de chômage des jeunes est de 60 %. Un seul joint peut coûter 5 leones (bien moins d’un cent) et ses effets peuvent durer pendant plusieurs heures.

Le prix bas s’accompagne de risques élevés. Les toxicomanes se plaignent souvent de douleurs aigues de la tête, du cou et des articulations. Il peut provoquer des enflures des membres et des défaillances des organes, et il peut déclencher des problèmes graves de santé mentale.

Une hausse d’admissions dans les hôpitaux

Selon la BBC, les admissions liées au kush à l’hôpital psychiatrique universitaire de Sierra Leone ont augmenté de près de 4.000 % entre 2020 et 2023.

Le nombre d’admissions hospitalières dues au kush continue à augmenter. Beaucoup de toxicomanes sont endormis lorsqu’ils arrivent à cause de leurs tendances violentes, par exemple lorsqu’ils se cognent la tête contre le mur. La plupart sont des jeunes hommes entre 18 et 25 ans.

« La crise du kush se retrouve partout, mais seulement quelques-uns sont envoyés et la plupart de ceux qui sont traités sont sujets à des rechutes », déclare au Telegraph le Dr Jusu Mattia, directeur médical intérimaire de l’hôpital.

Le Dr Edward Nahim, psychiatre consultant de l’hôpital, déclare que le kush est aussi dangereux que la cocaïne ou l’héroïne.

« Le manque d’emploi et d’opportunité est un facteur majeur qui pousse de nombreux jeunes à devenir toxicomanes après la perturbation économique provoquée par la pandémie de Covid-19 », dit-il au Telegraph.

Selon les Nations unies, 60 % des habitants de Sierra Leone entre 15 et 35 ans sont au chômage ou sous-employés.

Tamba Bockarie a commencé à fumer du kush en 2021. Il rêvait de pouvoir un jour fonder une entreprise mais le kush a transformé sa vie en cauchemar. Toutefois, il a dit à AfricaNews qu’il avait arrêté de prendre la drogue en février.

« J’ai dû réfléchir sur tous les défis que j’avais vécus auparavant et j’ai réalisé que j’étais responsable pour certains des défis qui avaient affectés ma vie, déclare-t-il. J’ai aussi réfléchi sur le côté positif et j’ai réalisé que je peux m’améliorer pour mieux vivre. C’est pourquoi j’ai décidé qu’il n’était jamais trop tard dans la vie. »

Une triste façon de satisfaire à la demande

Les vendeurs de kush ont été incité à dérober les tombes pour satisfaire à la demande. En réponse, le gouvernement a déployé des policiers dans les cimetières pour les protéger et empêcher les gens de désenterrer les cadavres.

Le président Bio a aussi ordonné aux responsables de créer une force opérationnelle nationale sur les drogues et l’abus des substances, qui se concentrera principalement sur la lutte contre la crise du kush. Il déclare qu’il veut que des centres de réhabilitation soient établis dans chaque district et soient « suffisamment pourvus en personnel avec des professionnels chevronnés pour offrir des soins et un soutien aux personnes toxicomanes », selon un reportage de la BBC.

 

« Maintenant que le gouvernement a déclaré un état d’urgence lié au kush, nous devrions utiliser l’autre mécanisme ou phase de mise en place comme celle effectuée pour Covid-19 et l’Ebola de façon à employer ces structures : communautaires, sanitaires et psycho-sociales. Et les structures de responsabilisation des communautés », a déclaré Habib Taigore Kamara, directeur exécutif de Social Linkages for Youth Development and Child Link, à AfricaNews

 

Les analystes déclarent que le fléau s’est maintenant propagé au pays voisin de Guinée, où dix décès liés au kush ont été enregistrés cette année, at au Liberia.

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