La formation des polices étrangères par la Chine soulève des préoccupations liées aux droits de l’homme
PERSONNEL D’ADF
En 2021, le Kenya a lancé un programme visant à envoyer annuellement 400 policiers en Chine pour leur formation, malgré des inquiétudes selon lesquelles l’approche autoritaire de la Chine au maintien de l’ordre pourrait entrer en conflit avec les lois kényanes protégeant la liberté d’expression et les droits de l’homme.
Au cours des dernières années, la Chine a conclu des accords policiers avec quarante pays africains pour former des milliers d’agents de police, des gardes présidentiels et autres responsables non militaires de la sécurité. Ensemble, ils représentent environ 35 % des forces de sécurité étrangères recevant une formation avec le ministère chinois de la Sécurité publique.
Cette formation a deux objectifs : le premier consiste à introduire les policiers aux pratiques chinoises qui mettent l’accent sur le contrôle de la population, et le second à créer une force de police qui peut protéger les sociétés et l’infrastructure chinoises à l’étranger.
Un grand nombre de ces accords, par exemple la formation de sécurité pour le chemin de fer kényan Standard Gauge Railway construit par la Chine, prennent pour cible des projets qui font partie de l’Initiative de la Nouvelle route de la soie.
Depuis les banques jusqu’aux mines de cuivre et aux restaurants, l’Afrique héberge environ 10.000 entreprises appartenant à des Chinois et 2.000 entreprises d’état. À mesure que la présence de la Chine augmente en Afrique, les employés et les commerces chinois deviennent des cibles pour la violence, les enlèvements et les manifestations. En début d’année, neuf travailleurs ont été tués dans une mine d’or chinoise récemment ouverte en République centrafricaine.
Les propriétaires des entreprises chinoises exhortent Pékin à faire davantage pour les protéger, ce qui a incité le gouvernement à investir plus dans les sociétés de sécurité privées et les efforts de police en Afrique.
Les tactiques employées par la Chine pour cultiver des liens avec les agences de police excèdent celles utilisées pour bâtir des liens militaires, selon l’analyste Paul Nantulya du Centre d’études stratégiques de l’Afrique (CESA).
Il écrit dans un rapport du Bureau national pour la recherche asiatique intitulé « Les lignes de front politiques : la poursuite chinoise de l’influence en Afrique » : « Par définition, la police est beaucoup plus intrusive et étroitement liée à la sécurité intérieure et à la politique nationale. La Chine a un auditoire particulièrement attentif parmi certains chefs africains préoccupés par la survie de leur régime. »
L’accent placé par la Chine sur l’Afrique s’est traduit par la création de « la sécurité avec des caractéristiques chinoises » concentrée sur le maintien de la stabilité à tout prix, selon M. Nantulya. L’approche chinoise « sans poser de questions » comporte peu d’inquiétudes sur la façon dont les pays utilisent finalement la formation et l’équipement qu’ils reçoivent.
Alors qu’une grande partie de la formation se passe en Chine, une autre partie a lieu sur le continent africain, par exemple le programme de formation conjoint algérien/chinois au ministère algérien de l’Intérieur et des Autorités locales entre 2015 et 2018.
Les critiques affirment que l’influence de la Chine sur les polices africaines lui permet de propager son autoritarisme, qui approuve la détention et les menaces contre les dissidents, les journalistes et autres qui défient le gouvernement : ce droit est crucial dans une démocratie.
« Ceux qui demandent des normes plus élevées affirment que le contexte est important, écrit M. Nantulya dans une analyse pour le CESA. Ceci est particulièrement important car la police, les agences de renseignement et les paramilitaires sont parmi les institutions les plus redoutées et corrompues d’Afrique. »
Le point de vue chinois sur les pouvoirs policiers et son souhait de regarder ailleurs sur la façon dont ces pouvoirs sont utilisés peuvent encourager la corruption de la police, selon David Shinn, professeur de l’école des affaires internationales Elliott de l’université George Washington.
En Afrique du Sud, où réside la plus grande population chinoise du continent, des dizaines d’agents du département de police de la métropole de Johannesbourg ont été formés par la Chine. Le pays a aussi établi plus d’une douzaine d’unités de police pourvues par des Chinois et a fait du mandarin une langue requise pour les policiers stagiaires South Africa.
En 2019, des documents ont révélé qu’un contingent de policiers sud-africains avait été formé en Chine en 2016 pour servir de ce que le Daily Maverick appelle un « escadron de la mort » afin de cibler les dissidents politiques. Le groupe avait aussi été envoyé en secret pour patrouiller les passages frontaliers avec le Zimbabwe et le Mozambique.
Le groupe a été dissout par l’administration du président Cyril Ramaphosa.
« Bien qu’il ait été dissout par l’administration Ramaphosa, cette histoire souligne les dangers des officiels sans scrupules qui collaborent avec leurs homologues chinois pour créer des forces extralégales », écrit M. Nantulya pour le CESA.
Au-delà de l’Afrique, d’autres pays abandonnent la formation chinoise. C’est ce qu’ont fait les îles Fidji après avoir déterminé que l’approche chinoise était incompatible avec les normes démocratiques des Fidji.
« Notre système de démocratie et notre système judiciaire sont différents ; nous retournerons donc vers ceux qui ont des systèmes semblables aux nôtres », a déclaré le Premier ministre Sitiveni Rabuka.
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