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La campagne médiatique chinoise du Front uni a peu d’impact sur l’opinion publique

PERSONNEL D’ADF

Le Front uni est une campagne chinoise à l’échelle du continent qui emploie les élites africaines, les personnalités des médias, les expatriés chinois et les institutions interculturelles pour promouvoir un point de vue favorable de la Chine et sa politique. C’est aussi une campagne dont la mission pourrait bien échouer, comme le suggèrent les sondages.

Le Front uni s’appuie sur des personnages publics tels que l’ex-Premier ministre tanzanien Salim Ahmed Salim, sympathisant chinois de longue date qui préside l’Association pour la promotion de l’amitié sino-tanzanienne. En plus des élites gouvernementales, le Front uni prend pour cible les personnalités influentes ou médiatiques, qualifiées par les autorités chinoises de « bouches d’emprunt », pour propager la propagande chinoise imprimée, diffusée et en ligne.

Les autorités chinoises s’attendent à ce que les expatriés chinois en Afrique, estimés à 2 millions, participent au Front uni grâce à des groupes d’affaires et sociaux qui présentent les politiques du Parti communiste chinois (PCC) sous un jour favorable, écrit Mareike Ohlberg, Senior Fellow au German Marshall Fund, dans un rapport du Bureau national de recherche sur l’Asie.

« Les Chinois d’outre-mer sont censés “bien raconter l’histoire de la Chine” », écrit le Dr Ohlberg dans son analyse du programme du Front uni.

Le Front uni inclut aussi plus de 60 instituts Confucius et environ 50 écoles Confucius qui enseignent la langue et la culture de la Chine.

« Chaque pays d’Afrique subsaharienne a au moins une organisation du Front uni, et la plupart en ont beaucoup plus », écrit-elle.

Le Front uni concerne fondamentalement le développement de la puissance militaire et économique mondiale de la Chine, ainsi que son influence sur la scène mondiale, le tout pour renforcer l’autorité du PCC, selon les experts.

« Très peu d’organisations du Front uni ont des liens directs avec le PCC. Ceci rend moins évidente la découverte de leur association », a récemment écrit l’analyste Paul Nantulya pour le Centre d’études stratégiques de l’Afrique.

La section africaine du Front uni, qui met l’accent sur le développement des liens commerciaux grâce à l’initiative de la Nouvelle Route de la soie, entre autres projets, appuie la promesse d’une croissance économique continuelle faite par le parti et du retour de la Chine au niveau d’une grande puissance, selon le Dr Ohlberg.

Toutefois, les travaux du Front uni chinois en Afrique s’accompagnent de conditions. Une offre de l’ambassade de Chine au Kenya visant à fournir un soutien financier au Nation Media Group fut rapidement retirée lorsque les journalistes commencèrent à mettre à jour la corruption liée au chemin de fer Standard Gauge Railway, financé et construit par la Chine.

La Chine semble fragiliser les efforts de son Front uni lorsqu’elle courtise les élites africaines, en particulier si ces élites sont considérées corrompues par le public, selon le Dr Ohlberg.

« Dans l’ensemble, le focus du PCC sur l’obtention de louanges superficielles de la part des élites, plutôt que d’essayer sincèrement de gagner l’estime du public au sens large ou de changer les comportements peu souhaitables, pourrait expliquer pourquoi la popularité de la Chine a baissé dans certains pays au cours des cinq dernières années, malgré l’intensification avérée des travaux du Front uni pendant la même période », écrit-elle.

Le Front uni engendre un tollé populaire au Ghana, en République démocratique du Congo et en Zambie, où les habitants se plaignent du favoritisme envers les entreprises chinoises, de la corruption et des conflits entre les travailleurs et les gestionnaires chinois.

Officiellement, les pays africains sont parmi les plus grands sympathisants de la Chine, selon le Pew Research Center. Toutefois, des sondages conduits par Afrobarometer montrent que les taux de favorabilité de la Chine sur le continent sont en baisse : 75 à 57 % au Botswana, 79 à 56 % au Gabon, 76 à 65 % au Kenya et 66 à 48 % en Namibie.

« Dans l’ensemble, les efforts visant à améliorer l’image de la Chine auprès de la population générale ne semblent pas avoir beaucoup de succès dans les pays où la Chine n’est pas populaire », écrit le Dr Ohlberg.

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