PERSONNEL D’ADF
L’attaque du lycée Lhubiriha à Mpondwe (Ouganda) commença tard dans la nuit du vendredi 16 juin et dura jusqu’au petit-matin.
Parmi les 42 tués, on a compté 22 lycéennes qui avaient été exécutées à coups de machette alors qu’elles s’enfuyaient. 16 garçons ont résisté et ont été enfermés dans leur dortoir.
« Ce groupe terroriste ne pouvait pas entrer, aussi ils ont lancé une bombe, une bombe à essence », a déclaré la ministre ougandaise de l’Éducation et Première dame Janet Museveni.
Ils ont été brûlés à tel point que leur corps n’était pas reconnaissable.
Des combattants des Forces démocratiques alliées, affiliées à l’État islamique, ont franchi la frontière de la République démocratique du Congo (RDC) et sont censés avoir passé deux jours à Mpondwe pour rechercher des cibles avant de choisir le lycée.
L’attaque souligne le danger couru par les communautés de la frontière entre la RDC et l’Ouganda, qui sont aussi vulnérables au recrutement par les groupes militants.
« L’attaque a été bien planifiée : chacun des dix terroristes sont entrés dans le pays séparément, et non pas en tant que groupe », a déclaré au Parlement le ministre ougandais de la Défense et des Affaires des anciens combattants Vincent Bamulangaki Ssempijja.
Historiquement, les élèves sont attaqués parce que les lycées sont considérés comme des cibles faciles. Les enfants sont recrutés par les rebelles ou enlevés et employés pour transporter la nourriture et les fournitures. Les attaques contre les lycéens fournissent aussi la publicité médiatique désirée.
Les frontières poreuses offrent un angle mort pour les forces de sécurité. Mpondwe, où se trouve celui des trois passages frontaliers entre l’Ouganda et la RDC qui est le plus fréquenté, possède un grand nombre de sentiers qui ne sont pas surveillés par les autorités.
De vastes étendues dans l’Est de la RDC sont dépourvues de lois, ce qui permet aux groupes tels que les Forces démocratiques alliées d’agir sans impunité. Le gouvernement fédéral basé à plus de 2.000 km de distance à Kinshasa, la capitale de la RDC, y détient une autorité limitée.
En Ouganda, les groupes de militants exploitent un certain nombre de facteurs : l’afflux de réfugiés en provenance de l’Est de la RDC, un taux de chômage élevé et le mouvement incontrôlé des personnes et des biens.
Muhsin Kaduyu, expert de la prévention du terrorisme basé à Kampala, déclare que, malgré les millions de dollars générés par le commerce transfrontalier dans cette région, les personnes qui rejoignent volontairement les groupes armés le font surtout pour des raisons économiques.
« Les défis structurels qui mettent en évidence un sentiment croissant d’exclusion sociale, de marginalisation ou d’injustice rendent les communautés plus vulnérables à la radicalisation », dit-il à l’Institut d’études de sécurité (ISS) basé en Afrique du Sud.
Geoffrey Ngiriker, maire de la commune de Nebbi au Nord-Ouest de l’Ouganda, déclare que les jeunes de sa communauté et des autres zones frontalières franchissent fréquemment la frontière de la RDC à la recherche d’un emploi. À leur arrivée, ils sont forcés de rejoindre les groupes militants.
Lorsque ces groupes n’obtiennent pas suffisamment de recrues volontaires, ils emploient la violence pour accroître leurs effectifs.
Le président ougandais Yoweri Museveni a promis de déployer davantage de soldats sur le côté ougandais de la frontière.
Le Centre africain d’études et de recherche sur le terrorisme a aussi fait appel à une augmentation de la présence sécuritaire. Mais en analysant l’attaque il a atteint une conclusion franche : « Le fait que les terroristes passent deux nuits sans être détectés tout en s’approchant des résidents locaux indique un manque extrême de sensibilisation communautaire du fait d’un engagement inadéquat de la communauté dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. »
« L’Ouganda doit lancer une stratégie d’engagement communautaire dans les communautés frontalières en tant que composante cruciale d’une approche de contre-terrorisme efficace. »
En 2021, les forces ougandaises ont été déployées dans l’Est de la RDC lors d’une opération conjointe appelée Shujaa. Une force écrasante sur terre et dans les airs a été employée pour détruire plusieurs repaires des Forces démocratiques alliées dans les forêts denses de la province du Nord-Kivu.
Kaduyu pense que les attaques contre les écoles auraient pu être effectuées en réponse à l’opération Shujaa, car le groupe militant avait subi de lourdes pertes et a eu recours à des tactiques de guérilla contre les cibles vulnérables.
Selon le major-général Dick Olum, commandant ougandais de l’opération Shujaa, lorsque les combattants des Forces démocratiques alliées sont sujets à la pression, ils « détournent » typiquement l’attention des forces de sécurité en se divisant en petits groupes pour lancer des attaques violentes ailleurs.
Ngiriker a souligné le besoin de foi et de confiance entre les communautés locales et les forces de sécurité. Il a aussi déclaré que l’Ouganda devait améliorer la capacité des agences de police et des bureaux du gouvernement pour affronter les causes fondamentales de l’extrémisme violent.
Le chercheur de l’ISS Isel Ras pense que le gouvernement peut faire davantage.
« La mise en commun des informations doit s’améliorer, et un soutien financier et technique pourrait être offert à des programmes locaux pour atténuer les facteurs de l’insécurité », écrit-il dans un article du 4 juillet sur le site web de l’ISS.
Kaduyu déclare que les communautés frontalières nécessitent une assistance pour mieux comprendre et identifier les défis de sécurité qu’elles doivent relever.
« Plus elles en sont conscientes, plus elles seront capables d’être résilientes face aux menaces », dit-il.