PERSONNEL D’ADF
La violence qui a englouti l’Afrique du Sud en juillet 2021 a choqué et traumatisé le pays. Beaucoup craignent que cela ne se reproduise si les causes sociales fondamentales ne sont pas affrontées.
Le président Cyril Ramaphosa a appelé la vague de violence qui a frappé le pays l’an dernier une « insurrection » et « une attaque délibérée, coordonnée et bien planifiée contre notre démocratie ». Il a condamné les « actes opportunistes de pillage ».
Plus de 350 personnes sont mortes, des milliers ont été arrêtées et des milliards de dollars ont été perdus dans la destruction.
L’arrestation et l’incarcération de l’ancien président Jacob Zuma après son refus de témoigner dans une investigation de corruption a été l’étincelle qui a mis le feu aux poudres. Mais les observateurs mentionnent des problèmes plus profonds, notamment l’inégalité économique et un manque de confiance dans les institutions de l’État, comme origines de la colère.
Un an plus tard, les experts tels que Sandy Africa avertissent que les ingrédients du mécontentement restent en place et le secteur de la sécurité continue à faire défaut dans sa capacité de réponse.
Sandy Africa est professeur associée de science politique à l’université de Pretoria. Elle était présidente du panel d’experts nommé pour investiguer la violence de juillet 2021 et évaluer les carences de la réponse des services de sécurité sud-africains.
Elle écrit dans un article pour le magazine en ligne The Conversation Africa : « Il est à espérer que l’Afrique du Sud pourra éviter la répétition des événements de juillet 2021. Mais cela nécessite un secteur de la sécurité recalibré, qui est efficace, réactif, responsable et serviteur de la démocratie du pays et non pas des intérêts de quelques personnes qui les manipulent pour des gains personnel ou partisans. »
Le rapport du panel, qui a été publié à la fin novembre 2021, évoque l’impact persistant des événements de juillet 2021 sur tous les aspects de la société.
Le rapport déclare que peu de choses ont changé, la prise de responsabilité a nettement fait défaut et un grand nombre de citoyens considèrent un autre soulèvement comme inévitable.
« Beaucoup craignent non seulement qu’une répétition de cette violence ne trouve un terrain fertile dans les contextes trop familiers de la contestation politique négative, où certains intérêts tirent profit des niveaux de pauvreté, d’inégalité, du manque de livraison des services et de la tension sociale pour faire avancer leur cause. »
« On craint aussi que la violence n’ait laissé un sentiment d’incertitude et de vulnérabilité à cause de la réponse inefficace des services de sécurité et d’un souhait d’anarchie de la part de ceux qui pourraient se sentir enhardis par le manque apparent de capacité de l’État », selon le panel.
Avec des niveaux élevés de crimes violents et de manifestations violentes, il est clair que l’Afrique du Sud a un problème sécuritaire.
Selon le GPI (Global Peace Index) de l’Institute for Economics and Peace publié en juin 2022, l’Afrique du Sud est classée 23ème parmi les pires pays du monde en ternes de sûreté et de sécurité.
En 2020, l’Afrique du Sud avait un taux d’homicides égal à 33 personnes pour chaque 100.000 (le triple de la moyenne régionale), selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime.
Le contrôle des armes à feu continue à faire l’objet de débats majeurs dans tout le pays.
Gareth Newham, expert en criminalité et sécurité à l’Institut pour les études de sécurité de Pretoria, a fait appel à une « riposte politique majeure » contre le crime organisé.
Il a déclaré au journal britannique The Guardian : « Les renseignements efficaces sont essentiels. Il y a seulement un certain nombre de gens qui font cela, donc il devrait être possible de retirer proactivement les armes de la société. Mais il semble que la police ne sait même pas ce qu’est le problème. »
Un rapport public de début juillet 2022 a condamné la réponse des services de renseignement et de sécurité, en déclarant que la police avait été prise au dépourvu et avait une « capacité insuffisante » pour gérer les troubles.
« Il y a eu une défaillance des structures de renseignement servant à anticiper et répondre adéquatement à la violence », selon le rapport.
L’Afrique du Sud est bien connue comme l’une des sociétés les plus inégales du monde, ce qui a été exacerbé par la pandémie. Les enfants des familles aux revenus faibles ont perdu plus d’un an de scolarité alors que ceux des communautés riches ont eu accès à l’enseignement en ligne.
Les experts ont aussi blâmé les problèmes liés à la corruption, la pauvreté et les soins de santé comme cause des troubles de 2021, la pire violence que le pays ait subie depuis la fin de l’apartheid.
Le Dr Rudo Mathivha a déclaré dans une conférence d’avril 2022 : « Pensez-vous que vous pouvez défendre la démocratie dans une nation qui est malade ? Commencez avec la santé de vos citoyens. Puis commencez à leur enseigner la démocratie et les débats et soyez actifs pour la réaliser. »
Le Dr Mathivha, chef des soins intensifs à l’hôpital Chris Hani Baragwanath, le plus grand hôpital d’Afrique, s’est exprimé lors du lancement du dialogue national de la campagne Defend Our Democracy [Défendez notre démocratie] concernant le renouveau démocratique.
Alors que la pression monte pour un changement en Afrique du Sud, les élections présidentielles de 2024 s’annoncent.
Parmi les recommandations du panel de Sandy Africa, on note sa demande pour que le gouvernement recalibre le focus de ses services de sécurité comme méthode cruciale pour regagner la confiance des habitants.
« L’Afrique du Sud nécessite une stratégie pluridimensionnelle pour bâtir des quartiers, des communautés et une nation pacifiques et soutenables où l’état de droit règne, écrit-elle. De nouvelles notions de sécurité qui reflètent une morale axée sur l’être humain sont nécessaires. »
« Des méthodes visant à désamorcer les conflits, engager les chefs des communautés et éviter les effusions de sang sont nécessaires. Ceci exige des services de sécurité sérieux et dédiés et des représentants politiques responsables pour superviser les services afin d’éviter les abus de pouvoir. »