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Au Bénin, la contrebande soutient l’extrémisme

PERSONNEL D’ADF

À la frontière entre le Bénin et le Burkina Faso, la zone contestée de Koalou/Kourou abrite un vaste marché d’activités illicites qui augmentent l’insécurité et aident à propager l’extrémisme en provenance du Sahel vers le Sud.

Comme ses voisins du golfe de Guinée, le Bénin est menacé par l’extrémisme qui a fait des pays le long de sa frontière Nord (Burkina Faso, Mali et Niger) l’épicentre mondial du terrorisme.

Jusqu’à présent, le Bénin a largement repoussé ces menaces mais les experts déclarent que le gouvernement doit faire plus pour contrer les activités illégales telles que le trafic de carburant qui pourraient saper ces succès.

« Nous constatons que le recrutement et la radicalisation grimpent, ce qui pourrait être une tendance nuisible pour le futur », a récemment déclaré Masood Karimipour, chef du Service de la prévention du terrorisme de l’ONUDC (Office des Nations unies sur les drogues et le crime), concernant la publication du GTI (Indice mondial du terrorisme) 2023.

Le GTI est produit par l’IEP (Institute for Economics and Peace) chaque année selon des données provenant de 163 pays.

Le Bénin a signalé quinze décès de plus liés au terrorisme en 2022, comparé à 2021.

À la base de l’extrémisme rampant au Bénin se trouvent les contrebandiers, les trafiquants et les intermédiaires qui participent à l’économie illicite du commerce du carburant, des armes, de l’or, des animaux braconnés et même des fournitures de ferme dans les départements de l’Atacora et de l’Alibori sur la frontière Nord.

Koalou se trouve dans la région Nord-Ouest de l’Atacora à proximité du parc national de la Pendjari, lieu de la première attaque terroriste au Bénin dans laquelle deux touristes français avaient été enlevés et leur guide local avait été tué en 2019. Les extrémistes utilisent le parc comme refuge, tout comme le parc national d’Arly au Burkina Faso ou le parc national du W au Niger.

La contrebande du carburant, activité pivot de l’économie illicite dans le Nord du Bénin depuis de nombreuses années, montre comment les extrémistes profitent des marchés noir béninois.

Les trafiquants, dont certains peuvent être extrémistes, passent en contrebande le carburant du Nigeria au Bénin ou du Bénin au Burkina Faso et au Togo. Jusqu’à récemment, ce carburant provenait parfois des camions-citernes qui déchargent illégalement leur cargaison sur le côté béninois de Koalou/Kourou alors qu’ils voyagent entre le port béninois de Cotonou et le Burkina Faso ou le Mali.

Des réseaux de contrebande bien développés et bien organisés emploient de nombreux jeunes du Bénin comme camionneurs, grossistes ou revendeurs, selon une analyse de l’ISS (Institut pour les études de sécurité) d’Afrique du Sud. Le carburant passé en contrebande au Bénin soutient les extrémistes jusqu’à Gao au Mali, selon des rapports.

Les analystes de l’ISS ont écrit dans un rapport récent sur les marchés noirs du Bénin : « La présence des groupes extrémistes violents à Koalou/Kourou a encouragé la contrebande du carburant, à cause des alliances d’intérêt établies entre ces groupes et les trafiquants de carburant. Les facteurs principaux comprennent la carence (ou l’absence) de stations-service, la facilité avec laquelle le carburant de contrebande peut être obtenu sur les routes principales, son accessibilité et la complicité des fonctionnaires et des employés du gouvernement (en particulier parmi les forces de sécurité). »

Une répression des deux côtés de la frontière en 2021 a freiné la contrebande du carburant à Koalou/Kourou. En réponse, certains extrémistes évitent simplement les forces de sécurité tandis que d’autres commencent à détourner les camions-citernes au Burkina Faso pour revendre au Bénin le carburant volé.

Les experts déclarent que la contrebande du carburant et les activités illicites similaires aident les extrémistes à être appréciés par les Béninois. Elles exploitent le sentiment des résidents selon lequel les fournisseurs de services gouvernementaux les ignorent en faveur de ceux qui vivent plus près du centre du pouvoir politique.

Le manque de services gouvernementaux peut jouer un rôle important dans la montée de l’extrémisme, selon M. Karimipour.

La situation à Koalou/Kourou est rendue plus complexe par le fait que le Bénin et le Burkina Faso revendiquent tous deux ce territoire près du point de rencontre des trois frontières avec le Togo, et qu’ils l’administrent conjointement. Pour réduire les possibilités de conflit, les deux pays ont retiré leurs forces armées. Le manque de sécurité encourage la contrebande et les activités connexes.

Toutefois, cette décision peut donner un avantage aux extrémistes en intensifiant le ressentiment des habitants locaux, selon M. Karimipour.

Les autorités béninoises ont pris des mesures pour réduire la contrebande du carburant, notamment l’abandon de la taxe sur les matériaux de construction nécessaires pour construire des stations-service.

Cette année, le Bénin a commencé à intensifier sa présence militaire sur le côté béninois du territoire de Koalou/Kourou pour tenter de réprimer l’extrémisme et les activités illicites. Toutefois, le temps pendant lequel cette présence gouvernementale sera maintenue reste incertain, selon l’ISS.

Les analystes écrivent que le succès du Bénin dépendra probablement de la capacité de la junte au pouvoir au Burkina Faso de garder le contrôle de ses provinces en bordure du Bénin.

« Sans présence efficace de l’état dans la région, Koalou/Kourou pourrait continuer à servir de base d’approvisionnement et de refuge pour les groupes extrémistes. »

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