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La controverse obscurcit l’accord portuaire entre la Sierra Leone et la Chine

PERSONNEL D’ADF

L’opinion publique contre un projet de port de pêche industriel de 55 millions de dollars à l’emplacement de la plage touristique Black Johnson Beach de Sierra Leone continue à être passionnée plus d’un an après la révélation de l’accord.

Les résidents concernés ont lancé la campagne de sauvetage Save Black Johnson Beach l’an dernier ; elle a réussi à faire pression pour que le gouvernement conduise une évaluation d’impact environnemental et identifie les espèces animales protégées de la région, selon une annonce de presse de mai 2022. Le groupe affirme avoir établi des justifications légales pour mettre en cause le projet.

Le gouvernement « sait qu’il ne peut pas continuer » avec le projet « mais il refuse de l’admettre, et donc la plage et l’environnement courent toujours un grave danger », selon l’annonce.

On projette que le port sera construit sur 100 hectares de plage et de forêt vierge qui abritent des espèces animales protégées et menacées. Le port transformera principalement le poisson attrapé par les chalutiers chinois, puis ce poisson sera exporté en Chine. Les résidents locaux n’étaient pas au courant de l’accord, qui pourrait inclure une usine de farine de poisson, jusqu’à ce qu’il soit signé.

Un article d’opinion publié dans le journal Sierra Leone Telegraph prédit que le projet menacera la sécurité alimentaire du pays, détruira les sites immaculés de reproduction des poissons et dévastera les moyens de subsistance des pêcheurs artisanaux qui subissent déjà la concurrence d’une multitude de chalutiers étrangers.

James Fallah-Williams, journaliste et activiste des droits de l’homme, écrit dans le Telegraph : « Le gouvernement de Sierra Leone a honteusement déployé beaucoup d’efforts pour dire au pays que le projet de farine de poisson va créer des “milliers” d’emplois. Ceci est complètement délirant et insensé, un tas de baratin : l’ensemble du procédé d’usine est extrêmement mécanisé. »

Les activités des chalutiers étrangers menacent déjà les moyens de subsistance de 500.000 Sierraléonais qui travaillent dans l’industrie de la pêche, alors que les stocks de poissons ont chuté rapidement entre 2009 et 2021, selon un reportage dans The European Times.

Les résidents locaux craignent que le port n’encourage encore plus la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN), qui fait perdre 29 millions de dollars par an à la Sierra Leone. Environ 75 % des incidents INN dans les eaux territoriales du pays sont liés à la Chine, selon les estimations de China Dialogue Ocean.

Les réponses à l’article de M. Williams ont été acerbes.

Un lecteur du nom de Michael Kanyako a écrit : « Si notre pays est tellement désespéré d’avoir un port pour l’industrie de la pêche, je pense que notre pays peut obtenir le financement de 55 millions de dollars auprès des coffres publics de la Banque de Sierra Leone. Pourquoi [est-ce que] nous comptons seulement sur les donations des étrangers ? »

Med Sillah, autre lecteur, a écrit que les investissements privés conduisant à la création d’emplois étaient bienvenus, mais les effets environnementaux et sociaux doivent être considérés.

« La surexploitation de nos eaux a certainement un impact sur les moyens de subsistance des gens ; [elle] n’est pas durable et elle nuit à l’environnement. Le gouvernement doit faire attention à la façon dont il conclut ce [type] d’accord et être transparent au sujet de l’accord de Black Johnson. »

Les usines de farine de poisson restent un sujet très sensible dans toute l’Afrique de l’Ouest, où plus de 50 d’entre elles sont actives en Gambie, en Guinée-Bissau, en Mauritanie et au Sénégal.

Beaucoup de zones autour des usines deviennent si contaminées que le tourisme disparaît. Et les espèces de poissons utilisées par la chaîne de production des usines sont déjà surexploitées, ce qui conduit au chômage et à l’insécurité alimentaire.

Le président sierraléonais Julius Bio a reconnu que le projet faisait partie de l’initiative chinoise de la Nouvelle route de la soie dont le but est de développer le commerce par la construction de routes, ports, barrages et voies ferrées en Afrique et dans d’autres régions du monde. Emma Kowa Jalloh, ministre sierraléonaise des Pêches, a déclaré qu’une usine de farine de poisson ne faisait pas partie de l’accord.

La nature opaque de l’accord suscite des inquiétudes sur l’identité de ceux qui vont bénéficier du port et sur les effets néfastes qui pourraient résulter, déclare Steve Trent, directeur exécutif de l’Environmental Justice Foundation.

« Il semble évident qu’aucune évaluation de l’impact social ou environnemental n’a été conduite, et qu’il n’y a pas eu non plus de consultation auprès des communautés locales, déclare-t-il au Sierra Leone Telegraph. Aucune donnée provenant de ce type d’étude n’a été publiée. »

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