PERSONNEL D’ADF
Les manifestations contre les Nations unies dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) incitent les experts et les parties prenantes à envisager des changements majeurs dans l’approche globale des missions.
Les trois missions africaines les plus complexes, en RDC, au Mali et en Centrafrique, sont appelées des missions de « stabilisation ». Elles affrontent tout un éventail de défis politiques, de réseaux criminels, de groupes extrémistes et de mercenaires. Il n’existe pas de paix qui pourrait être durablement maintenue dans ces pays, et leur objectif consiste donc à stabiliser suffisamment chaque pays pour que le gouvernement local puisse fonctionner.
Ces types de mission sont maintenant réévalués. Ils coûtent typiquement 1 milliard de dollars par an et exigent un soutien d’au moins dix pays qui contribuent leurs soldats. Dans bien des cas, ils durent pendant des dizaines d’années sans enrayer la violence.
« Ce modèle perd sa popularité : bien qu’il ait assez bien réussi à empêcher les atrocités, il a assez mal réussi à bâtir une paix durable », écrit Fred Carver, conseiller de l’Association des Nations unies-RU, sur le site web PassBlue.
C’est le cas dans l’Est de la RDC où une force onusienne de 16.000 personnes appelée aujourd’hui la MONUSCO est active depuis plus de 22 ans. Depuis sa création, elle fait face à des cycles continuels de violence provoqués par plus de 100 groupes armés, rebelles, terroristes et milices locales.
Les civils manifestent pour exiger de meilleurs résultats.
« La population de la RDC s’attendait clairement à ce que la MONUSCO vienne aider », a déclaré à la BBC le Dr Yvan Yenda Ilunga, expert de l’humanitarisme et la sécurité, et originaire de la RDC.
Selon le mandat de la MONUSCO, la mission en RDC prendra fin en 2024. Mais le gouvernement suggère que cet échéancier pourrait être réévalué.
Le Dr Cedric de Coning, conseiller principal du Centre africain pour la résolution constructive des litiges, déclare que l’ONU est en train de réexaminer ses missions à grande échelle.
« Nous sommes dans une époque intéressante, parce que les Nations unies n’ont pas déployé d’opération de maintien de la paix à grande échelle depuis 2014, dit-il à la BBC. Elles ont préféré déployer des missions politiques de moindre envergure. »
Il pense que les composantes militaires plus limitées des missions de maintien de la paix du futur joueront un rôle de soutien pour les efforts diplomatiques.
« À l’avenir, je prédis un plus grand focus sur la résolution politique de ces problèmes. Une opération de maintien de la paix peut faire face à certains symptômes sur le terrain, mais pour résoudre ce genre de conflit nous devons nous concentrer sur la dimension diplomatique et politique. »
D’autres mettent l’accent sur la nécessité d’un plus grand engagement communautaire. M. Carver déclare que les missions futures devront considérer comme client la communauté d’accueil, au lieu de considérer uniquement l’état. Ceci signifierait que les membres de la communauté déterminent les priorités et les objectifs pour l’ONU.
« Certainement au Congo, le maintien de la paix onusien pourrait devenir orienté plus localement ou continuer à être localement résisté, écrit-il. Le moment est venu pour un grand changement. »
Le Dr Ilunga déclare que la complexité des problèmes dans l’Est de la RDC et le manque de confiance des civils exigent que le mandat du maintien de la paix soit réexaminé ou même reconçu.
« Lorsque nous pensons au maintien de la paix onusien, nous supposons clairement qu’il existe une paix à maintenir, dit-il. Mais dans beaucoup de ces endroits, il n’y a pas de paix à maintenir. Nous devons donc passer à l’idée de la pacification. »
« Nous devons renforcer les capacités des soldats que nous déployons, nous devons leur donner un mandat et les équiper des compétences et de la logistique pour établir la paix, plutôt que d’essayer de préserver ce qui n’existe pas. »
Étant donné le grand nombre de groupes armés qui ont des objectifs différents, le Dr Ilunga déclare que l’ONU ne peut plus conduire des opérations traditionnelles qui aboutissent à des accords négociés avec les pays hôtes.
« L’ONU agit toujours comme si elle était engagée dans une conversation autour d’une table. Vous envoyez des soldats qui ne sont pas préparés à combattre la guérilla ; cela ne va pas marcher. »