Africa Defense Forum

L’industrie de la défense sud-africaine peut-elle se rétablir ?

PERSONNEL D’ADF
Thandi Modise a reconnu l’ironie du survol d’un avion Gripen au moment où elle prononçait le discours d’ouverture de l’Expo africaine d’aéronautique et de défense à Tshwane (Afrique du Sud) en septembre dernier.

Le Gripen, cloué au sol pendant un an à cause des contraintes budgétaires, est symbolique des défis que l’industrie de la défense d’Afrique du Sud doit relever et de l’optimisme ardent de Mme Modise qui opine que la situation va s’améliorer.

Elle a déclaré à l’improviste : « C’est l’une des choses que nous solutionnons tranquillement. Pour les sceptiques qui disent que rien ne fonctionne, beaucoup de choses commencent à fonctionner dans la force de défense. Ce n’est pas seulement l’Armée de l’air que nous réformons ; c’est aussi l’Armée de terre. »

En tant que ministre de la Défense et des Anciens combattants d’Afrique du Sud, Mme Modise a décidé de caractériser avec une note positive les forces armées et l’industrie de la défense sud-africaines.

Jadis détentrice de l’un des complexes militaro-industriels les plus grands et les plus avancés du monde, l’Afrique du Sud a vu son précieux secteur de la défense reculer du niveau international et continental.

Il est assailli par des sceptiques et des critiques armés de faits, de graphiques et d’exemples de scandales de corruption, de décisions manquant de vision et d’impacts économiques négatifs s’étendant sur de nombreuses années.

« Le fait que notre industrie de la défense ait été essentiellement décimée est indubitable », déclare Jakkie Cilliers, fondateur de l’Institut pour les études de sécurité de Pretoria, à ADF.

Des officiers de l’Armée de terre d’Afrique du Sud observent des radios Secure Combat Net fabriquées par Reutech Communications, fabricant sud-africain, et présentées lors de l’Expo d’aéronautique et de défense d’Afrique 2018. AFP/GETTY IMAGES

« Il y a beaucoup de raisons pour cela, notamment la cupidité, l’incompétence et la mauvaise gestion. Mais il y a aussi des raisons structurelles qui sont liées au déclin du budget de la défense. Sans marché national, il est difficile de maintenir une industrie de la défense. »

Des compressions budgétaires importantes subies par les forces armées au cours des dix dernières années ont eu des effets de longue portée sur la formation, l’état de préparation, le recrutement, le moral et l’entretien de l’équipement.

Avec ses nombreux défis économiques à relever, l’Afrique du Sud n’a pas fait grand-chose pour affronter les problèmes des forces armées et le déclin de l’industrie de la défense, malgré les appels des experts et des responsables.

Eeben Barlow, PDG d’Executive Outcomes, société militaire privée fondée en Afrique du Sud en 1989, déclare que les capacités sécuritaires « émasculées » du pays ont conduit à la perte des connaissances et des aptitudes technologiques, scientifiques, manufacturières et formatives.

« L’effondrement de notre industrie de la défense a impacté négativement non seulement l’économie mais aussi l’affaiblissement du marché du travail », écrit-il dans un éditorial du 30 mai pour le journal sud-africain The Citizen.

« Le continent attendait vivement notre assistance pour équiper ses forces armées, avec des solutions africaines aux problèmes africains. Ceci offrait à l’Afrique du Sud une occasion unique de devenir un fabricant et fournisseur de matériel de défense digne de la confiance de l’Afrique, et notre économie nationale aurait reçu une contribution massive. »

M. Cilliers dit que le manque de vision et de clarté sur « qui doit faire quoi » en est responsable.

L’architecture dense et opaque de la sécurité en Afrique du Sud reste une question sous-jacente, sans définition claire des responsabilités et de la supervision entre les divers ministères et agences, et entre les sociétés publiques et privées.

De nombreux critiques font appel à un retour de l’Afrique du Sud au niveau de premier fabricant et concepteur de matériel de défense sur le continent.

« L’impact le plus important du déclin de l’industrie de la défense est peut-être le fait que c’était l’un des rares secteurs qui avaient obtenu des investissements substantiels dans la recherche et le développement, avec de fortes répercussions sur l’industrie manufacturière », déclare M. Cilliers.
Mme Modise en convient.

« Les avancées technologiques qui font partie tout à fait intégrante de notre vie quotidienne, telles que les téléphones mobiles et les décodeurs de télévision, sont toutes issues des technologies de la défense », déclare-t-elle.

Mme Modise dit que l’industrie de la défense est « une ressource indispensable de l’économie au sens large » et note que les forces armées fournissent directement 15.000 emplois dans 120 entreprises.

Mais M. Cilliers pense que l’Afrique du Sud doit passer d’un focus sur la défense conventionnelle à celui de la préparation et l’équipement des forces armées pour relever les défis futurs de la paix et la sécurité, le tout sans anticiper d’augmentations budgétaires.

« Ces tâches et ces défis permettent d’assister la police dans des efforts spécifiques, la sécurité des frontières et des campagnes, la participation régionale aux missions de paix, la réponse aux urgences telles que les inondations, et leur prévention. »

Mme Modise maintient fermement sa perspective optimiste malgré le déclin continuel des achats du gouvernement.

« Le panorama de la défense est dans un état de changement rapide et continu, dit-elle. Cela crée une opportunité pour de nouvelles innovations afin de soutenir et sécuriser l’avenir de l’industrie. Nous pensons que l’industrie est capable d’innovation pour pouvoir mener à bien le potentiel économique du pays et orienter notre économie vers une trajectoire ascendante soutenue. »

« Nous déclarons sans complexe que bientôt personne ne pourra rivaliser avec l’Afrique du Sud. »

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